Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 mai et 4 octobre 2018, la SEM Assainissement des eaux de Tahiti, représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1700285 du 27 février 2018 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) d'ordonner le dégrèvement et le remboursement de l'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers qu'elle a acquitté depuis le 1er mars 2012, à hauteur de la somme de
8 395 106 CFP ;
3°) d'opérer le cas échéant une compensation entre cette somme et l'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers déjà versé au titre de l'avance à hauteur de 6 466 303 CFP, soit un reliquat dû qui s'élèverait à la somme de 1 928 803 CFP ;
4°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 250 000 XPF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la novation constatée rétroactivement au 1er mars 2012, par l'arrêté du 6 mai 2013 et la convention du 6 décembre 2016, implique que les versements d'intérêts qu'elle a effectués depuis le 1er mars 2012 doivent être considérés comme des remboursements d'intérêts d'emprunt et non plus comme des remboursements d'intérêts d'avance en compte courant imposables ;
- la loi de pays n°2009-15 du 24 août 2009 pose le principe qu'une avance en compte courant doit, dans le délai de deux années, soit être intégralement remboursée, soit être convertie en prêt ;
- pour la période courant de 2012 à 2015, elle s'est acquittée à la fois de l'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers et des intérêts dus au titre du prêt ainsi que des pénalités de retard ;
- l'assiette de l'impôt a été anéantie par la novation ;
- le taux d'intérêt versé sur le prêt est brut de l'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers ;
- une interprétation contraire porterait atteinte à la sécurité juridique ;
- s'étant acquittée de l'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers sur les intérêts de l'avance et des intérêts sur le prêt bruts de l'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers, elle est en droit de solliciter le remboursement par la Polynésie française de la somme de 8 395 106 CFP au titre de l'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers correspondant à l'emprunt.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 août 2018, le gouvernement de la Polynésie française, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Assainissement des eaux de Tahiti de la somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les conclusions relatives aux années 2011 et 2012 sont tardives ;
- aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code des impôts de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société d'Economie Mixte (SEM) Assainissement des eaux de Tahiti a bénéficié d'une avance en compte courant de la Polynésie française décidée par arrêté du conseil des ministres du 23 novembre 2009 et dont les modalités financières ont été fixées par convention du 8 janvier 2010. Cette avance produisait des intérêts au taux de 3,79 % au bénéfice de la Polynésie française, intérêts qui ont été inscrits au compte courant d'associé de la Polynésie française pour les années 2011 à 2015, et ont donné lieu au paiement de l'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers par la SEM Assainissement des eaux de Tahiti pour un montant total de
9 105 522 F CFP. Un arrêté du 6 mai 2013 du conseil des ministres a décidé de transformer l'avance en compte courant en prêt remboursable sur 15 ans. Les modalités financières de cette opération ont été fixées par une convention du 6 décembre 2016, laquelle prévoit un taux d'intérêt de 4,40 % au profit de la Polynésie française et précise qu'elle prend effet rétroactivement au 1er mars 2012. La SEM Assainissement des eaux de Tahiti relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande en décharge de l'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers dont elle s'est acquitté au titre des intérêts de l'avance en compte courant qui ont été inscrits au compte courant de la Polynésie française durant les années 2011 à 2015.
2. Aux termes de l'article 171-1 du code des impôts de la Polynésie française : "L'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers s'applique : (...)7°)aux intérêts, arrérages et tous autres produits des (...) emprunts de toute nature (...) des sociétés (...) désignées aux 1°) et 2°) qui précèdent (...) ; 9°) aux revenus distribués par les personnes morales visées aux 1°) et 2°), dans les conditions suivantes : (...) b) toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices ; (... ) ". Il résulte des dispositions précitées que les intérêts d'avance en compte courant mis à disposition des associés tout comme les intérêts d'emprunt sont soumis à l'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers et doivent être déclarés à ce titre.
3. En premier lieu, il n'est ni établi ni même allégué que les intérêts inscrits au crédit du compte courant de la Polynésie française au cours des années d'imposition en litige ne pouvaient être regardés comme mis à la disposition de cette dernière. Ils étaient par suite taxables en conséquence de cette seule inscription, en application des dispositions précitées. La circonstance que la législation en vigueur imposerait qu'une avance en compte courant doit, dans le délai de deux années, soit être intégralement remboursée, soit être convertie en prêt, et qu'en application de cette législation, l'arrêté du 6 mai 2013 et la convention du 6 décembre 2016 auraient transformé l'avance en compte courant en emprunt avec effet rétroactif au 1er janvier 2012, ne saurait avoir pour effet d'affecter les modalités de taxation des intérêts mis à la disposition de la Polynésie française au cours des années d'imposition en litige. Par ailleurs, les modalités du décompte des intérêts mis en recouvrement en 2016 en application de la convention susmentionnée sont sans influence sur le bien-fondé des impositions en litige, établies au titre des années antérieures. Le moyen tiré de ce que ces intérêts, calculé au taux de 4,4 %, comprendraient à nouveau les impositions dues en raison de leur versement est par suite et en tout état de cause inopérant.
4. En deuxième lieu, la SEM Assainissement des eaux de Tahiti demande le remboursement par la Polynésie française de la somme de 8 395 106 CFP qui aurait été réclamée par le titre de recettes émis le 20 décembre 2016 au titre de l'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers correspondant à l'emprunt accordé en 2016. Toutefois, il ne résulte pas des termes de la convention du 6 décembre 2016, qui prévoit un taux d'intérêt nominal de 4,4 %, et alors même qu'un compte rendu d'une réunion antérieure indiquerait que le taux d'intérêt du prêt serait brut d'impôt sur les revenus de capitaux mobiliers, que les intérêts dus sur le prêt en cause, et liquidés au taux susmentionné par ledit titre de recettes, comprendraient l'imposition dont le remboursement est demandé. La contradiction existant entre un compte-rendu de réunion préparatoire et une convention signée postérieurement ne saurait à elle seule, et en tout état de cause, constituer une atteinte à la sécurité juridique. Les conclusions présentées aux fins d'un tel remboursement ne peuvent par suite qu'être écartées sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions de la requête relatives aux années 2011 et 2012, que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande la société requérante au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société requérante le versement de la somme que demande la Polynésie française au titre de ces mêmes frais.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SEM Assainissement des eaux de Tahiti est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la Polynésie française tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SEM Assainissement des eaux de Tahiti et au gouvernement de la Polynésie française
Délibéré après l'audience du 3 avril 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 18 avril 2019.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
P. LIMMOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01527