Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée à la cour administrative d'appel de Versailles
le 18 décembre 2020, transmise à la cour administrative de Paris par une ordonnance du président assesseur de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles
le 22 décembre 2020, et enregistrée le même jour par le greffe, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2008905 du 23 novembre 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 12 août 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été signée par une autorité incompétente ;
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle ne tient pas compte de sa situation personnelle ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le refus de lui accorder un délai de départ volontaire méconnait les dispositions de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant interdiction de retour méconnait les dispositions de l'article
L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale.
La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. G... B..., ressortissant tunisien né le 5 octobre 1998, a été interpellé le 12 août 2020 pour des faits de détention et usage de faux documents administratifs. Par un arrêté du même jour, le préfet de Seine-et-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a assorti cette mesure d'une interdiction de retour sur le territoire français dont la durée est fixée à un an par le dispositif de l'arrêté. M. B... relève appel du jugement du 23 novembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 2 de leur jugement.
3. En deuxième lieu, le préfet qui a visé les textes applicables, a relevé que M. B..., a présenté lors de son interpellation le 12 août 2020 de faux documents, qu'il a déclaré être entré en France depuis deux mois, exercer une activité professionnelle sans y être autorisé, être célibataire, sans enfant, sans domicile personnel et certain, et sans ressources légales. Le moyen tiré du caractère insuffisant de la motivation doit dès lors être écarté.
4. En troisième lieu, il ressort de la motivation de la décision contestée, analysée au point précédent, que le préfet, qui s'est fondé sur les déclarations faites par l'intéressé après son interpellation, s'est livré à un examen de la situation personnelle de M. B....
5. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Si M. B..., interpellé lors d'un contrôle routier et qui se prévalait d'une fausse identité, soutient avoir fixé le centre de ses intérêts personnels en France et y mener une vie stable depuis trois ans, il se borne cependant à produire un contrat à durée indéterminée signé le 9 janvier 2019, des bulletins de salaire de janvier à octobre 2019, son passeport tunisien et une attestation de renouvellement d'aide médicale de l'Etat en date du 8 juin 2020. Entré en France en 2017 selon ses déclarations, à l'âge de 19 ans, M. B..., qui n'a pas entamé de démarches pour régulariser son séjour, ne justifie pas de liens familiaux sur le territoire national, ne produit pas d'éléments sur les liens qu'il aurait pu y nouer et n'allègue pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit en conséquence être écarté.
En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :
7. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou s'il a fait usage d'un tel titre ou document ; / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4,
L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré irrégulièrement sur le territoire français, qui a présenté une carte d'identité bulgare portant le nom de E... C... lors de son interpellation par les services de police, ne justifie d'aucune résidence effective et stable en France et ne présente pas de garanties de représentation suffisantes. Par suite, le préfet a pu légalement ne pas assortir l'obligation de quitter le territoire français d'un délai de départ volontaire en application des dispositions des a), e) et f) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne l'interdiction de retour :
9. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
10. Pour les motifs énoncés, notamment, au point 6 et M. B... ne justifiant d'aucune circonstance humanitaire susceptible de faire obstacle à la mesure, la durée d'un an de l'interdiction de retour n'est pas contraire aux dispositions invoquées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. Il ne ressort pas davantage des circonstances de fait avancées par l'intéressé, ainsi qu'il a dit au point 6, que cette décision porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à ce que soient mis à la charge de l'Etat les frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée pour information au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience publique du 20 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. F..., président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme D..., premier conseiller,
- Mme Mornet, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2021.
Le rapporteur,
M-D. D... Le président de la formation de jugement,
Ch. F... Le rapporteur,
Ch. F...Le président,
M. F...
Le greffier,
E. MOULIN
Le greffier,
A. DUCHER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N°20PA04135