Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires enregistrés les 16 et 22 mars et 27 novembre 2018, Mme B..., représentée par Me C...Bertrand, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1622820/2-3 du 18 janvier 2018 en ce que le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de rectifier l'erreur matérielle dont est entaché ce jugement, en tant qu'il condamne, en contradiction avec ses motifs, l'Etat et non la Ville de Paris à verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) de condamner la Ville de Paris lui verser des indemnités de 18 692,73 euros au titre du préjudice matériel, 7 000 euros au titre du préjudice moral et 10 000 euros au titre du préjudice de carrière, occasionnés par la rupture pour motif discriminatoire d'une promesse d'embauche ;
4°) de condamner la Ville de Paris à lui verser une indemnité de 3 000 euros au titre du préjudice moral occasionné par son inertie ;
5°) de condamner la Ville de Paris à lui verser une indemnité de 15 993,58 euros au titre du préjudice matériel subi et 4 000 euros au titre du préjudice physique résultant de la carence fautive de celle-ci ;
6°) de condamner la Ville de Paris à lui verser une indemnité de 10 000 euros au titre du préjudice moral subi du fait des agissements de harcèlement moral de son supérieur, dont la Ville était parfaitement informée ;
7°) de condamner la Ville de Paris à lui verser une indemnité de 10 000 euros au titre du préjudice de carrière occasionné par le refus de ses supérieurs hiérarchiques de la laisser suivre une formation ;
8°) de mettre à la charge de la Ville de Paris le versement de la somme de
3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier car entaché d'omission à statuer sur certaines conclusions dès lors que le tribunal n'a pas statué sur les demandes d'indemnisation du préjudice résultant de la faute résidant dans l'inertie de la Ville de Paris à prendre en considération la souffrance de son agent, et alors que l'estimation du préjudice subi dépend notamment du caractère discriminatoire des agissements de la Ville de Paris ;
- les premiers juges ont également omis de répondre à certains moyens invoqués devant eux et notamment à celui tiré de ce que la rupture de promesse d'embauche revêtait un caractère discriminatoire;
- le jugement est entaché de contradiction de motifs, les premiers juges ont admis le faisceau d'indices relevés par elle pour montrer l'existence d'une situation de harcèlement sans pour autant retenir l'existence d'un harcèlement ;
- la rupture de promesse d'embauche est intervenue à l'automne 2012 pour un motif discriminatoire ce qui est à l'origine d'un préjudice particulier et de nature à justifier une indemnisation à ce titre ;
- elle a été victime d'un harcèlement moral et l'inertie de la Ville de Paris, informée de cette situation, est fautive et de nature à ouvrir droit à la réparation du préjudice qui en est résulté ; la Ville de Paris a manqué à l'obligation qui lui est faite, en vertu de l'article 23 du statut général de la fonction publique applicable aux agents non titulaires, en application de l'article 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, et en vertu de l'article 2-1 du décret n° 85-603 du 10 juin 1985, de protéger la santé physique et mentale de son agent ;
- le préjudice matériel résultant directement de la double faute constituée d'une promesse non tenue pour motif discriminatoire, et alors qu'aucune imprudence ne peut lui être reprochée, correspond au différentiel de ressources constaté et subi entre septembre 2012 et fin mars 2014 et justifie le versement une indemnité dont la Cour pourrait fixer le montant à
15 993,58 euros ;
- le préjudice moral, reconnu dans son principe, a été sous-estimé par le tribunal administratif ; la réparation demandée à ce titre en première instance était de 20 000 euros et une indemnisation à tout le moins de 3 000 euros ne serait manifestement pas déraisonnable ; ce préjudice était évalué à une somme de 7 000 euros au lieu des 2 000 euros accordés en première instance ;
- le préjudice de carrière, écarté à tort par le tribunal, justifierait que la Cour accorde à tout le moins une somme de 10 000 euros ;
- en réparation du préjudice physique subi du fait des fautes de la Ville de Paris, la Cour pourrait accorder une indemnité de 4 000 euros ;
- la faute constituée par le harcèlement subi et l'inertie de l'administration face à la souffrance professionnelle endurée pendant deux ans est à l'origine, d'une part, d'un préjudice moral initialement évalué à 30 000 euros et pour la réparation duquel la Cour pourrait accorder une indemnité de 10 000 euros, d'autre part, d'un préjudice de carrière dû notamment au refus de suivi d'une formation, justifiant une condamnation de la Ville de Paris à hauteur de 20 000 euros ou à tout le moins une indemnisation de 10 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 octobre 2018, la Ville de Paris, représentée par Me E...Foussard, conclut au rejet de la requête de Mme B...et par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a fait droit à la demande de Mme B...et au rejet des conclusions indemnitaires présentées par l'intéressée ainsi qu'à celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La Ville de Paris demande en outre la mise à la charge de Mme B...d'une somme de
2 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'une promesse de recrutement avait été formellement faite à Mme B...et a imputé à la Ville de Paris une faute tenant à la rupture de cette prétendue promesse ;
- Mme B...et la Ville de Paris ont engagé un processus de discussion concernant un éventuel engagement, qui n'a pas abouti, au demeurant du fait de l'intéressée et non de la Ville de Paris.
Par une ordonnance du 12 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée
au 30 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983,
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984,
- la loi n° 84-594 du 12 juillet 1984,
- le décret n° 87-1004 du 16 décembre 1987 - le décret n°2007-1845 du 26 décembre 2007
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Appèche,
- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,
- les observations de Me Bertrand, avocat de Mme B...,
- et les observations de MeF..., substituant Me Foussard, avocat de la Ville de Paris.
Une note en délibéré, enregistrée le 14 mars 2019, a été présentée par Me C...Bertrand pour MmeB....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...a été recrutée par la Ville de Paris par contrat à durée déterminée sur un emploi de collaborateur au cabinet du maire du 11ème arrondissement, pour la période
du 1er novembre 2006 au 31 octobre 2009 ayant donné lieu, à la faveur de la nouvelle mandature ouverte au 31 mars 2008, à la conclusion d'un nouveau contrat à durée déterminée du
31 mars 2008 au 31 mars 2011. Estimant avoir, en 2012, répondu favorablement à une proposition émanant de l'adjoint au maire de Paris chargé de la démocratie locale et de la vie associative, de devenir sa cheffe de cabinet à partir du 12 juillet et ce recrutement n'étant finalement pas intervenu, Mme B...a demandé à la Ville de Paris la réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis en raison de la rupture abusive de la promesse d'embauche pour un motif discriminatoire. Mme B...a ensuite été recrutée sur un contrat occasionnel de six mois au sein de la mission démocratie locale, rattachée à la direction des usagers, des citoyens et des territoires (DUCT) renouvelé deux fois, pour la période comprise entre le 3 juin 2013 et le 2 décembre 2014. Entre-temps, elle a occupé un poste d'adjoint au chef de la mission jeunesse et citoyenneté (MJC) rattachée à la direction de la jeunesse et des sports et a été engagée à ce poste par contrat à durée déterminée pour un an le 15 septembre 2014, contrat renouvelé pour la même durée, du 15 septembre 2015 au 14 septembre 2016. Mme B...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la Ville de Paris à lui verser la somme de 164 686,31 euros en réparation des divers préjudices qu'elle estimait avoir subis, d'une part, pour rupture abusive d'une promesse d'embauche et, d'autre part, du fait d'un harcèlement moral de son supérieur hiérarchique et du refus de la laisser suivre une préparation à un concours lorsqu'elle occupait ce dernier poste. Par un jugement n° 1622820/2-3 du 18 janvier 2018, le Tribunal administratif de Paris a condamné la Ville de Paris à verser à Mme B...la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral pour rupture d'une promesse d'embauche. Mme B...doit être regardée comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses demandes indemnitaires et comme demandant à la Cour de condamner la Ville de Paris à lui verser une indemnité supplémentaire d'un montant total de
78 686,31 euros en réparation de ses divers préjudices. La Ville de Paris, par la voie de l'appel incident, conteste l'existence d'une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de
Mme B...et en tout état de cause l'existence d'un préjudice indemnisable et le montant de la réparation accordée à ce titre par le tribunal.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, Mme B...soutient que les premiers juges, dans leur jugement, ont décrit les agissements constitutifs d'un harcèlement moral dirigé à son encontre tout en refusant de reconnaître l'existence du harcèlement allégué et de lui accorder à ce titre une réparation Toutefois, un tel moyen est inopérant pour contester la régularité du jugement et ne peut être utilement invoqué que pour en contester le bien-fondé.
3. En deuxième lieu, le tribunal administratif a, dans le jugement attaqué, estimé que Mme B...avait bénéficié d'une promesse de la Ville de Paris d'être recrutée comme cheffe de cabinet de l'adjoint au maire de Paris chargé de la démocratie locale et que la Ville de Paris avait commis une faute en n'honorant pas cette promesse et en renonçant au recrutement de l'intéressée sur ce poste. Si le tribunal en a conclu que cette faute était de nature à engager la responsabilité de la Ville de Paris à l'égard de MmeB..., " sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le caractère discriminatoire de cette rupture ", il a ce faisant, estimé, fut-ce à tort, que le moyen tiré du caractère discriminatoire de cette rupture était inopérant. La circonstance qu'il se soit dispensé de se prononcer sur ce moyen n'est, dans ces conditions, pas de nature à entacher son jugement d'irrégularité.
4. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient MmeB..., les premiers juges, après avoir estimé au point 6 de leur jugement que les éléments du dossier ne permettaient pas de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral et donc des souffrances y afférentes, en ont déduit en conséquence qu'aucune carence ou inertie à agir pour faire cesser ce harcèlement ne pouvait être reprochée à la Ville de Paris. Dans ces conditions, les premiers juges ont nécessairement, même si implicitement, rejeté, pour ce motif, les conclusions indemnitaires présentées de ce chef. Mme B...n'est dès lors pas fondée à invoquer une omission à statuer sur ce chef de préjudice
5. En quatrième lieu, Mme B...doit être regardée comme faisant, à bon droit, valoir, dans son mémoire en date du 22 mars 2018, la contradiction entre le motif du jugement faisant état, en son point 14, de la condamnation de la Ville de Paris au versement d'une somme de
1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le dispositif dudit jugement qui, en son article 2, met ladite somme à la charge de l'Etat.
6. Par suite, il y a lieu pour la Cour d'annuler le jugement pour irrégularité en tant qu'il a statué sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et d'évoquer dans cette mesure l'affaire. Pour le reste, il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions présentées devant elle par Mme B...ainsi que sur l'appel incident de la Ville de Paris.
Sur l'existence d'une faute tenant à la rupture d'une promesse d'embauche qui aurait été faite à MmeB... :
7. Si le directeur du cabinet du maire de Paris a, par une note du 13 juillet 2012 adressée à l'adjoint au maire de Paris chargé de la démocratie locale et de la vie associative qui l'avait sollicité en ce sens, indiqué avoir demandé à la direction des ressources humaines d'établir un contrat à Mme B...en qualité de collaboratrice de cabinet de cet adjoint à compter du
12 juillet 2012 en fixant sa rémunération nette mensuelle à 2 601 euros, ce document alors même qu'il émane de l'autorité ayant le pouvoir de recrutement, et indique la date de recrutement, la nature de l'emploi ainsi que la rémunération, constituait un document interne à l'administration et n'a pas été adressé à Mme B...et n'était pas destiné à lui être communiqué. Ce document ne pouvait dès lors être considéré comme traduisant une promesse ferme de recrutement qui aurait été faite personnellement à MmeB.... Le formulaire daté du 16 juillet 2012, intitulé " Attestation provisoire pour l'accès aux restaurants administratifs de l'ASPP " dont se prévaut MmeB..., lequel précise qu'il est destiné à se substituer provisoirement à la carte professionnelle de l'agent et que sa validité est limitée au délai y figurant, s'il comporte un tampon d'un bureau de la direction des ressources humaines et précise que Mme B...pourra accéder auxdits restaurants du 17 au 27 juillet 2012 et présente deux cases l'une " perte " et l'autre " recrutement ", cette dernière étant cochée avec un ajout manuscrit " en cours " émanant d'un auteur non identifié, ne saurait suffire à corroborer l'existence à cette date d'une promesse de recrutement faite à l'intéressée. Il en va de même des courriels échangés en juillet 2012 entre Mme B...et l'adjoint au maire qui avait sollicité le cabinet du maire en vue de son recrutement.
8. Par ailleurs, le courriel en date du 4 juillet 2012, dont Mme B...a produit une copie, est un courriel adressé au directeur de cabinet du maire de Paris par M.D..., lequel alors adjoint au maire de Paris chargé de la démocratie locale et de la vie associative, ne disposait que d'un pouvoir de proposition et non de nomination. Dans ce message, son auteur se borne à faire part au directeur de cabinet du maire de Paris de son souhait de recruter comme chef de cabinet de toute urgence Mme B...avec un salaire de 3 000 euros. Toutefois ce message n'est pas davantage adressé à MmeB..., laquelle n'est pas non plus mentionnée en destinataire d'une copie carbone (Cc) dudit courriel.
9. Enfin, le courriel en date du 11 juillet 2012, du même expéditeur, adressé au directeur de cabinet du maire de Paris pour se plaindre de l'arbitrage rendu sur le niveau de rémunération envisagé dans la note susmentionnée du 13 juillet 2012, n'est pas davantage de nature à corroborer l'existence d'une promesse ferme de recrutement qui aurait été valablement faite à ce stade à MmeB.... En effet, ce document démontre au contraire que, si l'adjoint au maire avait évoqué avec Mme B...une possibilité de recrutement en qualité de cheffe de cabinet, les conditions dans lesquelles ce recrutement pourrait être opéré, et notamment le montant de la rémunération susceptible de lui être allouée, n'avaient pas fait l'objet d'un engagement de la part de la Ville de Paris.
10. Dans ces conditions, la Ville de Paris est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que Mme B...avait reçu personnellement une promesse de recrutement en qualité de cheffe de cabinet du maire adjoint chargé de la démocratie locale et de la vie associative, dont le prétendu non respect était de nature à engager la responsabilité de la Ville de Paris à l'égard de l'intéressée.
11. En effet, il résulte de l'instruction que, si des échanges ont eu lieu à partir du mois de juillet 2012 entre MmeB..., le maire adjoint chargé de la démocratie locale et de la vie associative et le directeur de cabinet du maire de Paris concernant les conditions du recrutement de Mme B...envisagé à la demande dudit maire adjoint en vue de pourvoir le poste de chef de son cabinet, ce dernier, tout comme Mme B...ont, faute d'accord sur le niveau de la rémunération, renoncé à un recrutement immédiat en juillet 2012 et entendu poursuivre le processus de discussion au-delà de la période estivale, Mme B...estimant qu'eu égard notamment à la charge de travail résultant du départ de la directrice de cabinet et du départ imminent de deux secrétaires, la rémunération envisagée pour son recrutement était insuffisante. Ainsi, il résulte de l'instruction que MmeB..., était engagée dans un processus de discussion avec la Ville de Paris concernant les conditions d'un recrutement qui restait à ce stade hypothétique en l'absence d'assurances précises et fermes qui lui auraient été données antérieurement et personnellement tant sur le principe que sur les conditions de celui-ci, l'intéressée, titulaire d'un diplôme d'études approfondies de l'enseignement supérieur et dotée d'une très bonne connaissance du fonctionnement de l'administration de la Ville de Paris, n'ayant pu se méprendre à cet égard.
12. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que la Ville de Paris aurait mis un terme au processus de recrutement de Mme B...pour un motif étranger à l'intérêt du service et procédant d'une discrimination prohibée à l'encontre de l'intéressée. Les allusions figurant à cet égard dans le courriel susmentionné en date du 11 juillet ne sont corroborées par aucune autre pièce du dossier et ne sauraient suffire à attester ni même à faire présumer d'un tel motif.
13. Il suit de là que la Ville de Paris est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'une promesse de recrutement avait été faite à Mme B...par la Ville de Paris à laquelle celle-ci se serait fautivement soustraite et qu'ils ont mis à la charge de la Ville de Paris une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral qui aurait résulté de cette faute.
14. En l'absence de faute commise par la Ville de Paris, Mme B...n'est pas fondée à demander la réparation des préjudices résultant, selon elle, de la prétendue rupture fautive d'un engagement de recrutement pris à son égard ou de la prétendue mesure discriminatoire dont procèderait son absence de recrutement sur le poste de chef de cabinet.
Sur le harcèlement moral :
15. D'une part, l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 dispose que : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public ". L'article 11 de la même loi prévoit que : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
16. D'autre part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
17. Mme B...soutient qu'elle aurait été victime de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique lorsqu'elle occupait le poste d'adjoint au chef de la mission jeunesse et citoyenneté (MJC) rattachée à la direction de la jeunesse et des sports. Toutefois, l'échange de courriels entre elle-même et son supérieur hiérarchique, qu'elle produit, ne témoigne pas d'exigences excédant celles normalement attendues d'un supérieur hiérarchique à l'égard de ses subordonnés, et pas davantage d'une expression empreinte d'une agressivité particulière, d'une quelconque discourtoisie ou d'un quelconque mépris. En outre, si les témoignages de collègues produits par MmeB..., font état d'une charge de travail jugée importante et de méthodes d'encadrement considérées par les intéressés trop rigides et directives, ils n'attestent d'aucun agissement de la part du supérieur hiérarchique ou de la sous-directrice excédant la mise en oeuvre normale, par ceux-ci, de leur pouvoir hiérarchique de direction et de contrôle des agents placés sous leur autorité. Aucun élément du dossier n'est de nature à faire soupçonner que les intéressés auraient eu des exigences anormalement élevées à l'égard de MmeB..., recrutée en qualité d'agent contractuel de catégorie A, sur un poste à responsabilité, d'adjoint au chef de la mission jeunesse et citoyenneté. Les arrêts de travail produits par Mme B...qui concernent différentes périodes entre le 4 décembre 2014 et le 11 août 2016, établis par un psychiatre, font état de dépression anxieuse sévère, à l'exception de deux, établis par des médecins généralistes du 21 au 24 juillet 2015 et du 4 au 10 août 2015 qui mentionnent le surmenage ou le stress. Ces documents médicaux ne sauraient suffire à faire présumer que la pathologie dont a souffert
Mme B...trouverait son origine dans un harcèlement moral dont elle aurait été victime au sein du service. Les différents courriers et courriels du médecin du travail, s'ils font état du retentissement négatif des conditions de travail de Mme B...sur sa santé, sont insuffisants pour faire présumer l'existence d'agissements répétés ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité de l'intéressée, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Enfin, ainsi qu'il ressort de ce qui est dit ci-dessous, le refus qui a été opposé à Mme B...de suivre la préparation au concours d'attaché d'administrations parisiennes ne peut pas davantage être regardé comme procédant d'un tel harcèlement moral, dont l'existence ne peut, ainsi qu'il résulte de ce qui précède, être présumée au vu des éléments de fait soumis à la Cour par
MmeB....
Sur le refus opposé à la demande de Mme B...tendant au suivi d'une formation :
18. Aux termes de l'article 41 du décret n°2007-1845 du 26 décembre 2007 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie : " Les agents non titulaires (...) employés par les collectivités territoriales (...) peuvent bénéficier, dans les mêmes conditions que celles fixées pour les fonctionnaires territoriaux, des actions de formation mentionnées aux articles 5 à 7 du présent décret ". Aux termes de l'article 6 dudit décret : " Les actions de préparation aux concours et examens professionnels de la fonction publique mentionnées au 3° de l'article 1er de la loi du 12 juillet 1984 susvisée ont pour objet de permettre aux fonctionnaires de se préparer à un avancement de grade ou à un changement de cadre d'emplois par la voie des examens professionnels ou concours réservés aux fonctionnaires ". Aux termes de l'article 1 de la loi n° 84-594 du 12 juillet 1984 relative à la formation des agents de la fonction publique territoriale et complétant la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 : " La formation professionnelle tout au long de la vie au sein de la fonction publique territoriale comprend : (...) 3° La formation de préparation aux concours et examens professionnels de la fonction publique (...) ". Aux termes de l'article 2 de ladite loi : " (...) Sans préjudice de l'application des dispositions relatives au droit individuel à la formation prévues à l'article 2-1, les agents territoriaux bénéficient des autres actions de formation mentionnées à l'article 1er, dans les conditions prévues par la présente loi et sous réserve des nécessités du service. L'autorité territoriale ne peut opposer deux refus successifs à un fonctionnaire demandant à bénéficier de ces actions de formation qu'après avis de la commission administrative paritaire ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité territoriale ne peut invoquer que des motifs tirés des nécessités de service pour refuser à un fonctionnaire le bénéfice des actions de formation prévues par la loi n° 84-594 du 12 juillet 1984.
19. Mme B...soutient que la Ville de Paris a commis une faute en refusant qu'elle suive, en mars 2016, la formation préparatoire au concours interne d'attaché d'administrations parisiennes, à laquelle elle avait été admise à la suite d'un test de sélection. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...a reçu, le 18 février 2015, une convocation pour la formation lui précisant l'obligation d'assiduité aux cours et lui indiquant que son supérieur hiérarchique en avait été informé. Par un courriel du 6 mars 2015, Mme B...a demandé à son supérieur hiérarchique l'autorisation de participer à cette formation et il est constant qu'un refus verbal lui a été opposé. Par un courrier du 1er septembre 2015 destiné à la cheffe des ressources humaines de la direction de la jeunesse et des sports, celui-ci a indiqué qu'il avait découvert que la formation impliquait de nombreuses absences et s'étendait au-delà de la date de validité du contrat de l'intéressée et a en outre précisé qu'il ne pensait pas donner une suite favorable à cette demande en raison de la charge de travail du service et notamment du surcroît de travail induit par les absences pour maladie de MmeB.... Si cette dernière allègue que son supérieur hiérarchique aurait estimé que passer un concours n'était pas la voie qu'il préconisait pour la promotion d'un agent non titulaire, cette allégation, contestée par la Ville de Paris, ne peut être tenue pour établie, aucun élément au dossier ne permettant de considérer que ledit supérieur aurait, en se fondant sur un tel motif, refusé par principe l'autorisation sollicitée en vue d'une formation. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que le refus litigieux aurait été opposé fautivement à Mme B...pour des raisons autres que celles tenant à la charge de travail et donc à l'intérêt du service.
20. De tout ce qui précède, il résulte, d'une part, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la Ville de Paris aurait commis des fautes de nature à engager à son égard sa responsabilité et à lui ouvrir droit à indemnisation, et est seulement en droit d'obtenir l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué concernant les frais non compris dans les dépens, d'autre part, que la Ville de Paris est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a fait partiellement droit aux conclusions de
Mme B...en lui accordant une indemnité de 2 000 euros, et à obtenir, en conséquence l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué et le rejet des conclusions à fin d'indemnisation présentées par MmeB.... Les conclusions présentées par cette dernière sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative tant en première instance qu'en appel ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de Mme B...sur le fondement de cet article.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1622820/2-3 du 18 janvier 2018 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : Les conclusions présentées par Mme B...tant en première instance qu'en appel sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la Ville de Paris présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et à la Ville de Paris.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 mars 2019.
Le rapporteur,
S. APPECHELe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00888