Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 8 septembre 2018, le 9 septembre 2019, le 1er octobre 2019 et le 18 octobre 2019, la société Progalva, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1508897 du 28 mai 2018 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2015 du préfet de Seine-et-Marne et le titre de perception du 1er septembre 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Progalva soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté du 31 juillet 2015 du préfet de Seine-et-Marne n'est pas suffisamment motivé ;
- cet arrêté est entaché d'erreurs de droit et de fait, dès lors qu'elle ne peut être regardée comme le dernier exploitant du site ;
- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le titre de perception et l'état revêtu de la formule exécutoire ne sont pas régulièrement signés ;
- le titre n'indique pas les bases de liquidation.
Par des mémoires en défense enregistrés le 10 septembre 2019 et le 9 octobre 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée au ministre de l'action et des comptes publics, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... ;
- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public.
Le ministre de la transition écologique et solidaire a présenté une note en délibéré, enregistrée le 28 octobre 2019.
Considérant ce qui suit :
1. La société Progalva a souscrit en avril 1969 une déclaration pour une activité de fabrique de matériel destiné principalement à l'électrolyse sur un site situé au 45 avenue du Général de Gaulle à La Chapelle-La-Reine, relevant de la troisième classe des établissements dangereux, insalubres ou incommodes selon la nomenclature alors en vigueur, qui a fait l'objet d'un accusé de réception du préfet de Seine-et-Marne du 10 mai 1969. Par un arrêté du 15 avril 1976, le préfet de Seine-et-Marne a autorisé la société Progalva à poursuivre l'exploitation sur ce site d'une activité d'atelier de traitement de surface des métaux relevant de la deuxième classe des établissements dangereux, insalubres ou incommodes. A la suite de la cessation de l'activité en 1989, le préfet de Seine-et-Marne a mis en demeure la société Progalva de remettre en état le site, par un arrêté du 20 septembre 1990. Par des arrêtés du 13 avril 1992, du 6 janvier 1994 et du 19 juillet 2001, le préfet de Seine-et-Marne a ordonné à la société Progalva de consigner, respectivement, la somme de 500 000 francs (76 224,51 euros) correspondant au montant des travaux à réaliser pour remettre en état le site, la somme de 50 000 francs (7 622,45 euros) pour la réalisation d'une étude hydrogéologique et la somme de 400 000 francs (60 979,61 euros) pour la dépollution du site en vue de l'élimination des déchets restant sur le site. Par un arrêté du 17 septembre 2012, le préfet de Seine-et-Marne a également ordonné à la société Progalva de consigner la somme de 405 173 euros, correspondant au complément du montant des travaux à réaliser pour la mise en sécurité du site et consistant notamment en l'élimination des déchets restants et à la remise d'une étude hydrogéologique. Un titre de perception du même montant a été émis le 11 octobre 2012. Par un jugement du 30 octobre 2014 devenu définitif, le tribunal administratif de Melun a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté ordonnant la consignation du 17 septembre 2012 et annulé le titre de perception du 11 octobre 2012 pour vice de forme. Après avoir déconsigné la somme précitée par un arrêté du 31 juillet 2015, le préfet de Seine-et-Marne a de nouveau ordonné sa consignation par un arrêté du même jour. Un titre de perception du même montant a été émis le 1er septembre 2015 par le directeur départemental des finances publiques de l'Essonne. La société Progalva fait appel du jugement du 28 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté et de ce titre de perception.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par la société Progalva, ont suffisamment répondu aux moyens tirés du défaut de motivation de l'arrêté du 31 juillet 2015, de l'absence de qualité de dernier exploitant et de l'erreur manifeste d'appréciation. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit ainsi être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'arrêté du 31 juillet 2015 du préfet de Seine-et-Marne :
4. En premier lieu, la société Progalva soutient que l'arrêté du 31 juillet 2015 du préfet de Seine-et-Marne n'est pas suffisamment motivé en droit et en fait. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 2 de leur jugement.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article L. 171-8 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine (...) II. Lorsque la mise en demeure désigne des travaux ou opérations à réaliser et qu'à l'expiration du délai imparti l'intéressé n'a pas obtempéré à cette injonction, l'autorité administrative compétente peut : 1° L'obliger à consigner entre les mains d'un comptable public avant une date qu'elle détermine une somme correspondant au montant des travaux ou opérations à réaliser (...) ". Les articles L. 512-6-1 et L. 512-12-1 du code de l'environnement prévoient que lorsque l'installation est mise à l'arrêt définitif, son exploitant place son site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur du site au moins comparable à celui de la dernière période d'exploitation de l'installation mise à l'arrêt. Il résulte de ces dispositions que l'obligation de remettre en état le site d'une installation classée pèse sur l'exploitant ou son ayant droit. Lorsque l'exploitant ou son ayant droit a cédé le site à un tiers, cette cession ne l'exonère de ses obligations que si le cessionnaire s'est substitué à lui en qualité d'exploitant.
6. La société Progalva fait valoir que l'installation en litige a été exploitée de 1984 à 1990 par la société ATTS et, à la suite de la vente le 10 août 1992 d'une partie du terrain du site à la SCI La Chapelle, par la société TIMO. Elle se prévaut notamment de correspondances adressées par la société ATTS à l'administration par lesquelles elle l'a informée qu'elle a obtenu du syndic l'exploitation en location gérance du fonds de commerce de la société Progalva, puis lui a fait savoir par lettre du 6 février 1990 qu'elle a cessé l'activité de traitement de surface à la Chapelle-la-Reine. A supposer que ces sociétés puissent être regardées comme ayant agi comme des exploitants de fait du site et si le préfet de Seine-et-Marne a d'ailleurs pu leur adresser une mise en demeure compte tenu des difficultés rencontrées par l'administration pour identifier le débiteur de l'obligation de remise en état du site, de telles circonstances et les contrats signés par la société Progalva avec ces sociétés n'ont toutefois pas pu avoir pour effet de faire perdre à la société requérante la qualité d'exploitant qu'elle avait reçue par autorisation préfectorale en 1969 et 1976 et de l'exonérer de ses responsabilités en matière de remise en état du site de l'ancienne activité, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la procédure de changement d'exploitant aurait été régulièrement mise en oeuvre et que ces sociétés se seraient ainsi régulièrement substituées à elle en qualité d'exploitant du site de La Chapelle-la-Reine. Pour les mêmes motifs, la société Progalva ne peut davantage invoquer la vente d'une partie des terrains du site pour s'exonérer de ses obligations au titre de la législation sur les installations classées. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'erreurs de fait et de droit, au motif que la société Progalva ne pourrait être regardée comme le dernier exploitant du site, doivent être écartés.
7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) a établi un devis du 16 janvier 2012, qui mentionne que le montant des travaux d'élimination des déchets dangereux restants sur le site s'élève à 520 000 euros et celui des travaux de contrôle de la qualité des eaux souterraines à 30 000 euros, soit un montant total de 550 000 euros. Compte tenu des précédents arrêtés de consignation pris par le préfet le 13 avril 1992, le 6 janvier 1994 et le 5 septembre 2001, le montant de la consignation ordonnée par le préfet de Seine-et-Marne par son arrêté du 31 juillet 2015, qui correspond à la différence entre les sommes dont la consignation a déjà été ordonnée et le montant des travaux nécessaires à la remise en état du site estimé par l'ADEME, est ainsi justifié, sans que la société Progalva, qui se borne à constater l'évolution du coût des travaux, n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles ce montant ne serait pas proportionné à l'ampleur des travaux à réaliser. Le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'erreur d'appréciation en tant qu'il fixe le montant de la consignation doit ainsi être écarté.
En ce qui concerne le titre de perception du 1er septembre 2015 :
8. Aux termes de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, repris à l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ". Le B du V de l'article 55 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 prévoit que, pour l'application de ces dispositions " aux titres de perception délivrés par l'Etat en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales, afférents aux créances de l'Etat ou à celles qu'il est chargé de recouvrer pour le compte de tiers ", " la signature figure sur un état revêtu de la formule exécutoire, produit en cas de contestation ".
9. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le titre de perception individuel délivré par l'Etat doit mentionner les nom, prénom et qualité de l'auteur de cette décision, et d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative de justifier, en cas de contestation, que l'état revêtu de la formule exécutoire comporte la signature de cet auteur. Ces dispositions n'imposent pas, en revanche, de faire figurer sur cet état les nom, prénom et qualité du signataire.
10. En l'espèce, si le titre de perception contesté mentionne les nom, prénom et qualité de son auteur, il ressort de l'état récapitulatif des créances pour mise en recouvrement produit au dossier par le ministre que ce document n'est pas signé par l'ordonnateur désigné dans le titre de perception. Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen dirigé contre le titre de perception en litige, le titre de perception du 1er septembre 2015 doit être annulé pour ce motif de régularité en la forme, qui n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse. qui, ainsi qu'il a été dit précédemment, est bien fondée.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Progalva est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation du titre de perception du 1er septembre 2015 émis par le directeur départemental des finances publiques de l'Essonne. Le surplus de ses conclusions à fin d'annulation doit dès lors être rejeté.
Sur les frais liés au litige :
12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que la société Progalva demande au titre des frais qu'elle a exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1508897 du 28 mai 2018 du tribunal administratif de Melun, en tant qu'il rejette les conclusions de la société Progalva tendant à l'annulation du titre de perception du 1er septembre 2015, et le titre de perception du 1er septembre 2015 émis par le directeur départemental des finances publiques de l'Essonne sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Progalva est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Progalva, au ministre de l'action et des comptes publics et au ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme C..., présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.
Le rapporteur,
F. D...La présidente,
S. C...Le greffier,
M. A...La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03011