I- Par une requête n° 19PA01120, enregistrée le 22 mars 2019, la société Pharmacie anglaise des Champs-Elysées, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1801197/4-2 du 25 janvier 2019 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de statuer à nouveau par l'effet dévolutif de l'appel et de rejeter les conclusions présentées par la société Tiffany et Co en première instance ;
3°) de mettre à la charge de la société Tiffany et Co la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'erreur de droit dans la mesure où il a examiné, non la légalité de l'arrêté du 1er septembre 2009, mais ses conditions d'exécution ;
- la croix ne constitue pas une préenseigne mais une enseigne au sens des dispositions de l'article L. 581-3 du code de l'environnement.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 juin 2019, la société Tiffany et Co, représentée par Me C..., conclut :
1°) à titre principal à ce que la cour administrative d'appel de Paris prononce un non-lieu à statuer ;
2°) à titre subsidiaire, au rejet de la requête ;
3°) en tout état de cause, à ce qu'il soit mis à la charge de la société pharmacie anglaise des Champs Elysées la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient :
- à titre principal, que par une décision du 13 mai 2019, prise au visa du jugement contesté, le maire de Paris a abrogé l'arrêté du 1er septembre 2009 et enjoint à la société Pharmacie anglaise des Champs-Elysées, dans un délai de huit jours, de déposer la croix de pharmacie et de remettre les lieux en l'état ; qu'ainsi, il n'y a plus lieu de statuer ;
- à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par la pharmacie anglaise des Champs Elysées ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la Ville de Paris qui n'a pas produit de mémoire en défense.
II- Par une requête n° 19PA01121, enregistrée le 22 mars 2019, et un mémoire complémentaire enregistré le 27 juin 2019, la société Pharmacie anglaise des Champs-Elysées, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement 1801197/4-2 du 25 janvier 2019 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de mettre à la charge de la société Tiffany et Co la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement entraine des conséquences difficilement réparables en termes de baisse de chiffre d'affaires ;
- le jugement est entaché d'erreur de droit dans la mesure où il a examiné, non la légalité de l'arrêté du 1er septembre 2009, mais ses conditions d'exécution ;
- la croix ne constitue pas une préenseigne mais une enseigne au sens des dispositions de l'article L. 581-3 du code de l'environnement.
Par des mémoires en défense enregistrés le 3 mai, 24 juin 2019 et 30 septembre 2019, la société Tiffany et Co, représentée par Me C..., conclut, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, au non-lieu à statuer ;
2°) à titre subsidiaire, au rejet de la requête ;
3°) en tout état de cause, à ce qu'il soit mis à la charge de la société Pharmacie anglaise des Champs-Elysées la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient :
- à titre principal, qu'il n'y a plus lieu de statuer ;
- à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par la société Pharmacie anglaise des Champs-Elysées ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la Ville de Paris qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- l'arrêté municipal du 7 juillet 2011 relatif au règlement local de la publicité, des enseignes et préenseignes de Paris ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,
- les observations de Me A..., avocat de la société la Pharmacie anglaise des Champs-Elysées ;
- et les observations de Me Pernet, avocat de la société Tiffany et Co.
Une note en délibéré a été produite pour la société Pharmacie anglaise des Champs-Elysées le 26 octobre 2020 dans la requête n° 19PA01120 et dans la requête n° 19PA01121.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement n° 1801197/4-2 du 25 janvier 2019, le tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé la décision implicite par laquelle le maire de Paris a rejeté la demande de la société Tiffany et Co tendant à ce qu'elle enjoigne à la société Pharmacie anglaise des Champs-Elysées de déposer la croix de pharmacie installée à l'angle du 62 avenue des Champs-Elysées et du 130 rue de la Boétie et à ce qu'elle abroge l'autorisation d'enseigne accordée le 1er septembre 2009 et d'autre part, enjoint au maire de Paris de prendre un arrêté ordonnant à la société Pharmacie anglaise des Champs-Elysées, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision juridictionnelle, de retirer la croix en litige et de remettre en état les lieux. Il a également enjoint au maire de Paris d'abroger, dans ce même délai, l'arrêté du 1er septembre 2009 relatif à l'autorisation d'enseigne. La société Pharmacie anglaise des Champs-Elysées demande à la Cour la suspension de ce jugement (requête n° 19PA01121) et son annulation (requête n° 19PA01120).
Sur la jonction :
2. Les deux requêtes n° 19PA01120 et n° 19PA01921 de la société Pharmacie anglaise des Champs-Elysées sont dirigées contre un même jugement du 25 janvier 2019 du tribunal administratif de Paris. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne les conclusions aux fins de non-lieu à statuer :
3. Lorsque l'autorité administrative, en exécution d'un jugement d'annulation, prend une nouvelle décision qui n'est motivée que par le souci de se conformer à ce jugement d'annulation, cette circonstance ne prive pas d'objet l'appel dirigé contre ce jugement.
4. Par le jugement contesté, le tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé la décision implicite par laquelle le maire de Paris a rejeté la demande de la société Tiffany et Co tendant à ce qu'elle enjoigne à la société Pharmacie anglaise des Champs-Elysées de déposer la croix de pharmacie installée à l'angle du 62 avenue des Champs-Elysées et du 130 rue de la Boétie et à ce qu'elle abroge l'autorisation d'enseigne accordée à la pharmacie le 1er septembre 2009 et d'autre part, enjoint au maire de Paris de prendre un arrêté ordonnant à la société Pharmacie anglaise des Champs-Elysées, dans un délai de 15 jours, de retirer la croix litigieuse et de remettre en état les lieux. Il a également enjoint au maire de Paris d'abroger, dans ce même délai, l'arrêté du 1er septembre 2009 relatif à l'autorisation d'enseigne.
5. Par une décision du 13 mai 2019, prise au visa du jugement contesté, le maire de Paris a abrogé l'arrêté du 1er septembre 2009 et enjoint à la société Pharmacie anglaise des Champs-Elysées, dans un délai de huit jours, de déposer la croix de pharmacie et de remettre les lieux en l'état. Une telle décision n'étant motivée que par le souci de se conformer au jugement précité, elle ne prive pas d'objet l'appel dirigé contre lui. Il s'ensuit que les conclusions de la société Tiffany et Co tendant à ce que soit prononcé un non-lieu à statuer dans la présente instance ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne le bien fondé du jugement attaqué :
6. Pour annuler la décision du maire de Paris rejetant la demande de la société Tiffany et Co tendant à ce qu'elle enjoigne à la société Pharmacie anglaise des Champs-Elysées de déposer la croix en litige et à ce qu'elle abroge l'autorisation d'enseigne accordée le 1er septembre 2009, et enjoindre au maire de Paris de prendre un arrêté ordonnant à la société Pharmacie anglaise des Champs-Elysées de retirer la croix en litige et d'abroger l'arrêté du 1er septembre 2009 relatif à l'autorisation d'enseigne, les premiers juges, ont, au visa de l'article L. 581-3 du code de l'environnement, relevé que la croix lumineuse litigieuse est installée en saillie, à l'angle de l'avenue des Champs-Elysées et de la rue de la Boétie, qu'elle est à distance de la devanture de la pharmacie, la vitrine de la société Tiffany et Co occupant en effet depuis cet angle une partie de la façade de l'immeuble rue de la Boétie, et qu'elle signale ainsi la proximité de l'officine implantée 9 mètres au-delà au 130 rue de la Boétie, de sorte qu'alors même qu'elle est installée sur le même immeuble, elle est dissociée du lieu même, façade ou devanture, où s'exerce l'activité pharmaceutique et de son entrée effective et elle constitue, dès lors, une préenseigne au sens de l'article L. 581-3 du code de l'environnement et non une enseigne.
7. Aux termes de l'article L. 581-27 du code de l'environnement : " Dès la constatation d'une publicité, d'une enseigne ou d'une préenseigne irrégulière au regard des dispositions du présent chapitre ou des textes réglementaires pris pour son application, et nonobstant la prescription de l'infraction ou son amnistie, l'autorité compétente en matière de police prend un arrêté ordonnant, dans les quinze jours, soit la suppression, soit la mise en conformité avec ces dispositions, des publicités, enseigne ou préenseigne en cause, ainsi que, le cas échéant, la remise en état des lieux. Cet arrêté est notifié à la personne qui a apposé, fait apposer ou maintenu après mise en demeure la publicité, l'enseigne ou la préenseigne irrégulière. Si cette personne n'est pas connue, l'arrêté est notifié à la personne pour le compte de laquelle ces publicités, enseigne ou préenseignes ont été réalisées. "
8. Aux termes de l'article L. 581-3 du code de l'environnement : " Au sens du présent chapitre : / 1° Constitue une publicité, à l'exclusion des enseignes et des préenseignes, toute inscription, forme ou image, destinée à informer le public ou à attirer son attention, les dispositifs dont le principal objet est de recevoir lesdites inscriptions, formes ou images étant assimilées à des publicités ; / 2° Constitue une enseigne toute inscription, forme ou image apposée sur un immeuble et relative à une activité qui s'y exerce ;/3° Constitue une préenseigne toute inscription, forme ou image indiquant la proximité d'un immeuble où s'exerce une activité déterminée ". Selon l'article L. 581-19 du même code, les préenseignes sont soumises aux dispositions qui régissent la publicité.
9. Aux termes de l'article PE 1 " Préenseignes de pharmacie lumineuse " du règlement local de la publicité, des enseignes et Préenseignes de Paris approuvé par le conseil de Paris des 20 et 21 juin 2011 : " une préenseigne de pharmacie peut être apposée à plat sur l'angle ou le pan coupé d'un bâtiment quelle que soit son affectation, sous réserve de l'accord écrit du propriétaire de la façade où doit prendre appui le dispositif (...) ".
10. Il résulte des articles L. 581-3 et L. 581-19 du code de l'environnement que ne peut recevoir la qualification d'enseigne que l'inscription, forme ou image apposée sur la façade ou devanture du lieu même où s'exerce l'activité, tandis que doit être considérée comme une préenseigne toute inscription, forme ou image qui, se dissociant matériellement du lieu de l'activité, indique sa proximité à l'attention du public. Pour l'application de l'article L. 581-3 du code de l'environnement, l'immeuble mentionné au 2° sur lequel est apposée une enseigne désigne la façade ou devanture où s'exerce l'activité, et non l'ensemble de bâtiments, délimité par une ou plusieurs voies publiques, dans lequel est installé l'établissement.
11. Il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier du dossier de demande d'autorisation, lequel malgré la demande de production qui en a été faite à la ville de Paris par la Cour n'a pas été produit, que la croix en litige aurait été installée en méconnaissance des prescriptions de l'arrêté du 1er septembre 2009, lequel doit être regardé, nonobstant la généralité de ses termes, comme ayant autorisé l'installation d'une croix en saillie au 130 rue La Boétie. Par suite, en relevant, ainsi qu'il a été dit au point 6, que la croix lumineuse en litige installée à distance de la devanture de la pharmacie et signalant ainsi la proximité de l'officine avait été autorisée par l'arrêté en litige et que, par voie de conséquence le dispositif constituait une préenseigne, les premiers juges n'ont pas inexactement interprété cet arrêté. En conséquence, le moyen de la société requérante tirée de ce que l'arrêté pour n'avoir pas été correctement exécuté n'est pas pour autant illégal doit être écarté.
12. Si la société requérante fait valoir qu'elle occupe le même immeuble que la société Tiffany et Co, que leur façade est commune, que son siège social est situé au 62 avenue des Champs-Elysées et que le bail stipule que les locaux loués sont situés à cette dernière adresse, il résulte cependant de ce qui a été dit au point 11 que l'activité de la pharmacie s'exerce au 130 rue La Boétie là où est située son entrée, que la croix, du fait de la distance de 9 mètres qui la sépare de la pharmacie, constitue une préenseigne et que rien ne fait obstacle à ce qu'une autre enseigne soit installée sur la devanture de la pharmacie.
13. Si la société requérante fait valoir les spécificités de l'activité de pharmacien, ces circonstances, qui sont relatives à la réglementation des préenseignes telles que prévues par le règlement local de publicité de la ville de Paris, sont en tout état de cause sans influence sur les dispositions rappelées plus haut.
14. Il résulte de ce qui précède que la société Pharmacie anglaise des Champs-Elysées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :
15. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 1801197/4-2 du tribunal administratif de Paris, les conclusions de la requête n° 19PA01121 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. La société Tiffany et Co n'étant pas la partie perdante dans les présentes instances, les conclusions de la société Pharmacie anglaise des Champs-Elysées tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre des dispositions précitées doivent être rejetées.
17. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Pharmacie anglaise des Champs-Elysées le versement à la société Tiffany et Co d'une somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu à statuer sur la requête n° 19PA01121 de la société Pharmacie anglaise des Champs-Elysées.
Article 2 : La requête n° 19PA01120 de la société Pharmacie anglaise des Champs-Elysées est rejetée.
Article 3 : La société Pharmacie anglaise des Champs-Elysées versera à la société Tiffany et Co une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Pharmacie anglaise des Champs-Elysées,à la société Tiffany et Co et à la ville de Paris.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. Diémert, président-assesseur
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 novembre 2020.
Le rapporteur,
J.-F. B...Le président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
A. LOUNISLa République mande et ordonne au préfet de la région Île-de-France préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA01120-19PA01121