Procédure devant la Cour :
Par un recours enregistré le 26 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 1620337/2-1 du 6 février 2018 en tant que le Tribunal administratif de Paris a déchargé la SARL Le Homard Rouge de son obligation de payer la somme de 21 306 euros réclamée par la mise en demeure du 18 mai 2016 ;
2°) de remettre à la charge de la SARL Le Homard Rouge l'obligation de payer ladite somme.
Il soutient que :
- la société Le Homard Rouge n'était pas recevable à invoquer devant le tribunal la prescription de l'action en recouvrement dès lors que dans son opposition à poursuite du
11 juillet 2016 elle n'invoquait aucun des motifs visés à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales ;
- la prescription n'était pas acquise dès lors que le délai de prescription avait été valablement interrompu par la notification d'un avis à tiers détenteur du 14 février 2012.
La société Le Homard Rouge n'a pas produit de mémoire en défense, en dépit de la mise en demeure en date du 12 juin 2018 qui lui a été notifiée par voie postale le 15 juin 2018.
Par ordonnance du 10 septembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée
au 25 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Appèche,
- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Le Homard Rouge, dont le siège social est situé à Paris 51 rue de la Harpe (75005), exploite un fonds de restauration traditionnelle. Le comptable public du service des impôts des entreprises (SIE) de Paris 5ème, lui a adressé une mise en demeure tenant lieu de commandement de payer, datée du 18 mai 2016, afin de procéder au recouvrement de sommes dont il la tenait redevable en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés. La SARL Le Homard Rouge a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de son obligation de payer résultant de cette mise en demeure émise en vue du paiement d'une somme de 186 092,09 euros. Par un jugement n 1620337/2-1 du 6 février 2018, le tribunal a partiellement fait droit à cette demande en déchargeant la société de son obligation de payer à hauteur de la somme de 21 306 euros réclamée par cette mise en demeure. Le ministre de l'action et des comptes publics relève, dans cette mesure, appel de ce jugement.
Sur la recevabilité du moyen tiré de la prescription de l'action en recouvrement invoqué par la société Le Homard Rouge en première instance :
2. Le ministre soutient que, pour prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 21 306 euros réclamée par la mise en demeure du 18 mai 2016 à la société Le Homard Rouge, le tribunal a fait droit au moyen invoqué par celle-ci devant lui, tiré de la prescription de l'action en recouvrement, alors que ce moyen était irrecevable, faute d'avoir été invoqué dans l'opposition formée le 11 juillet 2016 devant le directeur des services fiscaux. Toutefois, il résulte des termes de ce courrier du 11 juillet 2016, produit en première instance, que l'opposition formée par la société Le Homard Rouge reposait sur un unique moyen tiré précisément de la prescription de l'action en recouvrement. En conséquence, la fin de non recevoir susanalysée opposée par le ministre à ce moyen ne peut qu'être écartée.
Sur la prescription de l'action en recouvrement de la somme de 21 306 euros :
3. Aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : " Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. / Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription. ". L'article L. 275 du même livre dispose que :
" La notification d'un avis de mise en recouvrement interrompt la prescription courant contre l'administration et y substitue la prescription quadriennale. Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa est interrompu dans les conditions indiquées à l'article L. 274 ".
4. Il incombe à l'administration d'établir la date à laquelle un acte susceptible d'interrompre la prescription de l'action en recouvrement a été régulièrement notifié au contribuable. En cas de retour à l'administration, au terme du délai de mise en instance au bureau de poste, du pli recommandé contenant un tel acte, la notification est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l'adresse de l'intéressé, dès lors du moins qu'il résulte soit de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation du service postal ou d'autres éléments de preuve, que le préposé a, conformément à la réglementation en vigueur, déposé un avis d'instance informant le destinataire que le pli était à sa disposition au bureau de poste.
5. La somme litigieuse, d'un montant total de 21 306 euros, correspond à une créance de 2 422 euros représentant des pénalités de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 mises en recouvrement le 31 janvier 2005, une créance
de 1 237 euros mise en recouvrement le 28 septembre 2007, une créance de 2 950 euros mise en recouvrement le 29 février 2008, une créance de 2 937 euros mise en recouvrement
le 16 décembre 2008, une créance de 11 053 euros mise en recouvrement le 16 juillet 2009 et une créance de 707 euros mise en recouvrement le 30 septembre 2010.
6. Il résulte de l'instruction que l'administration a émis le 14 février 2012 des avis à tiers détenteur dont il est constant qu'ils tendaient au recouvrement, notamment, des créances mentionnées ci-dessus. En vue d'en informer la société Le Homard Rouge, l'administration a adressé par voie postale à celle-ci un pli recommandé en date du 14 février 2012 avec avis de réception. Ce pli a été présenté le 16 février 2012 à l'adresse de la société et a été retourné au service fiscal par l'administration postale avec une étiquette y apposée, intitulée " pli non distribuable " sur laquelle a été cochée la mention " non réclamé ", comme cela ressort de la copie de l'enveloppe produite par l'administration fiscale en première instance. En revanche, il ne ressort d'aucune mention figurant sur cette enveloppe ou sur l'accusé de réception, ou tout autre document, que le destinataire a bien été avisé de la mise en instance de ce pli au bureau de poste. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient le ministre qui supporte la charge de la preuve, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que ce courrier n'a pas interrompu la prescription et que, dès lors, à supposer même que de précédents avis à tiers détenteur invoqués par l'administration adressés en 2008 et 2009 à la société requérante aient interrompu la prescription, celle-ci était, faute d'acte interruptif intervenu depuis lors, acquise à la date de la mise en demeure contestée, émise le 18 mai 2016.
7. De tout ce qui précède il résulte de que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a fait partiellement droit à la demande de la société Le Homard Rouge en la déchargeant de l'obligation de payer la somme de 21 306 euros. Les conclusions du recours du ministre tendant à l'annulation du jugement et à la remise à la charge de la société Le Homard Rouge de l'obligation de payer cette somme doivent, dès lors, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la SARL Le Homard Rouge.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller
Lu en audience publique, le 28 mars 2019.
Le rapporteur,
S. APPECHELe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00998