Par un jugement n°2009868/2-1 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de police de délivrer un titre de séjour à M. C....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 janvier 2021 et 29 janvier 2021, le préfet de police demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée M. C... devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que M. C... ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement au Mali ; les collyres sont disponibles au Mali et ce pays dispose des structures médicales et de spécialistes à même d'offrir des soins et un suivi équivalents à ceux dont il bénéficie en France ;
- s'agissant des autres moyens soulevés, il s'en remet à ses écritures de première instance.
La requête a été communiquée à M. C..., qui n'a pas présenté de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 27 décembre2016, relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R.313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant malien né le 8 mars 1984, est arrivé en France le 10 septembre 2010 selon ses déclarations. Le 9 avril 2019, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 25 juin 2019, le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Il relève appel du jugement du 15 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Pour refuser à M. C... le renouvellement du titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police s'est fondé sur l'avis du collège de médecins du 25 avril 2019 qui a indiqué que, si l'état de santé de M. C... nécessitait une prise en charge médicale et que le défaut de celle-ci pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, M. C..., " eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, (...) [pouvait] y bénéficier d'un traitement approprié et que [son] état de santé (...) [pouvait] lui permettre de voyager sans risque vers [son] pays d'origine. ". Pour contredire cet avis, M. C... soutenait en première instance qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, les médicaments dont est composé son traitement n'y étant pas disponibles. En appel, le préfet de police établit que les trois collyres prescrits à M. C... pour le traitement de son glaucome, l'Alphagan, le Flucon et le Vismed, figurent sur la nomenclature nationale des médicaments autorisés au Mali en 2019, ce dont il se déduit qu'ils y sont disponibles. Ainsi, en refusant de renouveler le titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police n'a pas méconnu ces dispositions.
3. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Paris.
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par Mme A..., attachée d'administration de l'État, qui disposait d'une délégation de signature à cet effet, accordée par un arrêté n° 2019-00368 du 18 avril 2019 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris. Contrairement à ce que soutient le requérant, cet arrêté fixe avec une précision suffisante l'objet et l'étendue des compétences déléguées.
5. En deuxième lieu, M. C... soutient, par voie d'exception, que l'arrêté de délégation de signature du 18 avril 2019 méconnaît les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, aux termes desquelles " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ", dès lors que celui-ci ne comporte pas la signature manuscrite du préfet de police. Toutefois, cet acte réglementaire a été publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris le 18 avril 2019. Le délai de recours contentieux de deux mois contre cet arrêté étant expiré, M. C... ne peut plus utilement invoquer le moyen tiré d'un vice de forme, qui doit être par suite écarté comme inopérant.
6. En troisième lieu, aux termes respectivement des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " et " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
7. M. C... soutient que l'arrêté attaqué serait entaché d'un défaut de motivation dès lors que le préfet de police a fait usage de formules stéréotypées. Toutefois, l'arrêté du 25 juin 2019 comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ainsi, le préfet vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont son article L. 511-1. Il motive le refus de renouvellement de titre de séjour en reprenant à son compte l'avis du collège des médecins et en en déduisant que l'intéressé " ne remplit pas les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 313-11 11° ", il fait état de l'ancienneté du séjour de M. C... sur le territoire français, de sa situation personnelle en France et de la présence de son enfant au Mali. Si le préfet de police s'est ainsi approprié l'avis du collège des médecins, il ne ressort pas d'une telle motivation que le préfet, qui a examiné l'ensemble de la situation personnelle de l'intéressé, se serait cru lié par cet avis.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ".
9. Si l'avis du collège de médecins du 25 avril 2019 ne mentionne pas le nom de l'auteur du rapport médical, il ressort du bordereau de transmission signé par le directeur de l'OFII, que ce rapport a été établi le 14 décembre 2018 par le docteur Caroline Corriet Haddad et que ce médecin n'a pas siégé au sein du collège, composé des docteurs Pascale Delprat-Chatton, Edith Levy-Attias et Isabelle Gadenne.
10. En cinquième lieu, si M. C... soutient que cet avis doit comporter les signatures des médecins ayant siégé au sein du collège de l'OFII, il ressort des pièces du dossier que les noms de ces trois médecins sont mentionnés de façon lisible et qu'ils peuvent ainsi être identifiés.
11. En sixième lieu, si l'intéressé soutient que l'arrêté attaqué serait irrégulier dès lors que l'avis médical du collège de médecins de l'OFII ne lui avait pas été communiqué, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'autorité préfectorale de joindre à une décision de refus de titre sollicité en qualité d'étranger malade l'avis émis par le collège de médecins. Au demeurant, l'administration a produit en première instance une copie de cet avis, communiquée au requérant qui a pu utilement le critiquer dans le cadre de la procédure contradictoire.
12. En septième lieu, il résulte de l'article 6 de l'arrêté susvisé du 27 décembre 2016 que l'avis est émis par le collège de médecins à l'issue d'une délibération pouvant prendre la forme soit d'une réunion, soit d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. M. C... allègue que l'avis émis le 25 avril 2019 n'aurait pas été émis collégialement. Toutefois, dès lors que l'avis, émanant des trois praticiens qui composent le collège, porte comme en l'espèce, sous la responsabilité de ce collège, la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", cette mention fait foi jusqu'à preuve du contraire, laquelle n'est pas rapportée par l'intéressé.
13. En huitième lieu, l'avis du collège des médecins de l'OFII, produit en première instance par le préfet de police, comporte l'ensemble des mentions prévues par les dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 et il porte le nom des trois médecins composant le collège. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure au regard de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 doit être écarté.
14. En neuvième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ... ".
15. Il est constant que M. C... est célibataire, sans charge de famille en France et qu'il dispose d'attaches dans son pays d'origine où résident son enfant mineur et ses deux frères et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-six ans. Si M. C... justifie de sa présence en France depuis septembre 2010, les éléments qu'il fournit, surtout constitués d'ordonnances, de résultats d'analyses médicales et de documents bancaires et administratifs, ne permettent pas d'apprécier son insertion dans la société française, ses conditions d'existence et l'intensité des liens qu'il a pu nouer sur le territoire. Dans ces conditions, en dépit de la durée de son séjour, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.
16. En dixième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 2 et 15 du présent arrêt, le préfet de police ne s'est pas manifestement mépris sur la gravité des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. C....
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
17. En premier lieu, les conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de renouvellement de titre de séjour ayant été rejetés, M. C... ne peut se prévaloir de l'illégalité de cette décision pour demander l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
18. En deuxième lieu, si M. C... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, les critiques qu'il porte contre l'avis médical et la procédure qui a conduit au refus de titre de séjour ont été écartées par le présent arrêt.
19. En troisième lieu, si M. C... invoque l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes duquel : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ", ce moyen doit être écarté par les mêmes motifs que ceux exposés au point 2 du présent arrêt.
20. Enfin, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés par les motifs figurant aux points 15 et 16 du présent arrêt.
Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ :
21. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) ".
22. Le préfet de police a octroyé un délai de trente jours à M. C... pour quitter le territoire français. En dehors d'une demande expresse de l'étranger, les dispositions précitées n'imposent pas au préfet de motiver spécifiquement cette décision. Le requérant ne faisant valoir aucune circonstance particulière, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
23. Ni la décision portant refus de titre de séjour, ni l'obligation de quitter le territoire français n'étant entachées des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'illégalité de ces décisions, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination, doit être écarté.
24. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 25 juin 2019.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2009868/2-1 du 15 décembre 2020 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de police.
Délibéré après l'audience publique du 18 mai 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Jayer, premier conseiller,
- Mme B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2021.
Le rapporteur,
G. B...Le président de la formation de jugement,
Ch. BERNIER
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA00203