Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 mars 2017, M. B..., représenté par
MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1606158/1-2 du 4 octobre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2015 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de deux semaines sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de
5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la substitution de motifs opérée d'office par les premiers juges est irrégulière faute pour lui d'avoir été invité au préalable à présenter ses observations ;
- les premiers juges ont manqué d'impartialité ;
- le tribunal administratif a insuffisamment motivé son jugement en ne précisant pas les motifs pour lesquels il écartait les pièces qu'il avait produites ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la condition de résidence prévue au 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 septembre 1968 modifié n'était pas remplie, en retenant des critères qui ne sont posés ni par les textes, ni par la jurisprudence ; en tout état de cause, contrairement à ce qui est indiqué dans le jugement attaqué, il démontre avoir séjourné sans discontinuité en France entre l'obtention d'un titre de séjour en 2014 et l'arrêté attaqué ;
- en refusant de renouveler son titre de séjour, le préfet de police a méconnu les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 septembre 1968 modifié et commis une erreur d'appréciation dès lors qu'il ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, la greffe rénale étant, en pratique, impossible à réaliser en Algérie ; à titre subsidiaire, le traitement par hémodialyse n'est pas accessible pour une partie importante des malades en Algérie en raison de la grave insuffisance des centres permettant de la pratiquer et du coût de ces soins ; au demeurant, l'avis du médecin chef est incohérent ;
Par un mémoire en défense enregistré le 20 octobre 2017, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 7 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au
21 février 2018.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 février 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 septembre 1968 modifié,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jimenez,
- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant M.B....
1. Considérant que M.B..., ressortissant algérien né le 30 juin 1975, a sollicité le renouvellement du certificat de résidence qui lui avait été délivré sur le fondement des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 septembre 1968 modifié ; que par un arrêté du 2 décembre 2015, le préfet de police lui a refusé le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire et a fixé le pays de renvoi ; que par un jugement n° 1606158/1-2 du
4 octobre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 2 décembre 2015 ; que M. B...relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".
3. Considérant que si l'administration peut faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif de droit ou de fait autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision, il n'appartient pas au juge, en l'absence d'une demande en ce sens de l'administration, de procéder d'office à une substitution de motifs, qui n'est pas d'ordre public ;
4. Considérant que le tribunal administratif a jugé qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que M. B... résidait habituellement en France au sens des stipulations précitées
du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, qu'il n'était donc pas fondé à prétendre à la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence et que, par suite le moyen tiré de la violation de ces stipulations était inopérant ; qu'en substituant ce motif tiré du défaut de résidence habituelle en France, qu'aucune partie au litige n'invoquait devant lui, au motif retenu par le préfet de police dans la décision attaquée, tiré de l'existence en Algérie de soins appropriés à l'état de santé de M.B..., sans le soumettre aux parties, afin de recueillir leurs observations, le tribunal administratif a méconnu son office et le caractère contradictoire de la procédure ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé ;
5. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. B... devant le tribunal ;
Sur la demande présentée devant le tribunal :
En ce qui concerne l'incompétence de l'auteur de l'arrêté du 2 décembre 2015 :
6. Considérant que par arrêté n°2014-000739 du 1er septembre 2014, régulièrement publié au Bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 5 septembre 2014, le préfet de police a donné à M. Laurent Stirnemann, conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, signataire de l'arrêté attaqué, délégation à l'effet de signer des actes incluant notamment les refus de titre de séjour ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que l'arrêté du 2 décembre 2015 aurait été pris par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait ;
En ce qui concerne l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 2 décembre 2015 :
7. Considérant que l'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, il est suffisamment motivé et le moyen doit être écarté ;
En ce qui concerne la légalité du refus de renouvellement du titre de séjour :
8. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables aux faits : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article R. 313-26, l'avis mentionne cette saisine. Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement. " ;
9. Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un Algérien qui en fait la demande au titre des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin chef du service médical de la préfecture de police, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale en Algérie ; que lorsque le défaut de prise en charge médicale risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le certificat de résidence sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause en Algérie ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ;
10. Considérant, d'une part, qu'ainsi que le soutient M. B..., il ressort de l'examen de l'avis émis le 23 septembre 2015 par le médecin chef du service médical de la préfecture de police que ce dernier y mentionne " aucun traitement suivi disponible dans le pays d'origine " alors qu'il conclut au " séjour non médicalement justifié " ; que, toutefois, cette formulation a pour seul objet de préciser que l'intéressé ne suivait aucun traitement en France, mais bénéficiait d'un suivi médical disponible en Algérie ; que si le requérant fait valoir qu'il suivait un traitement, il ressort de l'examen de la décision attaquée que le préfet de police, pour refuser le renouvellement du certificat de résidence sollicité, a tenu compte de ce que l'état de santé de
M. B...nécessitait un traitement, mais a néanmoins considéré que celui-ci était accessible en Algérie ;
11. Considérant, d'autre part, que le seul certificat médical du 5 février 2016 produit par M. B..., d'ailleurs postérieur à l'arrêté en litige, émanant du praticien du service d'hépatologie de l'hôpital Cochin, indique que l'intéressé souffre, autre autres, d'une maladie rénale stade 5 sur hypoplasie rénale nécessitant un traitement par hémodialyse dans l'attente qu'une nouvelle transplantation soit réalisée et qu'il ne pourrait bénéficier ni dudit traitement ni de la greffe en Algérie ; que les articles de journaux produits par M. B... ne sont pas de nature à infirmer l'appréciation portée sur l'existence de traitements et de possibilités de suivi adaptés dans son pays d'origine, alors que le préfet de police a produit en première instance des documents attestant de l'existence tant de services en néphrologie pratiquant l'hémodialyse et de structures hospitalières de transplantation rénale que de programmes d'aide médicale aux plus démunis et de la gratuité des hospitalisations dans les structures publiques algériennes ; que d'ailleurs, il ressort des termes mêmes du certificat médical produit par le requérant que la maladie rénale de M. B... nécessite un traitement de suppléance depuis 1986 et qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui est entré en France en 2011, a été dialysé en Algérie pendant au moins vingt-cinq ans et a ainsi pu bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté ;
En ce qui concerne la légalité de la décision d'obligation à quitter le territoire français :
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté ;
13. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit au point 11, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;
15. Considérant que le requérant n'établit pas qu'il serait menacé de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Algérie ; que dès lors le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales doit-être écarté ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à obtenir l'annulation, pour irrégularité, du jugement attaqué ; que sa demande présentée devant le tribunal ainsi que ses conclusions d'appel, ensemble celles à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1606158/1-2 du 4 octobre 2016 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal ainsi que ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- Mme Jimenez, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 mai 2018.
Le rapporteur,
J. JIMENEZLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
P. LIMMOIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01034