Par une requête enregistrée le 14 septembre 2020, la société civile de construction-vente " Maison de la porte d'en bas ", représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 1905293 du 3 juillet 2020 du tribunal administratif de Melun ;
2°) à titre principal, de rejeter la requête des consorts B... ;
3°) à titre subsidiaire, de prononcer une annulation partielle du permis de construire sur le fondement de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme et lui accorder un délai de quatre mois" pour déposer une demande de permis de construire modificatif ;
4°) de mettre à la charge des consorts B... la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il s'est fondé sur un moyen non soulevé en première instance et qui n'avait pas fait l'objet d'un débat contradictoire, tiré de ce que le coefficient d'espaces non imperméabilisés du projet situé au-delà d'une bande des trente mètres décomptés depuis la voie serait inférieur à celui exigé ;
- le tribunal ne pouvait retenir une méconnaissance de l'article UA.12 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune s'agissant du nombre de places, dès lors le nombre de places de stationnement doit s'apprécier globalement et non par tranche ;
- c'est à tort que les premiers juges ont relevé que n'était pas respectée la proportion d'espaces verts pour les parties de terrains situées au-delà d'une bande de trente mètres décomptés depuis la voie, en méconnaissance de l'article UA.13 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune, dès lors que la voie d'accès menant à la rue Maurice Bertaux constitue une voie au sens de l'article 2 des dispositions générales du plan local d'urbanisme ;
- l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme peut être mis en oeuvre dès lors que plusieurs solutions existent pour répondre à l'irrégularité du projet.
La requête a été communiquée à M. et Mme B... et à la commune de Fontenay-Trésigny qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 8 janvier 2020, la clôture de l'instruction a été prononcée le 25 janvier 2021 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,
- et les observations de Me Pelloquin, avocat de la société civile de construction-vente " Maison de la porte d'en bas " et de Me Gabard, avocat de la commune de Fontenay-Tresigny.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté n° 2019/U09 du 21 janvier 2019, le maire de Fontenay-Trésigny a délivré à la société civile de construction-vente " Maison de la porte d'en bas " un permis de construire, sur des parcelles cadastrées section C n° 1202, 1203 et 1318 et situées au 19 rue Maurice Bertaux, un ensemble immobilier de 41 logements. M. et Mme B... ont formé auprès du maire de la commune un recours gracieux tendant au retrait de cet arrêté par courrier du 18 mars 2019 qui a fait l'objet d'un rejet par une décision n° PR/MCG/MD du 8 avril 2019. Saisi à cette fin par M. et Mme B..., le tribunal administratif de Melun, a annulé ces décisions par un jugement n° 1905293 du 3 juillet 2020 dont relève appel la société civile de construction-vente " Maison de la porte d'en bas ".
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Pour annuler la décision au motif qu'elle méconnaissait les dispositions de l'article UA.13 du règlement du plan local d'urbanisme, relatif aux espaces libres, plantations et coefficient de biotope, les premiers juges ont relevé que, du fait de la localisation du projet au-delà de la bande de 30 mètres décomptés depuis la rue Maurice Bertaux, devait s'appliquer un coefficient d'espaces non imperméabilisés d'au moins 60% qui n'était pas atteint. Il ressort cependant des écritures de première instance de Mme et M. B... qu'ils avaient seulement soulevé le moyen tiré de ce que n'avait pas été respecté le coefficient de végétalisation de 20% prévu par ce même article. Dans ces conditions, et alors qu'il ressort des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme que les notions d'espaces non imperméabilisés et de végétalisation sont différentes, le jugement du tribunal administratif est entaché d'irrégularité. Ses articles 1, 3 et 4 doivent en conséquence être annulés. Par suite, l'affaire étant en état, il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de première instance de M. et Mme B....
Sur l'intérêt à agir de M. et Mme B... :
3. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation.". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
4. La commune de Fontenay-Trésigny fait valoir que M. et Mme B... sont dépourvus d'intérêt à agir, faute d'établir la réalité des atteintes qu'ils invoquent aux conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B..., qui ont produit leur titre de propriété, sont propriétaires de la parcelle cadastrée section C n° 792 et située au 35 rue Maurice Bertaux, sur laquelle est implantée une maison à usage d'habitation qui constitue leur résidence principale. La limite séparative à l'est de cette parcelle est mitoyenne du terrain d'assiette du projet litigieux, faisant ainsi des requérants des voisins immédiats de ce dernier. Les parcelles qui constituent le terrain d'assiette du projet sont actuellement libres de toute construction et comptent une partie boisée et une partie laissée en friche ne leur occasionnant aucune vue directe. Le projet consiste en l'édification d'un immeuble d'habitats collectifs de quarante-et-un logements dont la façade nord-ouest, implantée à une trentaine de mètres du pavillon des requérants, mesurera près de 50 mètres de long et 12 mètres de haut et comportera des espaces de vie extérieurs privatifs, sous la forme de jardins mais aussi de balcons et terrasses, tandis que des places de stationnement seront également aménagées en limite séparative avec leur parcelle. Ainsi, le projet est de nature à créer des vues directes sur leur propriété, à provoquer une perte d'ensoleillement, à générer des troubles de jouissance que la seule présence de haies naturelles ne saurait faire disparaître, et à grever la valeur vénale de leur maison comme il ressort d'une estimation réalisée par un agent immobilier. Dans ces conditions, les requérants justifient d'une qualité leur donnant intérêt pour agir contre le permis de construire attaqué et la fin de non-recevoir opposée en ce sens par la commune de Fontenay-Trésigny doit être écartée.
Sur la légalité de la décision :
5. Aux termes des articles L. 151-34 et L. 151-35 du code de l'urbanisme, d'une part : " Le règlement peut ne pas imposer la réalisation d'aires de stationnement lors de la construction : / 1° De logements locatifs financés avec un prêt aidé par l'État ; / (...) " et, d'autre part : " Il ne peut, nonobstant toute disposition du plan local d'urbanisme, être exigé pour les constructions destinées à l'habitation mentionnées aux 1° à 3° de l'article L. 151-34 la réalisation de plus d'une aire de stationnement par logement ". Aux termes de l'article UA.12 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune : " Stationnement / Dispositions générales / 1) Le stationnement des véhicules de toute nature, correspondant aux besoins des aménagements et constructions, doit être assuré en dehors de la voie ou de l'emprise publique. / (...) / Ratios minimaux au stationnement des voitures / Sauf dans les cas spécifiques prévus par la législation, il est imposé : / Un emplacement par tranche de 55 m² de surface de plancher pour les bureaux / Un emplacement pour 5 chambres pour les hébergements hôteliers et 1 place pour 10 m² de salle de restaurant / Un emplacement par tranche de 40 m² de surface de plancher pour les autres destinations / De plus, pour les lotissements et ensembles de constructions autorisant plus de 300 m² de surface de plancher de construction, il doit être créé sur espace collectif au moins un emplacement par 300 m² de surface de plancher. / (...) ". Par ailleurs, Aux termes des dispositions générales du même règlement, et notamment de son article 3 : " Pour les calculs par tranche, on arrondit au chiffre entier supérieur. ".
6. Les requérants soutiennent qu'au regard de la superficie du plancher du projet et des différentes tranches concernées, le nombre d'emplacements est insuffisant.
7. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que, dans la zone UA à Fontenay-Trésigny, les constructions d'habitation collective qui, comme en l'espèce, comprennent une part de logements à caractère social et une part de logements en accession à la propriété, doivent prévoir tant un nombre de places de stationnement équivalent au nombre de logements à caractère social qu'un nombre de telles places équivalent au nombre de tranches de 40 mètres carrés de surface de plancher créée dans les logements en accession à la propriété auquel il convient d'ajouter un nombre de places pour le stationnement des visiteurs déterminé par rapport au nombre de tranches de 300 mètres carrés de surface de plancher créée dans ces même logements, les résultats des calculs de tranche étant arrondis au chiffre entier supérieur. Il résulte également de ces dispositions que cette règle d'arrondi doit être appliquée successivement, tant à la détermination du nombre de places de stationnement au titre des occupants des logements en accession à la propriété qu'à la détermination des places de stationnement au titre des visiteurs.
8. Il ressort des pièces du dossier que douze des quarante-et-un logements dont le projet prévoit la construction présentent le caractère de logements locatifs financés avec un prêt aidé par l'État, de sorte que seules douze places de stationnement étaient requises au titre de ces logements en vertu des dispositions précitées des articles L. 151-34 et L. 151-35 du code de l'urbanisme. Les vingt-neuf logements restant, qui sont ouverts à l'accession à la propriété, développent, quant à eux, une surface de plancher qui, compte-tenu des modifications résultant du permis de construire modificatif délivré en cours d'instance par un arrêté n° 2019/U201 du 25 novembre 2019 du maire de Fontenay-Trésigny, atteint1 543,35 mètres carrés, ce qui impose, en application des dispositions rappelées aux points précédents, la création de trente-neuf places au titre du stationnement des futurs occupants et de six places au titre du stationnement des visiteurs.
9. Il s'ensuit qu'en prévoyant la création de cinquante-six places de stationnement, alors que cinquante-sept places auraient dû être créées en application des règles rappelées précédemment, le projet méconnaît les dispositions précitées de l'article UA.12 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune.
10. Aux termes de l'article UA 13 : " Les aires de stationnement comprenant au moins 4 emplacements doivent être plantées à raison d'un arbre de haute tige pour 4 emplacements. ".
11. Les requérants font reproche au projet de ne pas respecter le ratio de plantation d'arbres par emplacement de stationnement, ceux-ci, au nombre de quatorze, étant répartis " de manière très inégale " selon les aires de stationnement.
12. Quand bien même la demande de permis de construire fait mention d'un nombre total de cinquante-six places de stationnement, il ressort des pièces du dossier que ces places sont réparties en trois aires différentes pour chacune desquelles doivent respectivement s'appliquer les dispositions sus-rappelées. Si l'aire située sur la partie Est du projet comporte dix arbres pour trente quatre places et respecte ainsi le ratio défini, il n'en va de même ni pour l'aire de dix places située sur sa partie Nord, qui ne comporte aucun arbre, ni pour celle de douze places située sur la partie Nord-Ouest, qui ne comporte qu'un seul arbre. Les requérants sont ainsi fondés à soutenir que l'article UA.13 a été méconnu.
13. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme (...), la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation (...), en l'état du dossier ". Pour l'application de ces dispositions, aucun des autres moyens de la requête n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder l'annulation de l'arrêté n° 2019/U09 du 21 janvier 2019 du maire de Fontenay-Trésigny et de la décision du 8 avril 2019 rejetant le recours gracieux de M. et Mme B....
Sur l'application des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme :
14. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé ".
15. Les illégalités relatives au nombre de places de stationnement et au nombre d'arbres affectent une partie identifiable du projet et sont susceptibles d'être régularisées. Il y a lieu, dans ces conditions, d'annuler le permis de construire en litige uniquement en tant qu'il a omis de prévoir une place de stationnement supplémentaire et en ce qu'il a prévu un nombre d'arbres insuffisant pour les aires de stationnement situées au Nord et au Nord-Ouest du projet.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. M. et Mme B... n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de la société civile de construction-vente " Maison de la porte d'en bas " tendant à ce qu'une somme soit mise à leur charge au titre des dispositions précitées doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 1er, 3 et 4 du jugement n° 1905293 du 3 juillet 2020 du tribunal administratif de Melun sont annulés.
Article 2 : Les décisions du 19 janvier 2019 et du 8 avril 2019 du maire de la commune de Fontenay-Trésigny sont annulées en tant qu'elles ont omis de prévoir une place de stationnement [0]supplémentaire et en ce qu'elles ont prévu un nombre d'arbres insuffisant pour les aires de stationnement situées au Nord et au Nord-Ouest du projet.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile de construction-vente " Maison de la porte d'en bas ", à la commune de Fontenay-Trésigny et à Mme F... C..., épouse B..., et à M. D... B....
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Melun.
Délibéré après l'audience du 22 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,
- Mme Renaudin, premier conseiller,
- M. E..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 mai 2021.
Le président,
S. DIÉMERT
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-et-Marne, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.
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N° 20PA02695