Procédure devant la Cour :
Par une requête et des documents complémentaires, enregistrés les 5 avril 2018 et 29 octobre 2018, M. C..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800900 du 1er mars 2018 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2018 de la préfète de Seine-et-Marne ;
3°) à défaut, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours, injonction assortie d'une astreinte fixée à 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 juin 2018, la préfète de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la requête est dépourvue de moyens d'appel et est irrecevable ;
- la requête est tardive et irrecevable ;
- les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Legeai a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant gambien né le 1er janvier 1983, est entré en France le 12 juin 2009 selon ses dires et y a sollicité l'asile. Le 11 juillet 2012, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande de reconnaissance du statut de réfugié politique et de protection subsidiaire. Le 2 octobre 2012, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par ordonnance du 26 septembre 2013, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. A la suite d'une interpellation lors d'un contrôle d'identité, la préfète de Seine-et-Marne, par arrêté du 22 janvier 2018, a obligé M. C... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays où il pourrait être reconduit. M. C...fait appel du jugement du 1er mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la recevabilité de la requête :
2. D'une part, l'article R. 411-1 du code de justice administrative dispose :
" La juridiction est saisie par requête. La requête indique les noms et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ". La requête d'appel présentée par M. C...ne constitue pas la seule reproduction intégrale et littérale de son mémoire de première instance et énonce, à nouveau, de manière précise, les moyens justifiant l'annulation de la décision attaquée. Une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la préfète de Seine-et-Marne doit être écartée.
3. D'autre part, l'article R. 776-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée". Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. C...a reçu notification du jugement attaqué le 5 mars 2018. Il disposait, pour faire appel de ce jugement, d'un délai franc d'un mois à compter de cette date. Par suite, la préfète de Seine-et-Marne n'est pas fondée à soutenir que la requête de M. C..., enregistrée au greffe de la Cour le 5 avril 2018, serait irrecevable faute d'avoir été présentée dans le délai d'appel.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application, notamment l'article L. 511-1 I 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il fait état des éléments de fait précis relatifs à la situation de M. C..., son entrée et son séjour irrégulier, ainsi que l'absence de preuve qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de son enfant mineur, qui fondent la décision attaquée. Par suite, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et est suffisamment motivé. Il ressort de cette motivation que le moyen tiré de ce que la préfète aurait entaché la décision contestée d'un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé doit également être écarté.
5. En deuxième lieu, l'article L. 511-4 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 4° L'étranger qui réside habituellement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " (...) 11° Le ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) ainsi que les membres de sa famille qui bénéficient du droit au séjour permanent prévu par l'article L. 122-1 (...) ". M. C...fait valoir qu'il réside en France depuis presque neuf ans et est le père d'une enfant née le 21 mai 2015 à Villeneuve-Saint-Georges de MmeD..., de nationalité espagnole, et qu'un jugement du tribunal de grande instance de Créteil du 5 août 2016 lui a reconnu l'autorité parentale conjointe et un droit de visite médiatisé sur cette enfant. Toutefois, alors que M. C...ne démontre même pas la nationalité espagnole de sa fille, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se trouverait dans l'un des cas prévus par les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile où la préfète ne pouvait légalement prononcer une obligation de quitter le territoire français.
6. En troisième et dernier lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
7. M. C...soutient que sa fille et la mère de sa fille, de nationalité espagnole, résident régulièrement sur le territoire français, qu'il a régulièrement rendu visite à sa fille et qu'il contribue à son éducation et à son entretien par l'envoi de mandats mensuels. Toutefois, l'intéressé, qui n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, ne vit pas avec la mère de son enfant, ni ne démontre que celle-ci, du fait de sa nationalité espagnole, disposerait du droit à se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.C....
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 22 janvier 2018. Sa requête d'appel, y compris ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à la condamnation de l'Etat, qui n'est pas partie perdante, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peut qu'être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Legeai, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 novembre 2018.
Le rapporteur,
A. LEGEAI La présidente,
S. PELLISSIER Le greffier,
M. A...La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18PA01138