Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 5 juillet 2017, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1703743/5-2 du 8 juin 2017 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 19 janvier 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 mars 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Pellissier a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. A..., ressortissant nigérian né en août 1977, a obtenu du 3 octobre 2011 au 2 octobre 2012, puis du 18 juillet 2014 au 17 juillet 2015, un titre de séjour pour soins ; qu'il a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour en se prévalant des dispositions des articles L. 313-11 (11° et 7°) et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 19 janvier 2017, le préfet de police a rejeté cette demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que M. A... fait régulièrement appel du jugement du 8 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que le refus de titre de séjour opposé à M. A... le 19 janvier 2017 vise précisément les articles L. 313-11 (11°), L. 313-14 et L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et explicite avec précision les motifs de fait pour lesquels il ne remplit pas les conditions pour obtenir le renouvellement ou la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions ; qu'il comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'en outre, contrairement à ce qui est soutenu, l'arrêté expose clairement que M. A...avait été admis au séjour dans le cadre du traitement de sa maladie et que ce sont ses défaillances dans la fourniture de pièces médicales nécessaires à l'étude de sa demande de renouvellement de ce titre de séjour qui amènent à refuser celui-ci ; que s'agissant de la demande de titre de séjour fondée sur l'article L. 313-14, il ressort des termes-mêmes de l'arrêté que le préfet a pris en considération les éléments relatifs à l'activité salariée de M.A..., même s'il a estimé que la nature de l'emploi exercé et l'expérience professionnelle démontrée ne justifiaient pas de dérogation à la procédure d'introduction de la main d'ouvre en France ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du refus de titre de séjour doit donc être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient le requérant, aucun élément du dossier ne permet d'estimer que sa situation personnelle n'aurait pas fait l'objet de la part de l'administration d'un examen particulier ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que, pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;
5. Considérant que M. A... soutient séjourner habituellement en France depuis 2007 et fait valoir qu'il a obtenu depuis juillet 2009 des autorisations provisoires de séjour ou des cartes de séjour temporaires pour y suivre le traitement nécessaire à son état de santé, qu'il travaille depuis 2011 et était titulaire, à la date de la décision litigieuse, de deux contrats de travail à temps partiel et à durée indéterminée comme agent d'entretien, qu'il maitrise la langue française, enfin qu'il a tissé en France des liens personnels et amicaux et que son fils né en France en 2013 y réside ; que cependant, il ne vit pas avec son fils et ne soutient, ni même n'allègue, contribuer effectivement à son entretien et son éducation ; qu'en outre, il est constant que le requérant a principalement vécu au Nigéria et n'y est pas dépourvu d'attaches familiales, puisqu'y résident ses deux autres enfants nés en 1998 et 2000 et ses frères et soeurs ; que dans ses conditions, et alors même que l'intéressé dit s'être acquitté des peines d'amende que le tribunal correctionnel lui a à deux reprises infligées pour conduite sans permis, le préfet de police a pu refuser un titre de séjour à M. A... sans porter à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels l'arrêté a été pris ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 " ; qu'en présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-14, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ; que, dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi ; qu'en effet, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si cette promesse d'embauche ou ce contrat de travail, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour ;
7. Considérant, d'une part, que M. A... établit séjourner habituellement en France depuis juillet 2009 ; que la circonstance, à la supposer même établie, qu'il séjournerait sur le territoire français depuis 2006 ne constitue pas en elle-même un motif exceptionnel d'admission au séjour ; que, comme dit au point 5 ci-dessus, il ne démontre pas l'existence d'une vie privée et familiale intense en France ; que s'il soutient avoir besoin d'une trithérapie dès lors qu'il est porteur du virus HIV, il est constant qu'il n'a pas fourni les pièces nécessaires à l'étude de sa demande de titre de séjour en tant qu'étranger malade ; que pour contredire les éléments apportés par le préfet de police pour démontrer l'existence de soins appropriés à son état de santé au Nigéria, il se borne à produire un rapport d'évaluation de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés daté de mars 2014, qui ne permet pas de conclure à l'absence d'accès à un traitement ; qu'en outre, le préfet produit en appel différents documents attestant que le laboratoire à l'origine du traitement par Atripla a introduit ce dernier au Nigéria, ainsi qu'un rapport du National Center for Biotechnology Information en date d'octobre 2016 qui fait état de sa disponibilité et d'une qualité de soins accrue dans ce pays via ce traitement ; qu'ainsi le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que M. A... ne faisait pas état de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels justifiant sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le renouvellement de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dont il a précédemment disposé ;
8. Considérant, d'autre part, que M. A...fait valoir qu'il travaille régulièrement depuis 2011 et était titulaire à la date de la décision litigieuse de deux contrats de travail à durée indéterminée, l'un pour exercer, selon avenant signé le 22 septembre 2016 avec la SARL PGD Nett, des fonctions d'agent d'entretien à Paris pour une durée de 44 h par mois et l'autre, conclu avec la société Elior, pour des fonctions d'agent de service qu'il occupe, 130 heures par mois, depuis le 29 décembre 2015 ; qu'eu égard à la circonstance que M. A...a principalement été admis au séjour et au travail en France afin d'y suivre le traitement médical qui lui était nécessaire et compte tenu de son ancienneté dans ses différents emplois et de ses qualifications professionnelles, le préfet de police a pu sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation considérer que M. A... ne faisait pas état de motifs exceptionnels justifiant, au sens des dispositions précitées, de dérogation à la procédure d'introduction de la main d'oeuvre en France et la délivrance d'une carte de séjour " salarié " ;
9. Considérant enfin, que, compte tenu de la situation de M. A...rappelée aux points 5, 7 et 8 ci-dessus, il ne résulte pas des pièces du dossier que la décision de lui refuser le renouvellement de son titre de séjour comporte pour lui des conséquences d'une particulière gravité ; que le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour doit être écarté ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour sur laquelle elle est fondée ;
11. Considérant, en deuxième lieu, que, comme il a été dit au point 5, M. A... ne pouvait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile ; qu'ainsi, le préfet de police a pu, sans que ces dispositions y fassent obstacle, l'obliger à quitter le territoire français ; que, eu égard à la situation personnelle de M. A... telle qu'analysée ci-dessus, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas plus méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et de condamnation de l'Etat, qui n'est pas partie perdante, à prendre en charge les frais de procédure sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Legeai, premier conseiller,
- Mme Nguyên Duy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 31 mai 2018.
L'assesseur le plus ancien,
A. LEGEAILe président de chambre
rapporteur
S. PELLISSIER Le greffier,
M. B...La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 17PA02246