Procédure devant la cour :
       Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 20 janvier 2020 et 3 février 2020, le préfet de police demande à la cour : 
       1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 21 novembre 2019 ; 
       2°) de rejeter la demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Paris. 
       Il soutient que : 
       - c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il avait entaché ses décisions d'un défaut d'examen de la situation personnelle de M. F... ;
       - les autres moyens soulevés par M. F... devant le tribunal administratif ne sont pas fondés. 
       La requête a été communiquée à M. F..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
       Vu les autres pièces du dossier.
       Vu :
       - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
       - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
       - le code de justice administrative.
       Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
       Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
       Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
       Considérant ce qui suit : 
       1. M. E... F..., ressortissant égyptien né le 3 avril 1984, entré irrégulièrement en France, a fait l'objet d'une interpellation à la suite d'un contrôle routier le 19 octobre 2019. Par un premier arrêté du 30 octobre 2019, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné. Par un deuxième arrêté du même jour, le préfet a pris à son encontre une décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 12 mois. Par un jugement du 21 novembre 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés contestés. Le préfet de police relève appel de ce jugement. 
       Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
       2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ". Aux termes de l'article L. 531-1 de ce code : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne, en vigueur au 13 janvier 2009 (...) ".
       3. Il ressort des dispositions qui précèdent que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre, et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou du deuxième alinéa de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagé l'autre. Toutefois, si l'étranger demande à être éloigné vers l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de reconduire en priorité l'étranger vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat.
       4. La circonstance que M. F... disposait, à la date des arrêtés attaqués, d'un titre de séjour délivré par les autorités italiennes ne faisait pas obstacle à l'édiction d'une obligation de quitter le territoire français à son encontre mais était uniquement susceptible d'avoir une incidence sur la désignation du pays de renvoi. En tout état de cause, le préfet de police démontre avoir saisi les autorités italiennes d'une demande de réadmission le 4 novembre 2019. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a retenu le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de M. F... du fait de l'absence de mention quant à l'examen d'une possibilité de remise à l'Italie, pour annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai et celle fixant le pays vers lequel il sera éloigné, et pour annuler par voie de conséquence la décision portant interdiction de retour sur le territoire.
       5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. F... devant le tribunal administratif de Paris.
       Sur les moyens communs à l'ensemble des décisions :
       6. En premier lieu, par un arrêté n° 2019-00832 du 18 octobre 2019, publié au Bulletin municipal officiel de la ville de Paris le 25 octobre 2019, le préfet de police a donné délégation à M. A... D..., attaché d'administration et signataire de l'arrêté attaqué, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.
       7. En deuxième lieu, l'arrêté en litige vise les textes applicables, notamment le 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, et la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990, notamment ses articles 19, 20 et 21. Pour prononcer à son encontre l'obligation de quitter le territoire français, le préfet de police a indiqué que M. F... ne pouvait justifier être entré régulièrement sur le territoire, qu'il était actuellement dépourvu de titre de séjour en cours de validité et n'avait pas respecté les exigences de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. De plus, pour refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire à M. F..., le préfet de police a notamment retenu qu'il existait un risque que l'intéressé se soustraie à l'obligation de quitter le territoire dès lors qu'il n'a pas pu justifier être entré régulièrement en France ni avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour, et qu'il ne présentait pas de garanties suffisantes de représentation. Ainsi, l'arrêté comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et est suffisamment motivé.
       Sur les moyens relatifs à la décision portant obligation de quitter le territoire français :
       8. Il ressort des pièces du dossier que M. F..., interpellé le 19 octobre 2019 en situation irrégulière, a indiqué lors de son audition être en possession d'un titre de séjour délivré par les autorités italiennes et l'a produit le 31 octobre 2019. Toutefois, si dans sa requête M. F... déclare qu'il était en France depuis une dizaine de jours à la date de l'arrêté attaqué, travaillant et résidant en Italie, il ne l'établit pas par la production d'un billet d'avion en provenance de Rome et à destination de Paris qui n'indique aucune année de délivrance. Ainsi, M. F... n'établit pas être entré en France depuis moins de trois mois à la date de l'arrêté attaqué. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. F..., interpellé le 19 octobre 2019, a indiqué lors de son audition être en France et y travailler depuis 2009. En tout état de cause, la circonstance que M. F... ait été en possession d'un titre de séjour délivré par les autorités italiennes ne faisait pas obstacle à l'édiction d'une obligation de quitter le territoire français à son encontre mais était uniquement susceptible d'avoir une incidence sur la fixation du pays de renvoi. Dans ces conditions, doit être écarté le moyen tiré de l'erreur de droit qui entacherait la décision en litige au regard des dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
       Sur les moyens relatifs au refus de délai de départ volontaire :
       9. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre du requérant n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, l'exception d'illégalité de ladite décision ne peut être accueillie.
       10. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. ".
       11. Il ressort des pièces du dossier que M. F... a déclaré lors de son audition être hébergé chez un ami à titre gratuit. C'est par suite sans erreur que le préfet a estimé qu'il existait un risque que l'étranger se soustraie à l'obligation de quitter le territoire et a décidé de ne pas accorder de délai à M. F....
       Sur les moyens relatifs à la décision fixant le pays de destination :
       12. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre du requérant n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, l'exception d'illégalité de ladite décision ne peut être accueillie.
       Sur les moyens relatifs à la décision portant interdiction de retour :
       13. En premier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
       14. La décision prononçant l'interdiction de retour sur le territoire français à l'encontre de M. F... vise l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort également des termes de cette décision que le préfet de police a pris en compte, au vu de la situation de M. F..., l'ensemble des critères prévus par les dispositions précitées pour fixer la durée de l'interdiction de retour en relevant que l'intéressé alléguait être entré en France en 2009, qu'il ne justifiait pas de liens suffisamment anciens et caractérisés avec la France, qu'il n'avait pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et qu'il ne constituait pas une menace pour l'ordre public. Ainsi, la décision en litige, qui comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui la fonde, est suffisamment motivée. 
        15. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, et en particulier de la motivation de la décision contestée, que le préfet de police a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. F.... 
       16. En troisième lieu, le requérant n'établissant pas que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et lui refusant un délai de départ volontaire seraient illégales, l'exception d'illégalité de ces décisions soulevées à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an doit être écartée. 
       17. En dernier lieu, il résulte des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur depuis le 1er novembre 2016, que lorsque le préfet prend à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ volontaire, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. La durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au paragraphe III de l'article L. 511-1 précité, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
       18. Il ressort des termes de la décision litigieuse que, pour fixer à douze mois la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français notifiée à M. F..., le préfet de police s'est fondé sur la durée de présence sur le territoire et l'absence d'attaches familiales en France de l'intéressé qui, à la date de cette décision, était célibataire et sans enfant à charge en France. Le requérant n'établit l'existence d'aucune circonstance humanitaire qui aurait pu justifier que l'autorité administrative ne prononce pas à son encontre d'interdiction de retour sur le territoire français. Dans ces conditions, le préfet de police n'a pas commis d'erreur d'appréciation en fixant à douze mois la durée de cette interdiction. 
       19. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 30 octobre 2019 obligeant M. F... à quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination, ainsi que, par voie de conséquence, son arrêté du même jour portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1923414/8 du 21 novembre 2019 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande de M. F... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 6 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. C..., premier vice-président,
- M. Bernier, président-assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 3 novembre 2020.
Le rapporteur,
G. B...Le président,
M. C...
Le greffier,
A. DUCHER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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20PA00179