Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 9 mai et 20 juin 2017, M. et MmeA..., représentés par MeE..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Melun du 31 mars 2017 ;
2°) de faire droit à leurs conclusions de première instance ;
3°) d'enjoindre au président du Conseil départemental du Val-de-Marne de leur délivrer un agrément pour l'D... d'un enfant âgé de 3 à 8 ans dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge du département la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les dispositions de l'article R. 225-9 du code de l'action sociale et des familles ont été méconnues dès lors que la commission d'agrément qui s'est réunie le 7 janvier 2016 n'était pas valablement constituée ; aucun membre du conseil de famille des pupilles de l'Etat du département n'était présent et l'une des responsables de l'association Enfance et FamilleD..., MmeC..., a été sommée de quitter la salle en raison de son supposé parti pris en leur faveur ;
- les décisions contestées méconnaissent les dispositions de l'article R. 225-4 du code de l'action sociale et des familles en ce qu'ils présentent des garanties suffisantes sur le plan familial, éducatif et psychologique ;
- l'argument tenant au manque de réalisme de leur projet qui leur était reproché en 2014 n'est plus mis en avant aujourd'hui ;
- leurs qualités humaines et à s'occuper d'un enfant ne sont aucunement mises en cause dans les différents rapports d'évaluation ;
- les seuls éléments qui leur sont actuellement opposés tiennent à une asymétrie dans leur détermination et surtout à leur âge ;
- leur projet d'D... n'est en rien discordant mais au contraire complémentaire et en adéquation avec leur âge dès lors qu'ils demandent un enfant âgé de 3 à 8 ans.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2018, le département du Val-de-Marne conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena,
- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,
- et les observations de MeE..., représentant M. et MmeA..., et de MeB..., représentant le département du Val-de-Marne.
1. Considérant que Mme A...avait obtenu, le 19 février 2009, un agrément en vue de l'D... d'un pupille de l'Etat ou d'un enfant étranger valable pour une durée de 5 ans sans qu'elle ait pu concrétiser son projet ; que le 21 mai 2013, soit un peu plus d'un an et demi après avoir épousé MonsieurA..., le couple a sollicité un renouvellement de l'agrément obtenu par Madame auprès des services départementaux de leur ressort ; que ce renouvellement leur ayant été refusé, ils ont été contraints d'entamer une nouvelle procédure de demande d'agrément en leurs deux noms au mois de mai 2013 ; qu'après instruction de leur dossier, la commission d'agrément du Val-de-Marne qui s'est réunie le 24 avril 2014 a émis un avis défavorable à leur demande, et le 6 janvier 2015, le président du conseil départemental leur a notifié une décision de refus ; que M. et Mme A...ont alors formé un recours gracieux contre cette décision, à la suite duquel la commission d'agrément a rendu un nouvel avis défavorable le 7 janvier 2016 ; que par décision du 28 janvier 2016, le président du conseil départemental du Val-de-Marne a rejeté ce recours ; que le couple a contesté ce refus devant le tribunal administratif de Melun qui l'a rejeté par jugement du 31 mars 2017 ; que M. et Mme A...relèvent appel de ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 225-17 du code de l'action sociale et
des familles : " Les personnes qui accueillent, en vue de sonD..., un enfant étranger doivent avoir obtenu l'agrément prévu aux articles L. 225-2 à L. 225-7 " ; qu'aux termes de l'article L. 225-2 du même code : " Les pupilles de l'État peuvent être adoptés (....) par des personnes agréées à cet effet (...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article R. 225-4 du code de l'action sociale et des familles : " Avant de délivrer l'agrément, le président du conseil général doit s'assurer que les conditions d'accueil offertes par le demandeur sur les plans familial, éducatif et psychologique correspondent aux besoins et à l'intérêt d'un enfant adopté. A cet effet, il fait procéder, auprès du demandeur, à des investigations comportant notamment : - une évaluation de la situation familiale, des capacités éducatives ainsi que des possibilités d'accueil en vue d'D... d'un enfant pupille de l'Etat ou d'un enfant étranger ; cette évaluation est confiée à des assistants de service social, à des éducateurs spécialisés ou à des éducateurs de jeunes enfants, diplômés d'Etat ; - une évaluation, confiée à des psychologues territoriaux aux mêmes professionnels relevant d'organismes publics ou privés habilités mentionnés au septième alinéa de l'article L. 221-1 ou à des médecins psychiatres, du contexte psychologique dans lequel est formé le projet d'adopter. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'agrément sollicité ne peut être accordé qu'après que le président du conseil général, sous le contrôle du juge, s'est assuré que les conditions d'accueil offertes par le demandeur correspondent aux besoins et à l'intérêt de l'enfant ;
3. Considérant que, pour refuser à M. et Mme A...l'agrément qu'ils sollicitaient, le président du conseil général du Val-de-Marne s'est fondé sur le motif que les évaluations présentées dans le cadre de la procédure de renouvellement d'agrément laissaient apparaître une asymétrie dans leur détermination, M. A...questionnant les répercussions de son âge sur l'enfant à adopter alors que son épouse éluderait les difficultés possibles ; qu'il a ainsi estimé que les garanties éducatives et psychologiques sécurisantes et propices au bon développement psychoaffectif d'une enfant adopté n'étaient pas réunies ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si les conclusions des différents rapports réalisés par des pédopsychiatriques et travailleurs sociaux agréés dans le cadre de l'instruction de la demande d'agrément formulée par M. et Mme A...sont réservées voire défavorables quant à leur projet adoptif, pour les motifs sus mentionnés et repris par le président du conseil départemental, ces rapports font néanmoins également état de réelles qualités humaines et éducatives présentes chez chacun d'eux ; que la motivation de Madame, sans être purement théorique ou idéaliste, paraît très forte et sincère ; qu'il ne saurait être reproché une ambivalence dans la motivation du couple vis-à-vis de leur projet alors que Monsieur, de cinq années plus âgé que Madame, aborde le projet sur un mode également totalement réaliste, en ayant eu l'honnêteté intellectuelle de faire part de ses questionnements tout au long de la procédure, démontrant par là même une pleine conscience des difficultés qu'ils pourraient, compte tenu de leur âge et notamment du sien, être amenés à rencontrer en adoptant un jeune enfant ; qu'au-delà de ces différences d'approche légitimes, M. et Mme A...forment un couple uni, dynamique, animé d'un réel et profond désir d'D... qui n'est en rien banalisé, se montrant pleinement investis, avec la spécificité propre à chaque être, dans une démarche affective commune ; que leur adhésion à une association d'entraides entre parents adoptifs et leur participation régulière depuis des années à des rencontres, échanges et débats démontre aussi leur volonté de se faire entourer au moment de l'arrivée de leur enfant et, dès à présent, de suffisamment s'informer sur les problématiques de l'enfant à adopter déjà grand, venant en outre de l'étranger avec un passé douloureux voire traumatique ; que, dans ces conditions, il ne résulte pas du dossier que, en dépit de leur âge respectif à la date de la décision contestée, M. et Mme A...dont les conditions de vie matérielles sont stables et les conditions socio-culturelles favorables, ne seraient pas capable de donner à un enfant l'amour et l'affection dont il aurait besoin ni répondre à tous ses besoins ; qu'ainsi, en refusant l'agrément sollicité, le président du conseil départemental du Val-de-Marne a fait une inexacte application des dispositions législatives et réglementaires précitées ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, M. et Mme A...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande ; qu'il y a lieu par suite d'annuler ce jugement ainsi que la décision de refus d'agrément du 28 janvier
2016 ;
En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative: " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;
7. Considérant que, compte tenu des motifs pour lesquels elle est prononcée, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la situation de M. et Mme A...aurait été substantiellement modifiée depuis la date de la décision contestée, l'annulation de cette dernière implique que, en application des dispositions précitées du code de justice administrative, le président du conseil départemental délivre aux intéressés l'agrément en vue de l'D... d'un enfant âgé de 3 à 8 ans ; qu'il y a lieu, dès lors, de lui adresser une injonction en ce sens, à laquelle il devra satisfaire dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette mesure de l'astreinte prévue par l'article L. 911-3 du même code ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et MmeA..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le département du Val-de-Marne demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce même département la somme de 2 500 euros à verser à M. et Mme A...au titre de ces mêmes frais ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun du 31 mars 2017 et la décision du président du conseil départemental du Val-de-Marne du 28 janvier 2016 sont annulés.
Article 2 : Il est fait injonction au président du conseil départemental du Val-de-Marne de délivrer à M. et MmeA..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, l'agrément en vue de l'D... d'un enfant âgé de 3 à 8 ans. Le département du Val-de-Marne informera immédiatement la Cour des mesures prises pour satisfaire à cette injonction.
Article 3 : Le département du Val-de-Marne versera à M. et Mme A...une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...et au président du conseil départemental du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 18 décembre 2018.
Le rapporteur,
E. PENALe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
5
N° 10PA03855
5
N° 17PA01571