Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 août 2021, M. B..., représenté par Me Guillou, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 juin 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui renouveler sa carte de séjour ;
3) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour, dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut, de réexaminer sa situation, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il ne fait pas appel de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, de la décision fixant le pays de renvoi, et de l'interdiction de retour pendant une durée de deux ans, dès lors que ces décisions n'ont qu'une validité d'un an ;
- son recours est recevable et présente un caractère sérieux de sorte qu'il ne peut être traité par ordonnance ;
- le jugement est irrégulier en ce qu'il a transmis des pièces complémentaires le 24 juin 2021 qui n'ont pas été prises en compte alors qu'elles ont été produites avant la clôture d'instruction ;
- la décision de refus de renouvellement de titre de séjour est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- il justifiait de la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et sa demande n'a pas été prise en compte à ce titre ;
- il justifiait de la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et ne peut avoir accès aux soins au Maroc, la décision contestée est donc entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, alors que l'avis du collège de médecins de l'OFII a reconnu qu'il était dans l'impossibilité de voyager ; en outre l'avis du collège des médecins de l'OFII a été émis sans qu'il soit convoqué à un examen ;
- la décision contestée a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Renaudin a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain, né en 1969, entré en France en novembre 2012 sous couvert d'un visa de court séjour, a été muni d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade à compter d'octobre 2016 pour une durée d'un an sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur. A l'expiration de ce titre, M. B... a présenté une demande de renouvellement de celui-ci. Par un premier arrêté du 1er février 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé ce titre, puis, par une décision du 21 mars 2019, a abrogé cet arrêté qui était entaché d'un vice dans la procédure suivie par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). M. B... a fait une nouvelle demande de renouvellement de son titre le 2 avril 2019. Par un arrêté du 11 juin 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a, à nouveau, refusé de lui renouveler ce titre demandé pour raisons de santé, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi, et lui a interdit le retour pendant une durée de deux ans. M. B... a contesté ce dernier arrêté devant le tribunal administratif de Montreuil, lequel par un jugement du 16 juillet 2021, dont ce dernier fait appel, a rejeté sa requête.
Sur la régularité du jugement :
2. Contrairement à ce que soutient M. B..., il ressort des pièces du dossier que les pièces complémentaires qu'il a déposées le 24 juin 2021 au greffe du tribunal, et qui au demeurant ne consistaient principalement qu'en des convocations à des rendez-vous médicaux et des résultats d'analyses, ont été enregistrées le jour même et communiquées au préfet le 25 juin, les parties en ayant eu connaissance et les premiers juges ayant pu les prendre en compte. Le moyen tiré de ce qu'il n'a pas été tenu compte des pièces qu'il a versées au dossier avant clôture de l'instruction, ne peut donc qu'être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision contestée :
3. En premier lieu, alors que M. B... ne développe au soutien de ces moyens aucun argument de droit ou de fait nouveau, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision contestée et du défaut d'examen de sa situation personnelle, par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
4. En deuxième lieu, si M. B... soutient qu'ont été méconnues les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, relatives à la délivrance d'un titre de séjour à l'étranger dont les liens personnels et familiaux en France sont tels qu'un refus de séjour porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait sollicité un titre de séjour sur ce fondement, alors que le préfet de la Seine-Saint-Denis mentionne dans l'arrêté contesté du 11 juin 2020, que la demande de carte de séjour temporaire de l'intéressé a été déposée le 2 avril 2019 pour raisons de santé. Le seul courrier de son conseil produit, datant du 17 mai 2016 et relatif à une précédente demande de titre de séjour, n'est pas probant pour démontrer que sa demande effectuée en 2019 l'ait été au titre de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen est inopérant.
5. En troisième lieu, aux termes des dispositions alors en vigueur de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Aux termes des dispositions alors en vigueur de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ".
6. S'agissant de l'examen de l'état de santé de M. B... par le collège des médecins de l'OFII, il ressort de l'avis rendu par ce collège qu'il a été convoqué pour un examen au stade de l'élaboration du rapport médical préalable. Ainsi, si au stade de l'élaboration de l'avis, il n'a pas été de nouveau convoqué pour un examen, le collège des médecins de l'OFII a été suffisamment informé de son état de santé.
7. S'agissant de l'appréciation de l'état de santé de M. B..., au regard de la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est constant que M. B... souffre d'une maladie de Crohn, maladie chronique inflammatoire intestinale, diagnostiquée au Maroc en 2002, pour laquelle il est suivi à l'hôpital Avicenne. Le collège des médecins de l'OFII dans son avis du 8 janvier 2020 a considéré que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale, dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il pouvait accéder à un traitement approprié dans son pays d'origine.
8. Il ressort des certificats médicaux produits au dossier émanant des praticiens hospitaliers qui suivent M. B... à l'hôpital Avicenne, qu'il a dû subir des interventions chirurgicales fréquentes en raison d'abcès, et que son état nécessite une biothérapie toutes les 8 semaines au long cours. Toutefois, aucune pièce médicale au dossier n'indique que M. B... ne pourrait poursuivre ces soins au Maroc, et les documents généraux dont il se prévaut sur sa pathologie et la situation sanitaire au Maroc, sont insuffisants à démontrer le contraire. Si le requérant soutient qu'il ne pourrait avoir accès au traitement par immunosupresseur qu'il suit, en raison du coût de ce dernier, il ne justifie pas qu'il ne pourrait bénéficier à ce titre d'une prise en charge de l'assurance maladie dans son pays, ni que, s'il allègue être sans ressources, aucun membre de sa famille ou de son entourage au Maroc, où il a vécu jusqu'en 2012 au moins, ne serait à même de l'aider financièrement. Les éléments produits par M. B... ne suffisent donc pas à remettre en cause l'avis du collège de médecins du service médical de l'OFII du 8 janvier 2020. Enfin si M. B... fait valoir que l'avis du collège de médecins du service médical de l'OFII mentionne qu'il était dans l'impossibilité de voyager, cette circonstance ne se rapporte éventuellement qu'à l'exécution de la mesure d'éloignement et ne peut être utilement invoquée pour contester la légalité de la décision de refus de titre de séjour. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis en refusant de lui renouveler son titre de séjour, aurait méconnu les dispositions précitées alors en vigueur du 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni qu'il aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation.
9. En quatrième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'un refus de titre de séjour.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
11. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a vécu les quarante premières années de sa vie dans son pays d'origine, le Maroc, qu'il est célibataire et sans charge de famille en France. Dans ces conditions, et nonobstant la présence en France de ses sœurs et de ses parents, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 juin 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis lui refusant la délivrance d'un titre de séjour. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis .
Délibéré après l'audience du 24 février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- Mme Renaudin, première conseillère,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mars 2022.
La rapporteure,
M. RENAUDINLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N °21PA04479