Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 24 juin 2020, M. A... D..., représenté par la SELARL Piriou Quinquis Bambridge Babin, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 24 mars 2020 ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le président de la Polynésie française et le maire de la commune de Punaauia ont refusé d'abroger l'arrêté n° 345 CM du 24 mars 2017 rendant exécutoire le plan général d'aménagement révisé de la commune de Punaauia, en tant que ce plan crée un emplacement réservé pour une voirie traversant la parcelle cadastrée M 604 ;
3°) d'enjoindre à la Polynésie française et à la commune de Punaauia de procéder à l'abrogation sollicitée sous astreinte de 100 000 F CFP par jour de retard à compter du jugement à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la Polynésie française et de la commune de Punaauia la somme de 300 000 F CFP sur le fondement de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le plan général d'aménagement ne comporte pas de documents graphiques précisant le zonage en méconnaissance de l'article D.111-4 du code de l'aménagement ;
- à supposer que les documents graphiques soient consultables au service de l'urbanisme, ils n'ont pas été publiés et ne lui sont pas dès lors opposables ;
- ce défaut de publication entache la légalité de l'arrêté ;
- le projet de voie est dépourvu d'utilité publique car le quartier résidentiel est suffisamment desservi par les voies existantes ;
- la réserve ainsi créée porte atteinte disproportionnée à son droit de propriété en rendant sa parcelle inconstructible ;
- il n'a pas été consulté, ses protestations n'ont pas été examinées et l'organisation d'une enquête publique est à cet égard insuffisante.
Par un mémoire enregistré le 16 décembre 2020, la Polynésie française, représentée par la SELARL Groupavocats conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du requérant la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code de l'aménagement de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Péna, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le plan général d'aménagement révisé de la commune de Punaauia, rendu exécutoire par l'arrêté n° 345 CM du 24 mars 2017, a créé un emplacement réservé pour une voie de circulation sur la parcelle cadastrée M 604 dont M. D... est propriétaire. La demande de
M D... en date du 9 mai 2019 tendant à ce que le président de la Polynésie française et le maire de la commune de Punaauia abrogent cet arrêté en tant qu'il réserve cet emplacement sur son terrain, devenu inconstructible, a été implicitement rejetée. M. D... relève appel du jugement du 24 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions implicites de rejet.
Sur la légalité externe :
2. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa du paragraphe 3 de l'article D. 113-2 du code de l'aménagement de la Polynésie française : " Dès que le plan est rendu exécutoire, l'administration communale en assure la publicité par tous moyens adéquats, afin que le public soit informé de ces dispositions ".
3. Les conditions de publication d'un acte administratif sont sans influence sur sa légalité. Le moyen tiré de ce que les plans de zonage et les plans d'emprise du plan général d'aménagement de la commune de Punaauia n'ont pas été publiés au Journal Officiel de la Polynésie française ne peut dès lors être utilement invoqué pour demander l'annulation du refus d'abroger l'arrêté qui a rendu le plan exécutoire. En tout état de cause, la mise à disposition du public de ces plans au service de l'urbanisme de Papeete et à la mairie de Punaauia constitue l'une des modalités de publicité que rend possible l'article D. 113-2 du code de l'aménagement de la Polynésie française. Cette mise à disposition des documents à la mairie, à deux kilomètres du domicile du requérant, les rend aisément consultables par toutes les personnes susceptibles d'avoir un intérêt leur donnant qualité pour contester la décision.
4. En second lieu, si, dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger un acte réglementaire, la légalité des règles fixées par celui-ci, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.
5. Il en résulte que les moyens tirés de ce que M. D... n'aurait pas été personnellement informé au cours de l'élaboration du plan de ce que le caractère constructible de sa propriété pourrait être affecté, de ce qu'il n'aurait pas été invité à présenter des observations à ce sujet, de ce que l'enquête publique aurait été insuffisante pour lui permettre d'exposer son point de vue, et de ce que le rapport de présentation et le règlement ne motiveraient pas spécifiquement les règles qui s'imposent à sa parcelle sont inopérants.
Sur la légalité interne :
6. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article D. 111-4 du code de l'aménagement : " Le plan général d'aménagement dit P.G.A. précise les éléments nécessaires au développement d'une entité territoriale. Il se compose de documents graphiques et d'un règlement. Il est accompagné d'un rapport justificatif ".
7. Il ressort des pièces du dossier que sont annexés à l'arrêté n°345/CM du 24 mars 2017, publié au Journal Officiel de la Polynésie française du 20 avril 2017, le rapport justificatif et le règlement dans leur intégralité, ces textes étant de surcroit accessibles par mise en ligne sur le site Lexpol, et il n'est pas contesté que l'ensemble des pièces annexes, consultables, notamment au service de l'urbanisme, existent. Le moyen tiré de ce que plan général d'aménagement de la commune de Punaauia aurait été incomplet manque en fait.
8. En quatrième lieu, pour justifier l'existence d'un emplacement réservé au passage d'une voie publique sur la propriété de M. D..., la Polynésie française fait valoir que la parcelle se situe dans la zone UBb, correspondant aux secteurs d'extension de Punaval et Tamanu, Pointe des pêcheurs, qui regroupe des tissus de densité moyenne amenés à se renforcer aux abords des équipements collectifs et des programmes de logement collectifs, caractéristiques de ces quartiers apparus récemment à l'appui du centre ancien. Si, pour contester cet emplacement réservé, M. D... fait valoir que le quartier ne connait aucun problème d'accessibilité et qu'il n'existe ni parcelle enclavée ni circulation excessive, cette critique, qui s'appuie sur la situation existante sans tenir compte des perspectives de développement et d'urbanisation du secteur, présente un caractère d'extrême généralité. En l'état du dossier, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.
9. En cinquième lieu, aux termes du troisième alinéa de l'article L. 113-9 du code de l'aménagement : " Le propriétaire d'un terrain réservé peut demander à la collectivité ou à l'établissement public, pour qui ce terrain a été réservé, de procéder à l'acquisition dudit terrain avant l'expiration d'un délai de trois ans à compter du jour de sa demande, prorogé éventuellement d'un an ".
10. Si M. D... soutient que l'institution d'un emplacement réservé sur sa parcelle, en ce qu'elle porte une atteinte disproportionnée à son droit de propriété, entache d'illégalité dans cette mesure le plan général d'aménagement, ce moyen ne saurait prospérer dès lors, d'une part que l'existence de cet emplacement réservé, qui répond à un intérêt public, n'est pas entachée en l'espèce d'une erreur manifeste d'appréciation, et d'autre part, que le requérant peut exercer le droit de délaissement prévu par l'article LP. 113-9 du code de l'aménagement de la Polynésie française, en exigeant de la collectivité publique au bénéfice de laquelle le terrain a été réservé qu'elle procède à l'acquisition de ce bien, ou qu'à défaut elle lui restitue la disposition de sa propriété. La circonstance, à la supposer établie, que la parcelle du requérant risque d'être divisée et que cette décision lui cause un préjudice, est sans incidence sur sa légalité.
11. L'institution d'un emplacement réservé sur la parcelle du requérant n'étant pas entachée d'illégalité, la circonstance que la commission d'équipement et de développement communal n'aurait pas examiné sa demande d'abrogation est indifférente.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. Ses conclusions d'annulation étant rejetées, ses conclusions aux fins d'injonction doivent l'être par voie de conséquence.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
13. La Polynésie française n'étant pas la partie qui succombe, les conclusions de
M. D... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M. D... la somme de 1 500 euros à verser à ce titre à la Polynésie française.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : M. D... versera à la Polynésie française la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à la Polynésie française et à la commune de Punaauia.
Délibéré après l'audience du 2 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. C..., premier vice-président,
- M. B..., président-assesseur,
- Mme Jayer, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2021.
Le rapporteur,
Ch. B...Le président,
M. C...
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre des outre-mer et au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 20PA01517