Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 3 mai 2017, le préfet de Seine-et-Marne, demande à la Cour d'annuler ce jugement n° 1702357 du 4 avril 2017;
Il soutient que :
- il justifie bien qu'il avait saisi les autorités italiennes compétentes pour prendre en charge la demande d'asile de M. A... ;
- l'arrêté préfectoral litigieux est suffisamment motivé et a été pris après un examen sérieux de la situation particulière de l'intéressé ;
- M. A... s'est vu remettre les documents d'information prévus par le règlement CE n°604/2013 du 26 juin 2013, dans une langue qu'il comprend ;
- il a été procédé à un entretien individuel avec M. A..., durant lequel l'intéressé a compris toutes les questions qui lui étaient posées et qui étaient traduites dans une langue que l'intéressé admet comprendre, comme en atteste le compte rendu signé par ses soins ; M. A... s'est vu remettre une fiche d'information sur la procédure Eurodac et un interprète lui à réexpliqué la procédure le 15 décembre 2017 ;
- la demande d'asile de M. A... relève bien des autorités italiennes et l'arrêté litigieux a respecté les dispositions de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête du préfet de Seine-et-Marne a été transmise à M. B... A...qui n'a pas produit d'observations devant la Cour, malgré la mise en demeure en ce sens qui lui a été adressée le 20 juillet 2017.
En application de l'article R. 613-3 du code de justice administrative la clôture d'instruction a été fixée au 27 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le règlement d'exécution (UE) n°118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n°1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE)
n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Appèche,
- les conclusions de M. Cheylan rapporteur public,
1. Considérant que M. A..., de nationalité soudanaise, entré selon ses dires sur le territoire français le 25 septembre 2016, a fait connaître aux services de la préfecture de Seine-et-Marne, le
15 décembre 2016, son intention de demander l'asile ; que l'introduction dans le fichier Eurodac des empreintes digitales de l'intéressé relevées en France ayant montré que celui-ci avait déjà fait l'objet d'un tel relevé en Italie, le préfet de Seine-et-Marne a, par un arrêté du 16 mars 2017, décidé son transfert aux autorités italiennes en vue de la prise en charge, par celles-ci, du traitement de sa demande d'asile ; que, par un second arrêté du même jour, le préfet de Seine-et-Marne a décidé son assignation à résidence ; que par un jugement n° 1702357 du 4 avril 2017, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a, à la demande de M. A..., annulé ces deux
arrêtés ; que la requête du préfet de Seine-et-Marne doit être regardée comme tendant, outre à l'annulation de ce jugement, au rejet de la demande présentée au Tribunal administratif de Melun par M. A... ;
Sur le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun :
2. Considérant que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du préfet de Seine-et-Marne de remise de M. A... aux autorités italiennes au motif que cette décision était intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière ; que le premier juge a estimé que si cette décision faisait mention de l'acceptation implicite de l'Italie de prendre en charge l'examen de la demande d'asile de l'intéressé, l'autorité préfectorale ne produisait pas de justificatif probant démontrant qu'elle avait bien requis les autorités compétentes italiennes à cette fin et ne justifiait donc pas d'un tel accord tacite ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. / Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 du même code : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend " ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 13 du règlement n° 604/2013 du 23 juin 2013 : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un Etat membre dans lequel il est entré en venant d'un Etat tiers, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la
frontière. " ; qu'aux termes de l'article 21 du même règlement : " L'Etat membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre Etat membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date d'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre Etat membre aux fins de prise en charge du demandeur. Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif (" hit ") Eurodac (...), la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif (...). Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéa, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'Etat membre auprès duquel la demande a été introduite. (...) " ; qu'aux termes de l'article 22 du même règlement : " (...) / 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d'un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. "
5. Considérant que le préfet de Seine-et-Marne produit devant la Cour la copie d'un document, intitulé " constat d'un accord implicite et confirmation de reconnaissance de la responsabilité " établi sur papier à en-tête de ses services, et destiné aux autorités italiennes ; que ce document indique qu'une requête de prise en charge a été adressée le 12 janvier 2017 concernant M. A... dont l'identité, la date de naissance et la nationalité ainsi que la référence FRDUB17703117562770 sont mentionnées sur ledit document ; que ce document, interne à l'administration, ne peut suffire à établir ni que les autorités italiennes ont été effectivement saisies initialement le 12 janvier 2017, ni que ce constat d'accord implicite lui-même leur a bien été adressé ; que, toutefois, le préfet de Seine-et-Marne produit pour la première fois devant la Cour un relevé d'échange de courriels montrant la réception sur la messagerie Dublinet du correspondant italien chargé des procédures dites Dublin d'un message concernant M. A..., car portant la même référence FRDUB17703117562770, et provenant par le biais de l'application Dublinet de l'administration française ; que cet accusé de réception du 11 janvier 2017 peut être regardé comme attestant qu'à cette date, l'administration a requis les autorités compétentes italiennes à fin de prise en charge de la demande d'asile de M. A... et que, par conséquent, le préfet de Seine-et-Marne disposait bien, le 12 mars 2017, d'un accord implicite de l'Italie ; qu'il suit de là que le préfet de Seine-et-Marne est fondé à soutenir que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a, pour un motif erroné, annulé l'arrêté préfectoral du 16 mars 2017, décidant que M. A... serait remis aux autorités italiennes et par voie de conséquence l'arrêté du même jour l'assignant à résidence ;
6. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A... à l'appui de sa demande de première instance ;
Sur les autres moyens invoqués par M. A... devant le tribunal administratif :
7. Considérant, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui s'était vu remettre la brochure Eurodac rédigée en langue arabe et avait été informé de l'éventuel reprise de la procédure de demande d'asile par l'Italie, pays où il indiquait avoir fait l'objet d'un précédent relevé d'empreintes, a bénéficié d'un entretien individuel le 15 décembre 2016, au cours duquel il a eu la possibilité de formuler des observations sur sa situation familiale ainsi que sur les différents pays qu'il avait traversés avant son arrivée en France ; que si M. A... fait valoir que le compte rendu de l'entretien qui lui a été accordé ne comporte pas la signature de l'agent ayant assuré cet entretien, cette circonstance ne saurait, par elle-même, impliquer que cet entretien ne s'est pas déroulé régulièrement et utilement avec un agent qualifié pour ce faire ; que le compte rendu de cet entretien, se présentant sous la forme d'un formulaire comportant des questions rédigées en français et en arabe et des réponses à choix multiples rédigées également dans les deux langues, a été signé par l'intéressé, lequel a notamment attesté que le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires lui ont été remis ainsi que le compte rendu dudit entretien ; qu'aucun élément du dossier ne permet d'accréditer l'hypothèse que M. A... n'aurait pas été en mesure de comprendre les informations en langue arabe qui lui ont été données, les réponses fournies et figurant sur ledit compte rendu attestant au contraire de la compréhension de l'intéressé, qui indiquait lui-même dans un autre document comprendre l'arabe ; que si M. A... soutient qu'il n'a bénéficié que d'un interprète parlant l'anglais, le préfet de Seine-et-Marne verse au dossier un document émanant de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui atteste que M. A... a bénéficié le 15 décembre 2016 d'une prestation d'interprétariat en langue arabe ;
8. Considérant, que M. A... ne saurait sérieusement soutenir que son transfert vers l'Italie, pays membre de l'Union européenne l'exposerait à des traitements inhumains et dégradants prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision de transfert dont il est l'objet serait entachée d'illégalité ;
10. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ; (...) / Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. (...) " ; que dans ses écritures produites devant le tribunal administratif, M. A... se borne à faire valoir qu'il n'a pas l'intention de s'enfuir ; que ce faisant il ne conteste pas utilement la mesure d'assignation à résidence prise par le préfet de Seine-et-Marne à son encontre alors que son éloignement demeurait une perspective raisonnable ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Seine-et-Marne est fondé à obtenir l'annulation du jugement attaqué, et le rejet de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1702357 du 4 avril 2017 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à
M. B...A....
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2018, où siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- Mme Jimenez, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 mai 2018.
Le rapporteur,
S. APPECHELe président,
I. BROTONS
Le greffier,
P. LIMMOIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01500