Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 avril 215, la ville de Paris, représentée par la SELARL FGD Avocats, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1400605/7-2 du 20 février 2015 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société McDonald's France devant le tribunal administratif de Paris ;
3°) de mettre à la charge de la société McDonald's France le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement du tribunal administratif de Paris est insuffisamment motivé et par suite irrégulier ;
- le maire se trouvait en situation de compétence liée pour refuser de délivrer le permis de construire sollicité dès lors que le projet de construction méconnaît les dispositions de l'article UG 2.2 a3 du règlement du plan local d'urbanisme de la ville de Paris.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 juillet 2015 et un mémoire complémentaire enregistré le 7 décembre 2015, la société McDonald's France, représentée par la SELARL Reinhart Marville Torre, conclut :
1°) au rejet de la requête de la ville de Paris ;
2°) à ce qu'il soit enjoint au maire de Paris de procéder au réexamen de sa demande de délivrance d'un permis de construire dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard ;
3°) à ce que soit mis à la charge de la ville de Paris le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués par la ville de Paris ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Amat,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour la ville de Paris, et de MeB..., pour la société Mac Donald's France.
1. Considérant que la société McDonald's France a sollicité, le 28 mai 2013, la délivrance d'un permis de construire pour l'aménagement d'un restaurant en sous-sol, rez-de-chaussée et 1er étage à l'angle de la rue Réaumur (n° 89) et de la rue des Petits Carreaux (n° 23) à Paris 2ème arrondissement ; que, par un arrêté du 28 novembre 2013, le maire de Paris a refusé de faire droit à cette demande ; que la ville de Paris relève appel du jugement du 20 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement attaqué
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;
3. Considérant que, contrairement à ce que soutient la ville de Paris, les premiers juges, qui ne sont tenus de répondre qu'aux moyens invoqués et non à l'ensemble des arguments avancés par les parties, ont suffisamment précisé, notamment au point 3 du jugement attaqué, les raisons pour lesquelles ils ont estimé que seule une partie des locaux concernés par le projet, ceux correspondant à la boutique Brigthon, était soumise aux dispositions de l'article UG.2.2 a3 du règlement du plan local d'urbanisme ; qu'il s'ensuit que la ville de Paris n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est insuffisamment motivé et entaché d'irrégularité ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Considérant qu'aux termes de l'article UG.2 du règlement du plan local d'urbanisme de Paris, relatif aux occupations et utilisations du sol soumises à des conditions particulières : " Les constructions, installations et travaux divers de quelque nature que ce soit, à l'exception des travaux d'accessibilité, d'hygiène, d'isolation phonique ou thermique ou de sécurité, sont soumis aux conditions et restrictions suivantes. / (...) UG.2.2. Conditions relatives aux destinations : a- En bordure des voies repérées sur le plan de protection du commerce et de l'artisanat sous la légende : / (...) a3- voies comportant une protection particulière de l'artisanat, la transformation de surfaces d'artisanat à rez-de-chaussée sur rue est interdite ; la transformation de surfaces de commerce à rez-de-chaussée sur rue en une autre destination que le commerce ou l'artisanat est interdite (...) " ; que le VIII des dispositions générales applicables au territoire couvert par le plan local d'urbanisme définit la destination commerce comme comprenant " les locaux affectés à la vente de produits ou de services et directement accessibles à la clientèle, et leurs annexes (à l'exception des locaux relevant de la destination artisanat définie ci-après) " et la destination artisanat comme comprenant " les locaux et leurs annexes où sont exercées des activités de production, de transformation, de réparation ou de prestation de service relevant de l'artisanat " ;
5. Considérant que la ville de Paris soutient que dans le cas d'un immeuble situé à l'angle de deux voies, dont l'une seulement fait l'objet d'une protection au titre du commerce et de l'artisanat, cette protection s'applique à l'ensemble des locaux de l'immeuble ; que, toutefois, il ressort des dispositions mêmes de l'article UG.2.2 a3 du règlement du plan local d'urbanisme, comme d'ailleurs du rapport de présentation qui les éclaire, que la protection au titre du commerce et de l'artisanat est définie par rapport aux locaux situés en rez-de-chaussée des voies repérées au plan de protection du commerce et de l'artisanat et non par rapport à l'ensemble immobilier ou à l'immeuble dans lequel ces locaux s'inscrivent ;
6. Considérant qu'il ressort du document graphique annexé au plan local d'urbanisme intitulé " Logement social et protection du commerce et de l'artisanat " que la rue des Petits Carreaux fait l'objet d'une protection particulière de l'artisanat au sens des dispositions de l'article UG.2.2. a3 précité, protection qui ne s'étend pas à la rue Réaumur ;
7. Considérant que le rez-de-chaussée de l'immeuble dans lequel la société intimée souhaite aménager un restaurant est composé de deux boutiques ; que, d'une part, il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 6 que le local dans lequel est exploitée la boutique " Ornel Soie ", situé rue Réaumur, n'est pas inclus dans le périmètre de protection particulière de l'artisanat ; que, d'autre part, si le local situé à l'angle de la rue Réaumur et de la rue des Petits Carreaux, exploité par l'enseigne " Brighton ", est soumis aux dispositions de l'article UG2.2. a3 du règlement du plan local d'urbanisme, il est constant, ainsi qu'il résulte par ailleurs de l'extrait d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés et du bail commercial attaché à ce local, que l'enseigne " Brighton " est un commerce de vente de vêtements de prêt-à-porter relevant de la destination commerce ; qu'ainsi, et dès lors qu'il n'est pas contesté que l'activité de restauration rapide exploitée par la société McDonald's relève de la destination commerce au sens des dispositions générales précitées, le maire de Paris ne pouvait légalement refuser de délivrer le permis de construire sollicité au motif de la méconnaissance par le projet des dispositions de l'article UG.2.2 3a du règlement du plan local d'urbanisme ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la ville de Paris n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 28 novembre 2013 refusant la délivrance d'un permis de construire pour l'aménagement d'un restaurant au 89 rue Réaumur - 23 rue des Petits Carreaux à Paris (75002) ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
9. Considérant que le jugement du tribunal administratif confirmé par le présent arrêt impose à la ville de Paris de procéder au réexamen de la demande de la société McDonald's France dans le délai de deux mois ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de réitérer cette injonction régulièrement prononcée par le tribunal, à laquelle il appartient à la ville de Paris, si elle ne l'a déjà fait, de se conformer sans délai, ni de l'assortir d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la ville de Paris, partie perdante en la présente instance, puisse en invoquer le bénéfice ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros à verser à la société McDonald's France sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la ville de Paris est rejetée.
Article 2 : La ville de Paris versera une somme de 1 500 euros à la société McDonald's France en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la société McDonald's France est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ville de Paris et à la société McDonald's France.
Délibéré après l'audience du 2 mars 2017, à laquelle siégeaient :
Mme Pellissier, présidente de chambre,
M. Diémert, président-assesseur,
Mme Amat, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 30 mars 2017.
Le rapporteur,
N. AMATLa présidente,
S. PELLISSIERLe greffier,
A. LOUNISLa République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile de France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA01618