Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2020, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 juin 2019 du préfet du Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en lieu et place de l'aide juridictionnelle.
Mme A... soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît le 9° de l'article L. 313-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté contesté méconnaît également le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour en application de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ne respecte pas les critères limitativement énumérés par les textes et est ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées par courrier du 25 mars 2021 que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office tirés, d'une part, de la substitution, comme base légale de la décision du 24 juin 2019 portant obligation de quitter le territoire français, du 1° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au I de l'article L. 511-1 du même code retenu par le préfet du Rhône, et d'autre part, de la méconnaissance du champ d'application de la loi par le préfet du Rhône qui a pris à l'encontre de Mme A... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an sur le fondement du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que l'intéressée est membre de la famille d'un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 5 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne C-413/99 du 17 septembre 2002, C-200/02 du 19 octobre 2004, C-34/09 du 8 mars 2011, C-86/12 du 10 octobre 2013 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2010-659 du 28 mai 2010 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme D..., première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... A..., ressortissante de la République démocratique du Congo née en 1986, qui a vécu en Espagne à compter de 2008, est, selon ses déclarations, entrée en France le 30 novembre 2014, accompagnée de son fils mineur né le 30 août 2011, de nationalité espagnole. Sa demande d'asile, présentée sous l'identité de Mme F..., a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 juin 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 3 février 2016. En conséquence, par un arrêté du 21 mars 2016, dont la légalité a été confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 11 janvier 2018, le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Puis par un arrêté du 4 mai 2017, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 décembre 2017, le préfet du Rhône a rejeté la demande de l'intéressée présentée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a assorti sa décision d'une nouvelle obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Le 12 décembre 2018, Mme A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10, du 7° de l'article L. 313-11, de l'article L. 313-14 et du 9° de l'article L. 313-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 24 juin 2019, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Mme A... relève appel du jugement du 9 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, selon l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée - UE définie par les dispositions communautaires applicables en cette matière et accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille ainsi que d'une assurance maladie obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France et sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée : (...) 4° Une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent " s'il remplit les conditions définies au 9° du même article L. 313-20 (...) ". Aux termes de l'article L. 313-20 de ce code : " La carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent ", d'une durée maximale de quatre ans, est délivrée, dès sa première admission au séjour : (...) 9° A l'étranger qui exerce la profession d'artiste-interprète, définie à l'article L. 212-1 du code de la propriété intellectuelle, ou qui est auteur d'une oeuvre littéraire ou artistique mentionnée à l'article L. 112-2 du même code. Lorsqu'il exerce une activité salariée, la durée minimale, exigée pour la délivrance du titre, des contrats d'engagement conclus avec une entreprise ou un établissement dont l'activité principale comporte la création ou l'exploitation d'une oeuvre de l'esprit est fixée par voie réglementaire (...) ". Aux termes de l'article L. 313-2 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23, L. 313-24, L. 313-27 et L. 313-29 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. "
3. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un étranger, titulaire d'une carte de résident de longue durée-UE accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne et justifiant de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille ainsi que d'une assurance maladie, sollicite, dans les trois mois qui suivent son entrée en France, la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent " sur le fondement du 9° de l'article L. 313-20 précité, le préfet ne peut exiger du demandeur la production d'un visa de longue durée.
4. Si Mme A... se prévaut du permis de résidence de longue durée valable jusqu'en avril 2021 qui lui a été délivré par les autorités espagnoles, cette autorisation de séjour est distincte de la carte de résident de longue durée-UE visée par les dispositions précitées de l'article L. 313-4-1. Par suite, Mme A... n'était pas dispensée de présenter, à l'appui de sa demande de délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle sur le fondement du 9° de l'article L. 313-20, un visa de long séjour. Il est constant qu'elle n'était pas en possession d'un tel visa. Le préfet du Rhône pouvait donc légalement, pour ce seul motif, refuser à Mme A... la délivrance de ce titre de séjour sans que cette dernière puisse utilement soutenir qu'elle justifie d'une activité d'artiste-interprète nécessitant sa présence en France pour une durée supérieure à trois mois.
5. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un Etat membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. / 2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres : / a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres (...) Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci. " Aux termes de l'article 7 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, intitulé " Droit de séjour de plus de trois mois " : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de séjourner sur le territoire d'un autre Etat membre pour une durée de plus de trois mois : (...) b) s'il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'Etat membre d'accueil au cours de son séjour, et d'une assurance maladie complète dans l'Etat membre d'accueil ; (...) 2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1er s'étend aux membres de la famille n'ayant pas la nationalité d'un Etat membre lorsqu'ils accompagnent ou rejoignent dans l'Etat membre d'accueil le citoyen de l'Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c) (...) ".
6. Ces dispositions combinées, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans les arrêts visés ci-dessus, confèrent au ressortissant mineur d'un Etat membre, en sa qualité de citoyen de l'Union, ainsi que, par voie de conséquence, au ressortissant d'un Etat tiers, parent de ce mineur et qui en assume la charge, un droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil à la double condition que cet enfant soit couvert par une assurance maladie appropriée et que le parent qui en assume la charge dispose de ressources suffisantes. L'Etat membre d'accueil, qui doit assurer aux citoyens de l'Union la jouissance effective des droits que leur confère ce statut, ne peut refuser à l'enfant mineur, citoyen de l'Union, et à son parent, le droit de séjourner sur son territoire que si l'une au moins de ces deux conditions, dont le respect permet d'éviter que les intéressés ne deviennent une charge déraisonnable pour ses finances publiques, n'est pas remplie.
7. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / 3° S'il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantit disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 5° afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; / 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt-et-un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; / 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3°. " Aux termes de l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. / S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou d'au moins seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union dans la limite de cinq années, porte la mention : " carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union ". Sauf application des mesures transitoires prévues par le traité d'adhésion à l'Union européenne de l'Etat dont il est ressortissant, cette carte donne à son titulaire le droit d'exercer une activité professionnelle. "
8. Si Mme A... réside en France avec son fils mineur, de nationalité espagnole, exerce une activité de chanteuse et produit une promesse d'embauche en qualité d'aide-ménagère, il ne ressort pas des pièces du dossier que son enfant disposerait par lui-même, ou par l'intermédiaire de son père ou de sa mère, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale français. Il est au demeurant constant que Mme A... est titulaire d'un titre de séjour, délivré par les autorités espagnoles, de sorte que le refus de titre de séjour opposé par le préfet du Rhône n'a pas pour effet de priver son enfant de la jouissance effective des droits que lui confère son statut de citoyen de l'Union. Les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent donc être écartés.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
10. Mme A... fait valoir qu'elle vit en France depuis près de cinq ans à la date de la décision contestée, avec son fils, de nationalité espagnole, scolarisé sur le territoire national et qu'elle y est parfaitement intégrée. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, que Mme A... s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français après deux refus de titre de séjour assortis de mesures d'éloignement. Elle est par ailleurs légalement admissible en Espagne où elle est titulaire d'un titre de séjour en cours de validité et n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident des membres de sa famille et en particulier ses deux autres enfants mineurs. Dès lors, la décision contestée n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Le préfet du Rhône n'a ainsi, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
11. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) ". Aux termes de l'article L. 511-3-1 du même code : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 (...) ".
12. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce nouveau fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée.
13. Il est constant que Mme A..., ressortissante de la République démocratique du Congo, est mère d'un enfant de nationalité espagnole et que, pour ce motif, les dispositions précitées du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne trouvent pas à s'appliquer à sa situation. Dès lors, ainsi qu'il a été dit au point 8 du présent arrêt, que son enfant ne dispose pas par lui-même, ou par l'intermédiaire de son père ou de sa mère, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale français, il y a lieu d'y substituer les dispositions du 1° de l'article L. 511-3-1 du même code, pour l'application desquelles le préfet dispose du même pouvoir d'appréciation et ce alors que cette substitution de base légale n'a pas pour effet de priver Mme A... d'aucune des garanties offertes par la loi.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
14. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1 (...) III. _ L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...) ". Aux termes de l'article L. 511-3-2 du même code : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français prononcée en application des 2° et 3° de l'article L. 511-3-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans (...) ".
15. Ainsi qu'il déjà été dit, il est constant que Mme A... est mère d'un enfant mineur, ressortissant espagnol, citoyen de l'Union européenne. Le préfet du Rhône a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français sur le fondement du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lequel n'est pas applicable aux membres de la famille d'un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, au nombre desquels se trouve l'appelante, qui relevait ainsi des dispositions de l'article L. 511-3-2 du même code relatives à l'interdiction de circulation sur le territoire français. Par suite, le préfet du Rhône a méconnu le champ d'application des dispositions de l'article L. 511-1 de ce code.
16. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen invoqué par l'appelante, que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en tant qu'elle était dirigée contre la décision du préfet du Rhône du 24 juin 2019 portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Sur les autres conclusions :
17. En premier lieu, l'annulation prononcée par le présent arrêt, n'implique pas qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme A... tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour. Les conclusions présentées en ce sens par l'appelante doivent donc être rejetées.
18. En second lieu, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté du préfet du Rhône du 24 juin 2019 est annulé en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Article 2 : Le jugement n° 1907995 du 9 juin 2020 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2021 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2021.
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N° 20LY02707
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