Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 novembre 2019, 25 juin 2020 et
28 juillet 2020, la société Bank of New York Mellon SA/NV, représentée par Me B... C..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 1er octobre 2019 ;
2°) de prononcer le remboursement de la somme de 519 205 euros correspondant à des cotisations de taxe sur les salaires acquittées au titre des années 2013 à 2016, assortie des intérêts moratoires ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les revenus perçus au titre de la gestion globale de la clientèle française dès lors qu'ils ont été facturés par la succursale à son siège ainsi que les intérêts perçus du siège doivent être exclus du numérateur et du dénominateur du rapport d'assujettissement ;
- les revenus au titre de la gestion de la relation client dans le cadre de l'offre de services " Global Collateral Management Services " et " American Depositary Receipt ", les revenus au titre de la gestion de la relation client dans le cadre de l'offre de services " Corporate Trust ", les revenus au titre des services de " Facility agent " et " Loan administration " facturés à des clients français, incluant les refacturations comptabilisées en transferts de charges, ainsi que la participation aux travaux d'aménagement des locaux facturée à AEW doivent figurer au seul dénominateur du rapport d'assujettissement ;
- seules les refacturations de loyers à la succursale française de la société BNY Mellon Investment Management EMBA Ltd non soumis à la taxe sur la valeur ajoutée et les " Autres produits " pour lesquels la succursale considère à titre de prudence qu'ils doivent être mentionnés au numérateur du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires doivent figurer au numérateur et au dénominateur du rapport d'assujettissement ;
- le rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires de sa succursale française au titre des années en litige s'élevait respectivement à 24 %, 6 %, 24 % et 2 %, d'où il résulte un excédent de versement d'un montant total de 519 205 euros en tenant compte de la décote prévue par la doctrine administrative ;
- le paragraphe 220 de la doctrine BOI-TPS-20-30 est invocable et permet l'application d'une décote ;
- les pièces justificatives ont été fournies accompagnées de leur traduction.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 mars 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions à fin de décharge d'imposition sont irrecevables en tant qu'elles dépassent la somme de 519 205 euros ;
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 26 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la société Bank of New York Mellon SA/NV.
Considérant ce qui suit :
1. La société Bank of New York Mellon SA/NV s'est acquittée, au titre des années 2013 à 2016, de la taxe sur les salaires établie sur le fondement de l'article 231 du code général des impôts à raison des rémunérations payées par sa succursale française. Elle relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en réduction de ces impositions.
2. Aux termes de l'article 231 du code général des impôts, dans sa version applicable aux années en litige : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés (...) sont soumises à une taxe égale à 4,25 % (...). Cette taxe est à la charge des entreprises et organismes qui emploient ces salariés, (...), qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 p. 100 au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. (...) ".
3. La société requérante ayant été imposée conformément à ses déclarations, il lui incombe, en vertu des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, d'établir l'exagération des impositions en litige.
4. La société Bank of New York Mellon SA/NV soutient que sa succursale française, pour calculer la taxe sur les salaires dont elle était redevable au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2016, a appliqué un rapport d'assujettissement de 100 % alors que ce rapport ne s'élevait, d'après le dernier état de ses écritures, respectivement qu'à 24 %, 6 %, 24 % et 2 %. La société requérante fait notamment valoir qu'il convient d'exclure du numérateur et du dénominateur du rapport d'assujettissement les revenus et intérêts perçus par la succursale en provenance du siège, et qu'il convient d'exclure du numérateur dudit rapport les revenus perçus par cette dernière et non soumis à la taxe sur la valeur ajoutée par la seule application des règles de territorialité, ainsi que les produits effectivement soumis à la taxe sur la valeur ajoutée.
5. Il appartient à la société requérante qui, ainsi qu'il a été dit, a la charge de la preuve de l'exagération des impositions qu'elle conteste, d'apporter à la Cour tous les éléments, assortis de pièces justificatives, permettant de déterminer le montant des produits qui doivent figurer au numérateur et au dénominateur du rapport d'assujettissement. Elle produit des tableaux chiffrés globaux accompagnés des factures justificatives des produits comptabilisés, en les répartissant entre produits devant figurer au numérateur du rapport d'assujettissement, au dénominateur de ce rapport ou devant être exclus tant du numérateur que du dénominateur. Toutefois, la société requérante, qui a d'ailleurs fait état, aux différentes étapes de la procédure contentieuse et notamment dans ses écritures en appel, de rapports d'assujettissement différents, qui n'a accompagné ses réclamations que de quelques factures, dont le caractère lacunaire ne permettait pas à l'administration d'instruire lesdites réclamations, et qui n'a produit un ensemble exhaustif de factures que dans ses derniers mémoires devant la Cour, n'apporte, en tout état de cause, aucune précision sur la date de règlement des factures produites, s'agissant de prestations de services soumises à la taxe sur la valeur ajoutée sur les encaissements. Par suite, les pièces produites ne permettent pas d'identifier le montant des produits à maintenir ou non au numérateur ou au dénominateur du rapport d'assujettissement. La Cour n'est en conséquence pas en mesure de vérifier le bien-fondé des rapports d'assujettissement dont la société requérante se prévaut.
6. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa version alors en vigueur : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ".
7. La doctrine administrative référencée BOI-TPS-20-30 ne saurait être valablement invoquée sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A dès lors que l'imposition contestée est une imposition primitive et que la société requérante ne peut être regardée comme ayant fait, dans sa déclaration, application des prescriptions de la doctrine.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Bank of New York Mellon SA/NV est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bank of New York Mellon SA/NV et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 4 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. A..., premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Lu en audience publique le 18 novembre 2020.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03782 2