Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 mai 2016, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1513922/3-2 rendu le 31 mars 2016 par le Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant ledit tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'il n'a pas respecté les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 n° 604/1013 du 26 juin 2013 et que M. A...a, en conséquence, été privé d'une garantie à laquelle il était en droit de bénéficier.
La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas présenté de mémoire en défense, malgré une mise en demeure en date du 6 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble le décret du 3 mai 1974 portant publication de la convention ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2003/9/CE du conseil du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers et son règlement (CE) d'application n°1560/2003 du 2 septembre 2003 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Appèche a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.A..., de nationalité afghane, entré en France, selon ses déclarations, le 10 décembre 2014, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile ; que par un arrêté du 4 juin 2015 le préfet de police a refusé de l'admettre au séjour au titre de l'asile et a décidé sa remise aux autorités bulgares ; que l'intéressé a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler cet arrêté préfectoral ; que par un jugement n° 1513922/3-2 du 31 mars 2016 le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. A...en annulant ledit arrêté préfectoral du 4 juin 2015 et en enjoignant à l'administration de réexaminer la demande de l'intéressé dans un délai de trois mois ; que le préfet de police relève régulièrement appel de ce jugement ;
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/1013 du 26 juin 2013 susvisé : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. " ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque : / a) le demandeur a pris la fuite ; ou / b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. (...) " ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 20 du règlement du 26 juin 2013 précité :
" 1. Le processus de détermination de l'État membre responsable commence dès qu'une demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès d'un État membre. / 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l'État membre concerné. Dans le cas d'une demande non écrite, le délai entre la déclaration d'intention et l'établissement d'un procès-verbal doit être aussi court que possible " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des documents produits en première instance, complétés en appel, que M. A...s'est présenté pour la première fois
le 13 janvier 2015 dans les locaux de la préfecture de police pour faire connaître son intention de solliciter l'asile ; que l'intéressé ayant été convoqué à la préfecture de police pour le 2 avril 2015, il est alors apparu, dans le cadre de la consultation du fichier Eurodac à la suite de la prise, ce jour-là, de ses empreintes digitales, que M. A...s'était signalé dans deux autres Etat membres de l'espace Schengen, à savoir la Bulgarie et la Hongrie et que sa demande d'asile était susceptible de relever de la compétence de l'un de ces pays ; que l'intéressé en a immédiatement été informé, et qu'il lui a été remis, ce même jour, une note d'information lui précisant les conditions d'application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26/ juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ainsi qu'un formulaire vierge de demande d'admission au séjour au titre de l'asile ; que M. A...s'est de nouveau présenté à la préfecture de police le 22 avril 2015 pour déposer sa demande de protection internationale au sens de l'article 20 du règlement susrappelé en remettant le formulaire complété ; que ce jour-là, M. A...a été mis en possession de deux brochures, dites A et B, rédigées en langue pachto, langue comprise par l'intéressé ; que les autorités bulgares, interrogées par l'administration française, ayant accepté de reprendre en charge l'examen de la demande d'asile de l'intéressé, le préfet de police a pris l'arrêté litigieux ;
6. Considérant que si M. A... n'a pu bénéficier de l'entretien, en présence d'un interprète, prévu par les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 précitées, il ressort de ce qui a été dit ci-dessus qu'il a été informé, dès le 2 avril 2015, de ce que l'examen de sa demande pouvait relever de la compétence d'un autre Etat membre de l'espace Schengen, à savoir la Hongrie ou la Bulgarie ; qu'il a déposé le formulaire de demande d'admission au titre de l'asile dûment complété, le 22 avril 2015, date à laquelle il est réputé avoir introduit sa demande de protection internationale, en fournissant, à cette occasion, des éléments d'information complémentaires sur sa situation familiale ainsi que sur les différents pays qu'il a traversés avant son arrivée en France ; que dans ces conditions, la circonstance que les brochures A et B ne lui ont été remises qu'à cette dernière date, après laquelle il lui restait d'ailleurs loisible de fournir à l'administration toute autre information utile avant l'intervention de l'arrêté litigieux, n'a, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, privé l'intéressé d'aucune des garanties prévues par les dispositions susénoncées ;
7. Considérant qu'il suit de là qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués en première instance par
M. A...à l'encontre de l'arrêté préfectoral litigieux ;
Sur les autres moyens invoqués par M. A... en première instance :
8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui transpose la directive 2003/9/CE susvisée, modifié en dernier lieu par l'article 6 du décret n° 2011-1031 du 29 août 2011 afin d'assurer la transposition de la directive 2005/85/CE : " L'étranger qui, n'étant pas déjà admis à résider en France, sollicite son admission au séjour au titre de l'asile en application de l'article L. 741-1 présente à l'appui de sa demande : / [...]. / L'indication des pièces à fournir par l'étranger qui sollicite son admission au séjour au titre de l'asile en application du présent article est portée à sa connaissance par les services de la préfecture. Ces derniers remettent alors à l'étranger un document d'information sur ses droits et sur les obligations qu'il doit respecter eu égard aux conditions d'accueil des demandeurs d'asile, ainsi que sur les organisations qui assurent une assistance juridique spécifique et celles susceptibles de l'aider ou de l'informer sur les conditions d'accueil dont il peut bénéficier, y compris les soins médicaux. Cette information se fait dans une langue dont il est raisonnable de penser que le demandeur d'asile la comprend "
9. Considérant que si les brochures " A " et " B " susmentionnées ne comportent pas, s'agissant notamment des droits sociaux, des informations aussi complètes que celles figurant dans le " guide du demandeur d'asile en France " destiné aux étrangers présentant leur première demande d'asile en France, elles informent l'étranger sur les modalités d'instruction de sa demande d'asile selon la procédure " Dublin " conduisant à la détermination de l'Etat responsable de sa demande, ainsi que sur ses droits à bénéficier dans cette attente de conditions d'accueil matérielles par exemple d'hébergement et de nourriture, ou encore de soins médicaux de base et d'une aide médicale d'urgence, comme cela ressort de la brochure " A ", dont un chapitre est consacré à la description de ces droits et précise les coordonnées d'organismes publics et d'associations susceptibles d'assurer une assistance juridique ou un soutien aux demandeurs d'asile ; que ces indications satisfont aux prescriptions des dispositions précitées de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
10. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait méconnu la possibilité, dont il disposait, d'examiner la demande d'admission au séjour au titre de l'asile de M.A..., par dérogation au règles de détermination de l'Etat membre de l'espace Schengen responsable de cet examen ; qu'aucune pièce versée au dossier par M.A..., ni aucun argument développé par ce dernier n'est de nature à montrer que le préfet de police aurait, en l'espèce, commis une erreur manifeste d'appréciation, en ne décidant pas d'user de cette faculté ,
11. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, que M. A... n'est pas fondé à exciper, à l'encontre de la décision de remise aux autorités bulgares, de l'illégalité de la décision du préfet de police refusant de l'admettre provisoirement au séjour en France au titre de l'asile ;
12. Considérant, enfin, que M. A..., qui se bornait en première instance à faire état, sans aucune précision, du contexte général prévalant en Bulgarie, ne produisait aucun document et ne développait aucun argument sérieux tendant à démontrer que sa demande d'asile ne pourrait être traitée en Bulgarie, dans le respect des engagements internationaux de ce pays, Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen tiré de la violation, par le préfet de police, de l'article 18 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté comme non fondé ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. A... en annulant l'arrêté préfectoral du 4 juin 2015 et en lui enjoignant de réexaminer la demande de l'intéressé ; qu'il est en conséquence fondé à obtenir l'annulation des dudit jugement et le rejet de la demande présentée devant le tribunal administratif par M. A... ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1513922/3-2 rendu le 31 mars 2016 par le Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2017, où siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 6 avril 2017.
Le rapporteur,
S. APPECHELe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA01745