Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 octobre 2014, la société Air Caraïbes Atlantique, représentée par la SELARL Halkem, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 20 août 2014 ;
2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens de première instance.
Elle soutient que :
- la motivation de la décision du ministre du travail est insuffisante ;
- l'insuffisance professionnelle ainsi que les manquements fautifs de Mme B...dans l'exercice de ses fonctions sont établis ;
- l'ensemble des agissements qui lui sont reprochés constituent une faute d'une gravité suffisante justifiant son licenciement.
Par un mémoire en défense, enregistré les 13 et 14 janvier 2015, Mme B...conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Air Caraïbes Atlantique au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du ministre du travail est suffisamment motivée ;
- cette décision n'est entachée d'aucune erreur de fait, ses insuffisances professionnelles alléguées de même que ses prétendus agissements fautifs ne sont pas établis ;
- la procédure préalable à la demande de licenciement est irrégulière.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le décret n° 2006-1033 du 22 août 2006 modifié relatif à la création de la direction générale du travail au ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement ;
- l'arrêté du 22 août 2006 relatif à l'organisation de la direction générale du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena, rapporteur,
- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., pour la société Air Caraïbes Atlantique, et de Me C..., pour MmeB....
1. Considérant que Mme B...a été recrutée le 2 février 2004 par la société Air Caraïbes Atlantique en qualité de " superviseuse escale ", puis en tant qu'assistante de gestion à partir du 1er août 2007, enfin en tant qu'assistante du directeur des opérations au sol à compter du 17 mai 2010 ; que, par ailleurs, elle a été désignée déléguée syndicale CFTC au sein de la compagnie le 21 mars 2011 et renouvelée dans ces fonctions le 26 mars 2012 ; que la société Air Caraïbes Atlantique a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de la licencier pour insuffisance professionnelle et pour faute ; que, par une décision du 12 juillet 2011, l'inspectrice du travail a accordé cette autorisation ; que saisi d'un recours hiérarchique, le ministre chargé du travail a, par décision du 7 février 2012, annulé la décision de l'inspectrice du travail et refusé d'autoriser le licenciement de MmeB... ; que, par la présente requête, la société Air Caraïbes Atlantique demande l'annulation du jugement du 20 août 2014 par lequel par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 février 2012 ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. Considérant que la décision en litige, qui précise les éléments de droit sur lesquels elle se fonde, indique de manière précise et circonstanciée les raisons pour lesquelles l'administration a considéré que les faits reprochés à Mme B...n'étaient pas suffisamment établis pour constituer une insuffisance professionnelle ni suffisamment graves pour justifier une sanction ; que le moyen tiré de ce que cette décision ne serait pas suffisamment motivée en fait au sens de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne la légalité interne :
3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; que, si la demande de licenciement est motivée par une insuffisance professionnelle, il appartient à ces mêmes autorités, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si ladite insuffisance est telle qu'elle justifie le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont le salarié est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise ;
S'agissant du motif lié à l'insuffisance professionnelle :
4. Considérant qu'à l'appui de sa demande autorisant à licencier MmeB..., la société Air Caraïbes Atlantique a notamment invoqué à l'encontre de cette salariée plusieurs griefs constitutifs selon elle d'insuffisance professionnelle, tenant à un retard dans le suivi des caisses WFS et dans l'élaboration des plannings d'escale, à une absence de suivi de certains dossiers relatifs à des commandes de talkies-walkies, des devis de réparation pour voitures de société, à des émissions de billets pour les agents de sûreté et pour la société Langley Travek, ainsi qu'une absence récurrente à certaines réunions ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'en considérant que les reproches liés aux erreurs ou retards commis dans l'élaboration des plannings et dans le suivi de certains dossiers n'étaient pas établis, le ministre du travail n'a pas, au vu des pièces du dossier, entaché sa décision d'erreur de fait ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que s'il ressort effectivement des pièces du dossier que Mme B... n'a pas été présente, à partir du deuxième trimestre de l'année 2011, à l'ensemble des réunions d'aéroport de Paris relative aux passagers handicapés à mobilité réduite ou à celles se tenant à l'agence commerciale de la compagnie, non seulement, rien ne prouve que sa présence y était obligatoire voire indispensable, mais il n'est pas davantage établi que ce comportement ait fait l'objet de remontrances particulières ou de rappels à l'ordre de la part de sa hiérarchie ;
7. Considérant, en troisième lieu, que s'il est reproché à MmeB..., dans le cadre de ses fonctions d'assistante du directeur des opérations au sol, de n'avoir pas toujours respecté les délais requis en matière de suivi des ventes de billets et excédants de bagages opérés par la société WFS (World Wide Flight Services), sous-traitant de l'entreprise Air Caraïbes Atlantique, l'appelante elle-même ne conteste pas que lesdits retards étaient dus, pour partie au moins, au sous-traitant lui-même qui était chargé lors de chaque vol de procéder à l'enregistrement des passagers et des bagages ;
S'agissant du motif tiré des agissements fautifs :
8. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, la demande de licenciement de la société Air Caraïbes Atlantique en date du 21 avril 2011 se fonde également sur des faits fautifs au nombre desquels, une erreur constatée dans l'affectation des banques d'enregistrement le 10 février 2011, un refus d'appliquer les règles de prises de congés, un abandon de poste d'une durée d'une heure et trente minutes le 17 mars 2011, une tenue vestimentaire peu adéquate avec sa fonction et l'achat d'un téléphone portable avec les points de fidélité de la société ;
9. Considérant, d'une part, que l'attestation produite par la compagnie aérienne pour attester de l'erreur qu'aurait commise Mme B...le 10 février 2011 et qui aurait été la cause d'un engorgement de passagers et d'une inactivité des équipes WFS présentées sur la plate-forme d'Orly n'est pas suffisamment circonstanciée ; que s'il est également reproché à la salariée d'avoir, à plusieurs reprises, pris ses congés sans préavis, les documents produits qui n'attestent que de prises de journées isolées ne sont pas de nature à établir l'importante désorganisation au sein de la compagnie telle qu'alléguée par la compagnie ; que les griefs liés à l'abandon de poste d'une très courte durée et à la tenue vestimentaire inadéquate ne sont pas davantage avérés par les pièces du dossier ;
10. Considérant, d'autre part, que la société Air Caraïbes Atlantique a souscrit des abonnements Orange pour ses salariés qui, à l'instar de MmeB..., disposent d'un téléphone portable professionnel ; que s'il est constant qu'ayant souhaité changer de modèle à la fin de l'année 2011, Mme B...a omis d'en aviser au préalable sa hiérarchie afin d'en obtenir l'autorisation, il ressort néanmoins des dires mêmes de l'assistante de direction/communication de la compagnie aérienne ainsi que de l'attestation de son directeur administratif et financier datée du 2 octobre 2011, d'une part que " la procédure de commande de téléphones portables devait être améliorée ", d'autre part, que l'intéressée avait convenu qu'elle prendrait à sa charge le coût de l'appareil et que la société restait propriétaire de la ligne ; que ces faits, et alors que l'appareil a été restitué quelques jours plus tard, ne peuvent être regardés, ainsi que l'a à juste titre estimé le ministre du travail, comme constituant une faute d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Air Caraïbes Atlantique n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;
Sur les dépens :
12. Considérant que la présente instance ne comporte aucun dépens ; que, dès lors, les conclusions de l'appelante relatives aux dépens ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeB..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Air Caraïbes Atlantique demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Air Caraïbes Atlantique une somme de 2 000 euros à verser à Mme B...au titre de ces mêmes frais ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Air Caraïbes Atlantique est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par Mme B...au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La société Air Caraïbes Atlantique versera à Mme B...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Air Caraïbes Atlantique, à Mme A...B...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- Mme Julliard, premier conseiller
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 8 décembre 2016.
Le rapporteur,
E. PENALe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
E. MOULIN La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 14PA04201