Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 14 février 2020, le 16 juin 2020, le 29 septembre 2020 et le 29 octobre 2020, la société Loxam, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1905469/3-3 du 18 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter les demandes de Mme B... devant le tribunal administratif de Paris.
3°) de mettre à la charge de cette dernière une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle justifie d'un intérêt à agir contre la décision administrative de l'inspectrice du travail et contre le jugement ;
- à titre principal, c'est à tort que le tribunal a jugé que Mme B... avait encore la qualité de salariée protégée ; en effet, la société Lavendon était dissoute ; le mandat de la salariée ne pouvait pas être prorogé par un engagement unilatéral de l'employeur ; sa participation avec voix consultative aux instances représentatives du personnel de la société Loxam ne faisait pas d'elle une salariée protégée ; l'inspectrice du travail a été saisie à tort d'une demande d'autorisation de licenciement et sa décision a présenté un caractère superfétatoire ;
- à titre subsidiaire, l'inspection du travail compétente est celle du siège social de la société, employeur de Mme B..., et non celle de l'établissement qui se trouve à Caudan, siège historique, désormais dépourvu de pouvoir décisionnel ;
- c'est à tort que le tribunal a jugé que le comité d'entreprise n'avait pas été consulté régulièrement dès lors que, même en l'absence de mentions dans un procès-verbal, ce dernier a été régulièrement convoqué puis consulté et mis en mesure de rendre son avis sur le licenciement envisagé, après communication des informations nécessaires ;
- enfin, l'employeur n'avait pas à écrire à la salariée pour lui indiquer les motifs qui s'opposaient à son reclassement avant de lancer la procédure de licenciement.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 avril 2020, 17 juillet 2020 et 15 octobre 2020, Mme B..., représentée par Me F... du cabinet DS avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que la société Loxam et l'Etat lui versent une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions à titre principal de la société Loxam sont irrecevables, faute d'intérêt à agir de cette dernière ;
- elle avait conservé son mandat jusqu'aux élections à venir, compte-tenu de l'accord de son nouvel employeur, quand bien même la société Lavendon avait-elle perdu son autonomie juridique ; une autorisation de licenciement était par conséquent nécessaire ;
- l'inspectrice du travail de Paris n'était pas territorialement compétente pour connaître de la demande d'autorisation de licenciement car elle travaillait en Gironde depuis 2005 ; à défaut, l'inspection du travail du Morbihan était compétente ;
- le comité d'entreprise, qui n'a pas été régulièrement consulté, n'a pas rendu d'avis ;
- son employeur ne lui a pas fait part des raisons qui rendaient impossible son reclassement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2020, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, conclut au rejet de la requête et s'en rapporte à ses écritures de première instance.
Par une ordonnance du 20 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au
10 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant la société Loxam.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... B... a été recrutée à compter du 1er août 2005 par la société Zooom ultérieurement reprise par la société Lavendon, en qualité de secrétaire achat. Elle y occupait en dernier lieu les fonctions de responsable maintenance et achat et avait la qualification d'agent de maîtrise. Au sein de la société Lavendon, elle était par ailleurs déléguée du personnel suppléante, membre du collège des agents de maîtrise et cadres de la délégation unique du personnel, et elle bénéficiait à ce titre de la qualité de salariée protégée. La société Lavandon a été dissoute après son rachat par la société Loxam le 31 mars 2018. Par un courrier du 17 décembre 2018, la société Loxam a sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de licencier Mme B... pour inaptitude. Par une décision du 22 janvier 2019, l'inspectrice du travail de l'unité territoriale de Paris a autorisé ce licenciement. La société Loxam relève régulièrement appel du jugement du
18 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par Mme B... :
2. Les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs ne peuvent tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué.
3. Le jugement du tribunal administratif de Paris du 18 décembre 2019 est défavorable à la société Loxam. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par Mme B... et tirée de l'absence d'intérêt à agir de cette société pour faire appel de ce jugement doit être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. L'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation, doit préalablement s'assurer de l'existence, à la date de l'engagement de la procédure, c'est-à-dire à la date d'envoi de la convocation préalable, d'une protection du salarié justifiant sa compétence pour statuer. La société Loxam soutient qu'à la date de l'engagement de la procédure Mme B... ne bénéficiait plus du statut protecteur attaché à cette qualité.
5. Aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. " et aux termes de l'article L. 2314-35 du même code : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur telle que mentionnée à l'article L. 1224-1, le mandat des membres élus de la délégation du personnel du comité social et économique et des représentants syndicaux de l'entreprise ayant fait l'objet de la modification subsiste lorsque cette entreprise conserve son autonomie juridique./ Si cette entreprise devient un établissement au sens du présent titre ou si la modification mentionnée au premier alinéa porte sur un ou plusieurs établissements distincts qui conservent ce caractère, le mandat des représentants syndicaux subsiste et le mandat des membres élus de la délégation du personnel du comité social et économique se poursuit jusqu'à son terme. / Toutefois, pour tenir compte de la date habituelle des élections dans l'entreprise d'accueil, la durée du mandat des membres élus peut être réduite ou prorogée par accord entre le nouvel employeur et les organisations syndicales représentatives existant dans le ou les établissements absorbés ou, à défaut, les membres de la délégation du personnel du comité social et économique intéressé ".
6. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur, le mandat des représentants du personnel subsiste lorsque cette entreprise conserve son autonomie juridique en devenant un établissement distinct du nouvel employeur et qu'il se poursuit alors jusqu'à son terme. En revanche, lorsque l'entreprise ou l'établissement perd son autonomie juridique, le mandat du salarié protégé dans son précédent emploi expire à la date d'effet de la reprise et le salarié n'est alors protégé en tant qu'ancien délégué syndical ou ancien membre du comité social et économique que pendant les six mois qui suivent le changement d'employeur, conformément aux dispositions de l'article L. 2411-5 du code du travail. Il n'en va autrement qu'en cas de prorogation du mandat par accord entre le nouvel employeur et les organisations syndicales représentatives existant dans le ou les établissements absorbés ou, à défaut, les membres de la délégation du personnel du comité social et économique intéressé.
7. Il est constant que la société Lavandon n'existait plus depuis le 31 mars 2018 et il ressort des pièces du dossier, et notamment des pièces relatives au licenciement qui émanent toutes du siège parisien que, ni l'ancienne entreprise Lavandon, ni l'unité située à Saint Jean d'Illiac au sein de laquelle Mme B... était affectée ne constituaient des établissements distincts de la société Loxam. Dans ces conditions et conformément aux dispositions précitées, seul un accord collectif conclu entre l'employeur et les instances syndicales représentatives dans les conditions précitées aurait pu prolonger le mandat détenu par Mme B... au-delà du délai de six mois prévus par l'article L. 2411-5 du code du travail. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, un tel accord ne pouvait pas résulter de la note adressée avant son absorption par le repreneur aux membres de la délégation unique du personnel de la société Lavendon, indiquant à ses membres que les mandats seraient conservés et que ces derniers pourraient assister, mais sans voix consultative, aux réunions à intervenir du comité d'entreprise de la société Loxam jusqu'à l'organisation des nouvelles élections.
8. Le mandat de déléguée du personnel suppléante au sein de la société Lavendon détenu par Mme B... avait donc pris fin le 31 mars 2018, date de l'acquisition-fusion et de la transmission universelle de patrimoine de cette société à la société Loxam, et la protection dont cette salariée bénéficiait conformément aux dispositions de l'article L. 2411-5 du code du travail avait expiré le 30 septembre 2018. Il en résulte que le 16 novembre 2018, date d'envoi de la convocation à l'entretien préalable à licenciement, Mme B... ne bénéficiait plus des protections attachées à la qualité de salariée protégée ou d'ancienne salariée protégée. L'administration, qui a donc été saisie à tort par l'employeur d'une demande d'autorisation de licenciement, aurait dû se déclarer incompétente. La demande dont a été saisi le tribunal administratif, qui tendait à l'annulation d'une décision superfétatoire, dépourvue d'effet sur l'ordonnancement juridique et insusceptible de recours, était par suite irrecevable.
9. Il résulte de ce qui précède que la société Loxam est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 22 janvier 2019 autorisant le licenciement de Mme B....
Sur les frais d'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Loxam, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme B... au titre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme que réclame à ce titre la société Loxam.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n°1905469/3-3 du 18 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à la société Loxam et à la ministre du travail de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience publique du 20 avril 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme A..., premier conseiller,
- Mme Mornet, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2021.
Le rapporteur,
M-D. A...Le président de la formation de jugement,
Ch. BERNIER
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
N° 08PA04258
2
N° 20PA00555