Par une requête enregistrée le 12 janvier 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 2017092/3 du 14 décembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la situation de M. A... justifiait que l'interdiction de retour sur le territoire français soit fixée à 24 mois ; en effet, sa demande d'asile a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 31 octobre 2017, que par la Cour nationale du droit d'asile, le 9 mai 2018, l'intéressé n'ayant pas présenté une demande de réexamen, M. A... est sans domicile fixe en France, n'y a pas d'attaches familiales et ne justifie d'aucune intégration particulière ; ce faisant, il a pu être regardé comme constituant une menace pour l'ordre public au regard des agissements qui lui sont reprochés ;
- les autres moyens soulevés par M. A... en première instance ne sont pas fondés.
La requête du préfet de police a été communiquée à la dernière adresse connue de
M. A..., lequel n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 14 avril 2021, la clôture d'instruction a été fixée le 30 avril 2021 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant burkinabé né le 21 décembre 1985, a été interpellé le
14 octobre 2020 en flagrant-délit de tentative de vol avec dégradation. Par un arrêté du 15 octobre 2020, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il devait être éloigné. Par un arrêté du même jour, il a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de vingt-quatre mois. Le préfet de police demande à la Cour d'annuler l'article 1er du jugement n° 2017092/3 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé ce second arrêté en tant que la durée d'interdiction excède douze mois.
Sur le motif d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Paris :
2. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...). / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".
3. Pour annuler l'arrêté contesté devant lui en tant que la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français excède douze mois, le tribunal a relevé que les faits de vol avec dégradation commis par M. A..., alors qu'il était en état d'ivresse, n'avaient donné lieu à aucune poursuite judiciaire et qu'en estimant qu'ils revêtaient un caractère de gravité pour justifier cette durée de 24 mois, le préfet de police avait fait une appréciation erronée des faits de l'espèce.
4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, en particulier des procès-verbaux d'audition de M. A... du 26 janvier 2020, relatif à sa situation administrative et du 14 octobre 2020, à la suite de son interpellation, que s'il a déclaré être entré en France en 2016 pour y bénéficier de soins médicaux, être suivi par un médecin avec lequel il avait un rendez-vous au mois de novembre 2020, être sans domicile fixe mais vivre à Paris et être marié à une ressortissante burkinabé, qui réside au Burkina Faso, et père de deux enfants, alors qu'il a déclaré au cours de la procédure d'asile être célibataire, il n'a produit aucun document de nature à justifier ses déclarations. Il ressort, par ailleurs, du procès-verbal d'audition du 14 octobre 2020 que les faits qui lui sont reprochés ont été corroborés par un témoin ainsi que par les caméras de surveillance de la rue. Par ailleurs, il est constant que la demande d'asile que M. A... a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 octobre 2017 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 9 juillet 2019, qu'il n'a présenté aucune demande de réexamen de sa situation au regard de l'asile, qu'il est sans domicile fixe, sans ressource et ne justifie d'aucune attache familiale en France. Il suit de là que compte tenu de l'ensemble de la situation de M. A..., qui ne fait état d'aucune circonstance humanitaire qui aurait pu justifier que le préfet de police ne prononce pas d'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet de police ne peut être regardé comme ayant entaché l'arrêté contesté d'erreur d'appréciation en fixant à 24 mois la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français.
5. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le motif susrappelé pour annuler son arrêté du 15 octobre 2020.
6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal.
Sur les autres moyens soulevés par M. A... :
7. M. A... soutient que la décision portant interdiction de retour sur le territoire contestée porte une atteinte manifestement disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Ce moyen, qui n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, ne peut qu'être écarté. Il n'est, au demeurant, pas contesté que M. A... a déclaré être entré en France en 2016, date qu'il n'est pas en mesure de justifier, être sans domicile fixe, sans ressources et n'être pas dépourvu d'attaches familiales au Burkina Faso où résident son épouse et ses deux enfants mineurs. M. A... n'est donc pas fondé, dans ces circonstances, à soutenir que le préfet de police en prononçant à son encontre cette décision aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du
15 octobre 2020 portant interdiction de retour sur le territoire français en tant que la durée de l'interdiction excède douze mois, et à obtenir, en conséquence, l'annulation de l'article 1er de ce jugement et le rejet de la demande présentée par M. A... devant le tribunal.
DECIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 2017092/3 du 14 décembre 2020 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris dirigée contre l'arrêté du 15 octobre 2020 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 24 mois est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2021 à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2021.
Le rapporteur,
S. B...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA00172