Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 juillet, 12 novembre et 11 décembre 2020, M. E... D..., pour le compte de l'Eurl Ginerativ, représentée par Me C... A..., demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 2 juin 2020 ;
2°) de prononcer la restitution sollicitée devant le tribunal, assortie des intérêts moratoires et des dépens.
La société Ginerativ soutient que :
- les graphes ayant permis la formalisation des groupes dans le cadre du projet litigieux constituent un résultat de recherche original ;
- elle a conçu une représentation originale de ces graphes ;
- la conception et la représentation de ces graphes implique un travail de recherche mathématique et scientifique, et conduit à un résultat général et réutilisable ;
- ces modalités de représentation étaient indispensables à la conduite du projet Délégal ;
- la doctrine administrative référencée BOI-BIC-RICI-10-10-10-20, paragraphe 500 est à cet égard opposable à l'administration en application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
- elle n'a pas été pleinement associée au déroulement de l'expertise.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par l'EURL Ginérativ ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant l'EURL Ginerativ.
Une note en délibéré, enregistrée le 29 janvier 2021, a été déposée pour l'EURL Ginerativ.
Considérant ce qui suit :
1. La société Ginerativ représentée par M. D..., dirigeant et associé unique de la société, et qui exerce une activité d'éditeur de solutions logicielles dans le domaine du droit, a sollicité, le 17 décembre 2014, la restitution d'un crédit d'impôt recherche (CIR) d'un montant de 144 773 euros au titre de l'année 2011 et de 170 232 euros au titre de l'année 2012 pour quatre projets (Gineration, Gindocs, Delegal, Gingroup). Par décision du 14 mai 2018, l'administration a accepté partiellement sa demande et lui a accordé la restitution de 144 773 euros pour 2011 et de 114 877 euros pour 2012 en écartant les travaux menés sur le projet Gingroup. Par la présente requête, la société Ginerativ relève appel du jugement du 2 juin 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution du CIR restant en litige au titre de l'année 2012 à hauteur de 55 355 euros.
2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 decies, 44 undecies, 44 duodecies, 44 terdecies à 44 quindecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. Le taux du crédit d'impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d'euros et de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant. [...] ". Aux termes de l'article 49 septies F du même code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : /(...) c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté. ". Il résulte de ces dispositions que ne peuvent être prises en compte pour le bénéfice du crédit d'impôt-recherche que les dépenses exposées pour le développement de logiciels dont la conception ne pouvait être envisagée, eu égard à l'état des connaissances techniques à l'époque considérée, par un professionnel averti, par simple développement ou adaptation desdites techniques.
3. Par ailleurs, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention de l'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si des dépenses sont éligibles au dispositif du crédit d'impôt prévu par les dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts.
4. Il résulte de l'instruction que l'administration a refusé l'éligibilité du projet
" GinGroup " au crédit d'impôt recherche demandé par la société Ginerativ au titre de l'année 2012 en retenant l'analyse effectuée par l'expert mandaté par le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement et de la recherche qui a relevé que les travaux en cause ne mettaient pas en oeuvre des outils mathématiques ou plus généralement scientifiques pour améliorer la représentation des groupes de sociétés et qu'ils présentaient un caractère spécifique non généralisable. La société requérante soutient que la formalisation des groupes de sociétés a pu être réalisée à l'aide de graphes dont la conception et la représentation avaient un caractère original et impliquait un travail de recherche mathématique et scientifique conduisant à un résultat généralisable et réutilisable. Elle n'apporte toutefois, alors qu'elle est seule en mesure de le faire, aucun document à l'appui de cette affirmation. Les rapports établis à cet égard par la société elle-même ne sauraient être regardés comme probants, en l'absence de toute pièce justificative permettant au juge d'apprécier le caractère innovant des recherches poursuivies. Il ne résulte en conséquence pas de l'instruction que la conception et la réalisation des graphes aux fins de représentation des différents schémas d'organisation de groupes de sociétés impliquerait la mise en oeuvre de techniques nouvelles, et ne résulterait pas de la seule application de connaissances techniques existantes. C'est donc à bon droit que l'administration n'a pas retenu l'éligibilité au titre du CIR du projet " GrinGroup ". Par ailleurs, si M. D... fait valoir que les développements du projet " GinGroup " étaient indispensables à l'effort de recherche du projet " Délégal ", afin d'établir et d'exécuter des contrats dans le cadre d'un groupe de sociétés, il résulte de l'instruction que les deux projets ont été présentés distinctement et présentent des objectifs distincts. Aucun élément du dossier ne permet, contrairement à ce qui est soutenu, de constater que les opérations réalisées dans le cadre du projet " GinGroup " étaient nécessaires aux opérations réalisés dans le cadre du projet " Délégal ". Dans ces conditions, l'Eurl Ginerativ n'est pas fondée à demander la restitution du crédit d'impôt recherche dont elle s'estime titulaire au titre de ce projet.
5. Si la société Ginerativ oppose la doctrine administrative référencée BOI-BIC-RICI-10-10-10-20, paragraphe 500, aux termes de laquelle : " [...] " les opérations correspondant aux activités de conception, de développement et de test sont prises en compte en tant qu'opérations de RetD, à condition qu'elles soient indispensables aux opérations de RetD (point 1). Il en est de même de la mise en place des jeux d'essais, ainsi que de l'utilisation et de l'analyse des résultats produits par ceux-ci. ", la demande de remboursement d'un crédit d'impôt recherche ayant le caractère d'une réclamation préalable au sens des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, la décision de refus de rembourser un crédit d'impôt ne constitue ni un rehaussement d'imposition ni un redressement. Par suite, M. D... ne peut utilement opposer la doctrine administrative en cause sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales afin de contester un refus de remboursement de crédit d'impôt recherche.
6. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Ginerativ, qui ne saurait utilement critiquer les modalités d'instruction de sa réclamation contentieuse, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête d'appel ne peut, en conséquence, qu'être rejetée, en toutes ses conclusions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'EURL Ginerativ, représentée par M. D..., est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Ginerativ représentée par M. D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. B..., premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2021.
Le rapporteur,
F. B...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01958