Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 mai 2016, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1514061/5-2 du 24 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant ledit tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'il n'a pas respecté les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 n° 604/1013 du 26 juin 2013 et qu'il n'a pas fait une application exacte de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au M. B..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense, malgré une mise en demeure adressée le 6 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers et son règlement (CE) d'application n°1560/2003 du 2 septembre 2003 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- la directive 2003/9/CE du conseil du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Appèche a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.B..., né le 24 mars 1984 au Mali, pays dont il a la nationalité, entré en France selon ses déclarations le 29 septembre 2014, a sollicité auprès des services de la préfecture de police son admission provisoire au séjour au titre de l'asile ; que, par un arrêté
du 18 juin 2015, le préfet de police a rejeté la demande de l'intéressé, a prononcé sa remise aux autorités italiennes en charge de l'examen de sa demande d'asile et l'a muni d'un laissez-passer européen conformément au règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil
du 26 juin 2013 susvisé ; que le préfet de police relève régulièrement appel du jugement n° 1514061/5-2 du 24 mars 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, lui a enjoint de réexaminer la demande de M. B...et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
En ce qui concerne le refus d'admission au séjour au titre de l'asile :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui transpose la directive 2003/9/CE susvisée, modifié en dernier lieu par l'article 6 du décret n° 2011-1031 du 29 août 2011 afin d'assurer la transposition de la directive 2005/85/CE : " L'étranger qui, n'étant pas déjà admis à résider en France, sollicite son admission au séjour au titre de l'asile en application de l'article L. 741-1 présente à l'appui de sa demande : / [...]. / L'indication des pièces à fournir par l'étranger qui sollicite son admission au séjour au titre de l'asile en application du présent article est portée à sa connaissance par les services de la préfecture. Ces derniers remettent alors à l'étranger un document d'information sur ses droits et sur les obligations qu'il doit respecter eu égard aux conditions d'accueil des demandeurs d'asile, ainsi que sur les organisations qui assurent une assistance juridique spécifique et celles susceptibles de l'aider ou de l'informer sur les conditions d'accueil dont il peut bénéficier, y compris les soins médicaux. Cette information se fait dans une langue dont il est raisonnable de penser que le demandeur d'asile la comprend " ;
3. Considérant que M. B...a été reçu pour la première fois le 23 février 2015 à la préfecture de police où il a indiqué souhaiter demander son admission au séjour au titre de l'asile ; que le même jour, un formulaire vierge de demande d'admission au séjour au titre de l'asile lui a été remis, et un relevé de ses empreintes a été opéré ; que l'insertion de celles-ci dans le système Eurodac a révélé que sa demande d'asile était susceptible de relever de la compétence de l'Italie ; que l'intéressé en a été informé le jour-même par une note d'information sur la procédure de réadmission instituée par les règlements 604/2013 du 26 juin 2013 et 118-2014 du 30 juin 2014, note rédigée en langue française et sur laquelle il a porté sa signature à la date du 23 février 2015 ; que M. B...a été convoqué pour le 12 mars 2015 à la préfecture de police, et a déposé, ce jour-là, le formulaire dûment complété de demande d'admission au séjour au titre de l'asile ; qu'il a fourni, à cette occasion, des éléments d'information concernant sa situation familiale et les différents pays qu'il a traversés avant son arrivée en France, à savoir, l'Algérie, la Lybie et l'Italie ; qu'il s'est vu remettre, le même jour, deux brochures en langue française, une brochure "A" intitulée "J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande'" et une brochure "B" intitulée "je suis sous procédure Dublin- qu'est-ce que cela signifie ' " ;
4. Considérant que les autorités italiennes ayant accepté de reprendre en charge l'examen de sa demande d'asile, M.B..., dont la demande relevait de la compétence de l'Italie, pouvait se voir refuser l'admission au séjour en application du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais disposait, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, du droit de rester en France jusqu'à son transfert effectif vers l'Etat membre chargé de l'examen de sa demande d'asile et de pouvoir accéder à l'information prévue par les dispositions du dernier alinéa de l'article R. 741-2 précité, lesquelles, en tant qu'elles assurent la transposition des conditions minimales d'accueil prévues par la directive susvisée du 27 janvier 2003, notamment en son article 5, remplacée par la directive du 26 juin 2013, s'appliquent également à l'étranger dont la reprise en charge est demandée à l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile ;
5. Considérant que si les brochures " A " et " B " susmentionnées ne comportent pas, s'agissant notamment des droits sociaux, des informations aussi complètes que celles figurant dans le " guide du demandeur d'asile en France " destiné aux étrangers présentant leur première demande d'asile en France, elles informent l'étranger sur les modalités d'instruction de sa demande d'asile selon la procédure " Dublin " conduisant à la détermination de l'Etat responsable de sa demande, sur ses droits de bénéficier dans cette attente de conditions d'accueil matérielles par exemple au titre de l'hébergement et de la nourriture ainsi que des soins médicaux de base et d'une aide médicale d'urgence ; que la brochure " A ", qui comporte un chapitre consacré aux droits du demandeur d'asile dans l'attente de la détermination du pays responsable de sa demande, indique également à l'intéressé qu'il a le droit de contacter les services préfectoraux pour obtenir plus d'informations ou prendre contact avec le bureau du Haut Commissaire aux Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) en France et précise les coordonnées d'organismes publics et d'associations susceptibles d'assurer une assistance juridique ou un soutien aux demandeurs d'asile ; que ces indications satisfont aux prescriptions des dispositions précitées de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, M. B..., qui était de surcroît aidé dans ses démarches par l'association France-Terre d'Asile, a bénéficié de l'information lui permettant d'accéder aux conditions minimales d'accueil, telle que prévue par le dernier alinéa de l'article R. 741-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas été privé de cette garantie ; que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de la privation d'un telle garantie pour annuler le refus d'admission au séjour au titre de l'asile opposé à M.B... ;
En ce qui concerne la décision de remise aux autorités italiennes :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent (...) b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères (...) c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 de ce même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque : a) le demandeur a pris la fuite; ou b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1 (...) " ;
7. Considérant qu'il ressort de ce qui a été dit aux points 3 et 5 que M.B..., informé dans les conditions décrites ci-dessus, dès le 23 février 2015, de ce que l'examen de sa demande pouvait relever de la compétence d'un autre Etat membre de l'espace Schengen, à savoir l'Italie, a déposé le formulaire de demande d'admission au titre de l'asile dûment complété, le 12 mars 2015, en fournissant, à cette occasion, des éléments d'information sur sa situation familiale ainsi que sur les différents pays qu'il a traversés avant son arrivée en France ; que dans ces conditions, la circonstance que les brochures susanalysées A et B ne lui ont été remises qu'à cette dernière date, date après laquelle il restait d'ailleurs loisible à M. B...de fournir à l'administration toute autre information utile avant l'intervention de la décision litigieuse, n'a privé l'intéressé d'aucune des garanties prévues par les dispositions susénoncées, contrairement au motif retenu par les premiers juges pour annuler la décision de remise aux autorités italiennes de M. B...;
8. Considérant qu'il suit de là qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués en première instance par
M. B...à l'encontre de l'arrêté préfectoral litigieux ;
9. Considérant, en premier lieu, qu'eu égard à ce qui a été dit ci-dessus, aux points 3, 5 et 6, M. B...n'est pas fondé à soutenir que, faute de s'être vu proposer un nouvel entretien postérieurement au 12 mars 2015, il aurait été privé d'une garantie prévue par les articles 4 et 5 rappelés ci-dessus ;
10. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne décidant pas d'examiner la demande d'admission au séjour au titre de l'asile de M.B..., par dérogation aux règles de détermination de l'Etat membre de l'espace Schengen responsable de cet examen ;
11. Considérant, en troisième lieu, que M. B...n'est pas fondé à exciper, à l'encontre de la décision de remise aux autorités italiennes, de l'illégalité de la décision du préfet de police refusant de l'admettre provisoirement au séjour en France au titre de l'asile ;
12. Considérant enfin, que M. B...ne produit aucun document et ne développe aucun argument sérieux tendant à démontrer que sa demande d'asile ne pourrait être traitée en Italie, dans le respect des engagements internationaux de ce pays, Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention du Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen tiré de la violation, par le préfet de police de l'article 18 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté comme non fondé ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. B...en annulant l'arrêté préfectoral du 18 juin 2015, en enjoignant à l'administration de réexaminer la demande de M. B...et en mettant à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il est en conséquence fondé à obtenir l'annulation dudit jugement et le rejet de la demande présentée devant le tribunal administratif par M.B... ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1514061/5-2 du 24 mars 2016 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2017, où siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 avril 2017.
Le rapporteur,
S. APPECHELe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S.DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA01734