Par jugement n°1822841/3-2 du 26 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces, enregistrées les 22 juillet et 16 novembre 2020, la société Azdou, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1822841/3-2 du 26 juin 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 30 août 2018 en tant qu'elle concerne uniquement M. A... E... par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la part de contribution spéciale le concernant d'un montant global de 14 280 euros, ainsi que la part de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement le concernant d'un montant global de 4 248 euros, et d'annuler également dans cette mesure la décision du 18 octobre 2018 par laquelle cet office a rejeté le recours gracieux formé contre cette décision ;
3°) de réduire le montant de la contribution spéciale à la somme de 3 570 euros et de la contribution forfaitaire à 2 124 euros ;
4°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la contribution spéciale est infondée concernant M. A... E..., salarié de nationalité marocaine, dès lors qu'elle n'était pas en mesure de savoir que la carte d'identité portugaise et l'attestation de droits à l'assurance maladie, qui lui ont été présentées à l'embauche, revêtaient un caractère frauduleux alors que la caisse primaire d'assurance maladie a également pris en compte sa carte d'identité portugaise qui ne peut donc pas être regardée comme un faux grossier et que son attestation de droits à l'assurance maladie était authentique ;
- dès lors qu'elle s'est acquittée des sommes dues à M. A... E... et à Mme G... D... en application des dispositions des articles L. 8252-2 et R. 8252-6 du code du travail, elle aurait dû être exonérée du versement de la contribution spéciale ou, à supposer qu'elle devait être sanctionnée, le taux de 3,57 euros prévu par l'article L. 3231-12 du code du travail n'aurait pas dû être multiplié par 2 000 mais par 1 000 dès lors qu'elle a été victime de l'infraction commise par M. E... et qu'elle ne saurait être considérée comme ayant employé deux salariés dépourvus d'autorisation de travail, les formalités requises concernant M. E... ayant été réalisées ;
- la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de M. E... ne peut lui être infligée dès lors qu'elle a réalisé l'ensemble des formalités préalables à son embauche.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2020, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par son directeur général, représenté par Me H..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Azdou le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 15 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 novembre 2020 à midi.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- et les observations de Me B... substituant Me C..., avocat de la société Azdou.
Considérant ce qui suit :
1. Lors d'un contrôle effectué le 13 février 2018 dans l'établissement " Boulangerie Stendhal " exploité par la société Azdou, située au 1, villa Stendhal dans le 20e arrondissement de Paris, les services de police ont constaté la présence, en situation de travail, de M. A... E..., de nationalité marocaine, et de Mme G... D..., de nationalité algérienne, tous deux dépourvus de titre de séjour les autorisant à travailler. Le 9 avril 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a informé la société Azdou qu'elle était susceptible de se voir appliquer la contribution spéciale et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine et qu'elle disposait d'un délai de quinze jours pour présenter des observations. Le 30 août 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a décidé d'appliquer à la société Azdou la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant 14 280 euros et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 4 248 euros. Le recours gracieux formé le 27 septembre 2018 par la société Azdou contre cette décision a été rejeté par une décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 18 octobre 2018. La société Azdou a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 30 août 2018 et du 18 octobre 2018 ou, à défaut, de réduire les sommes mises à sa charge. Sa demande a été rejetée par le jugement n°1822841/3-2 du 26 juin 2020 dont la société Azdou relève appel en tant que les décisions précitées concernent uniquement M. A... E... dès lors qu'elle a indiqué dans sa requête d'appel renoncer à " ses demandes tendant à être déchargée des contributions relatives à l'embauche de Mme D... ".
Sur le bien-fondé de la sanction :
En ce qui concerne le principe des contributions financières :
2. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...). " A cet égard, l'article L. 5221-8 du même code dispose que " l'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1. " Aux termes de l'article L. 8253-1 du code du travail : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. (...). " Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. "
3. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les contributions qu'ils prévoient ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces dispositions, qui assurent la transposition des articles 3, 4 et 5 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsque tout à la fois, d'une part, il s'est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail et, d'autre part, il n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité. En outre, lorsqu'un salarié s'est prévalu lors de son embauche de la nationalité française ou de sa qualité de ressortissant d'un Etat pour lequel une autorisation de travail n'est pas exigée, l'employeur ne peut être sanctionné s'il s'est assuré que ce salarié disposait d'un document d'identité de nature à en justifier et s'il n'était pas en mesure de savoir que ce document revêtait un caractère frauduleux ou procédait d'une usurpation d'identité.
4. La société Azdou soutient que la contribution spéciale est infondée concernant M. A... E..., salarié de nationalité marocaine, en arguant de ce qu'elle n'était pas en mesure de savoir que la carte d'identité portugaise et l'attestation de droits à l'assurance maladie, qui lui ont été présentées à l'embauche, revêtaient un caractère frauduleux alors que la caisse primaire d'assurance maladie a également pris en compte cette carte d'identité portugaise qui ne peut donc pas être regardée comme un faux grossier et que son attestation de droits à l'assurance maladie était authentique. Il résulte, toutefois, de l'instruction et notamment du procès-verbal d'audition de M. A... E... qu'il n'est pas établi que l'intéressé ait présenté lors de son embauche les documents précités, ayant uniquement présenté " une carte vitale, une ancienne fiche de paye et une ancienne déclaration de l'URSSAF ". De plus, en tout état de cause, à supposer même que M. A... E... ait présenté la carte d'identité portugaise et l'attestation de droits à l'assurance maladie dont se prévaut la société Azdou, la copie presque illisible de cette carte d'identité portugaise, présentée par la société aux services de police lors de son audition réalisée deux jours après le contrôle, ne permet pas de considérer qu'elle s'est effectivement assurée préalablement à l'embauche de M. E... que ce dernier disposait d'un document d'identité de nature à justifier de la nationalité portugaise dont il se prévalait, quand bien même la caisse primaire d'assurance maladie aurait également pris en compte cette carte d'identité portugaise pour lui délivrer son attestation de droits à l'assurance maladie. Par suite, comme l'ont considéré à bon droit les premiers juges, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a pu légalement estimer que la société Azdou avait employé, en la personne de M. E..., un ressortissant étranger dépourvu de titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France, en méconnaissance de l'article L. 8251-1 du code du travail.
En ce qui concerne le montant des contributions financières :
5. Aux termes de l'article L. 8253-1 du code du travail : " (...) Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article
R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. (...). " Aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail : " I.- Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article
L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II.- Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : / 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; / 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. / III. - Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. / IV. - Le montant de la contribution spéciale est porté à 15 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsqu'une méconnaissance du premier alinéa de l'article L. 8251-1 a donné lieu à l'application de la contribution spéciale à l'encontre de l'employeur au cours de la période de cinq années précédant la constatation de l'infraction. "
6. En premier lieu, la circonstance que la société Azdou s'est acquittée des salaires et indemnités dus à M. A... E... en application des dispositions des articles L. 8252-2 et
R. 8252-6 du code du travail ne saurait l'exonérer du versement de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement. Ce moyen doit donc être écarté.
7. En second lieu, dès lors que la société Azdou n'apporte en cause d'appel aucun élément nouveau ou déterminant au soutien de son moyen tiré de ce que le taux de 3,57 euros prévu par l'article L. 3231-12 du code du travail n'aurait pas dû être multiplié par 2 000 mais par 1 000, au motif qu'elle aurait été victime de l'infraction commise par M. E... et ne saurait être considérée comme ayant employé deux salariés dépourvus d'autorisation de travail, les formalités requises concernant M. E... ayant été réalisées, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 7 du jugement contesté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Azdou n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n°1822841/3-2 du 26 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'OFII, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la société Azdou la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas non plus lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société Azdou par application des mêmes dispositions, à verser à l'OFII la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Azdou est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Azdou et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme F..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2021.
La présidente de la 8ème chambre,
H. VINOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01871