Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 juillet 2017, la société MWM, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris, n° 1611397 du 29 mai 2017 ;
2°) de lui accorder le report en arrière de déficit qu'elle demande ;
3°) d'ordonner à l'administration de lui rembourser la somme de 3 922 euros assortie des intérêts de retard au taux légal majoré de cinq points conformément à l'article L. 313-3 du code monétaire et financier ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande de report en arrière de son déficit constituait une réclamation contentieuse assortie d'une demande de sursis de paiement et s'opposait à toute compensation ;
- sa demande n'était pas tardive en application du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ;
- sa demande ne porte pas sur le remboursement d'une créance de carry back mais sur une imputation aux fins de paiement ;
- la compensation opérée par l'administration avec un crédit de taxe sur la valeur ajouté était irrégulière compte tenu de la demande de sursis de paiement et en l'absence d'avis de compensation ; la compensation est donc atteinte de nullité ;
- la doctrine administrative BOI-REC-PREA-10-30-20120912 précise que cet avis doit être notifié par lettre recommandée avec accusé de réception ;
- faute d'avoir notification de cet avis, elle n'a pas pu exercer son droit au recours, en violation de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 novembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête de la société MWM.
Il soutient que :
- la demande de la société MWM a perdu son objet, l'avis à tiers détenteur du 20 avril 2016 ayant été levé et les sommes saisies restituées ;
- les conclusions à fins de déclaration sont irrecevables ;
- les conclusions dirigées contre l'acte de compensation du 24 juin 2016 sont irrecevables en l'absence de réclamation préalable ;
- la question de l'appréciation de la régularité formelle de la compensation relève de la compétence du juge de l'exécution ;
- la société MWM n'a pas été privée de la possibilité de former un recours à l'encontre de l'acte de compensation qui a été produit devant les premiers juges ;
- les moyens d'assiette ne peuvent pas être utilement invoqués dans le cadre d'un litige de recouvrement ;
- la réclamation de la société MWM a été rejetée par lettre du 17 mai 2016 l'informant que l'exercice au cours duquel le déficit avait été constaté étant celui clos en 2013, la créance née du report en arrière de ce déficit ne pouvait pas être utilisée pour le paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 2012, exercice clos antérieurement à celui au titre duquel l'option était exercée ;
- ce rejet a mis fin au sursis de paiement, l'imposition était donc exigible lorsqu'il a été procédé à la compensation litigieuse qui peut s'opérer entre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des impositions à l'impôt sur les sociétés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Doré,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société MWM a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 31 décembre 2012 et 2013, à l'issue de laquelle a été mise à sa charge une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012 d'un montant de 3 922 euros. Par un courrier du 30 novembre 2015, la société MWM a sollicité le bénéfice d'un report en arrière du déficit qu'elle avait constaté au titre de l'exercice clos en 2013 sur les bénéfices rectifiés de l'exercice clos en 2012 et a assorti sa réclamation d'une demande de sursis de paiement. Par une lettre du 17 mai 2016, le service d'assiette a fait droit à la demande de la société MWM et a reconnu l'existence d'une créance sur le Trésor d'un montant de 3 922 euros née du report sur l'exercice clos en 2012 d'une partie du déficit constaté au titre de l'exercice clos en 2013. Par une décision du 26 mai 2016, le directeur régional des finances publiques a considéré que cette créance sur le Trésor ne pouvait être utilisée pour le paiement de la cotisation d'impôt sur les sociétés relative à l'exercice clos en 2012. Par un avis de compensation du 24 juin 2016, l'administration fiscale a affecté la créance de 28 371 euros, résultant d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de la société MWM, au règlement de la dette d'impôt de 3 922 euros. La société MWM fait appel du jugement du 29 mai 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à ce que lui soit accordée l'affectation de la créance sur le Trésor née du report en arrière du déficit de l'exercice clos en 2013, qu'elle a sollicité le 30 novembre 2015, au paiement de la cotisation d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2012 et, d'autre part, à la restitution de la somme de 3 922 euros prélevée sur le crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle était titulaire.
Sur les conclusions relatives à la demande d'imputation de la créance sur le Trésor née du report en arrière du déficit de l'exercice clos en 2013 :
2. Aux termes de l'article 220 quinquies du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011 : " I. Par dérogation aux dispositions du troisième alinéa du I de l'article 209, le déficit constaté au titre d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1984 par une entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés peut, sur option, être considéré comme une charge déductible du bénéfice de l'exercice précédent (...) / Le déficit imputé dans les conditions prévues au premier alinéa cesse d'être reportable sur les résultats des exercices suivant celui au titre duquel il a été constaté. (...) / L'excédent d'impôt sur les sociétés résultant de l'application du premier alinéa fait naître au profit de l'entreprise une créance non imposable d'égal montant. / La créance est remboursée au terme des cinq années suivant celle de la clôture de l'exercice au titre duquel l'option visée au premier alinéa a été exercée. Toutefois, l'entreprise peut utiliser la créance pour le paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos au cours de ces cinq années. Dans ce cas, la créance n'est remboursée qu'à hauteur de la fraction qui n'a pas été utilisée dans ces conditions. (...) / II. L'option visée au I est exercée au titre de l'exercice au cours duquel le déficit est constaté et dans les mêmes délais que ceux prévus pour le dépôt de la déclaration de résultats de cet exercice ".
3. S'il ressort des termes de la lettre du 17 mai 2016 que la société MWM dispose d'une créance sur le Trésor d'un montant de 3 922 euros, née du report sur les bénéfices rectifiés de l'exercice clos en 2012 d'une partie du déficit constaté à la clôture de l'exercice 2013, il résulte des dispositions mêmes de l'article 220 quinquies précité que cette créance ne pouvait être utilisée que pour le paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre des cinq années suivant l'exercice au titre duquel l'option avait été exercée. Par suite, alors même que sa demande de report en arrière constituait une réclamation recevable, la société MWM n'est pas fondée à demander l'affectation de cette créance au paiement de la cotisation d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2012, qui est antérieur à l'exercice 2013 au titre duquel elle a demandé le report.
Sur les conclusions tendant à la restitution de la somme de 3 922 euros, assortie des intérêts de retard au taux légal :
4. Aux termes de l'article L. 257-B du livre des procédures fiscales : " Le comptable public compétent peut affecter au paiement des impôts, droits, taxes, pénalités ou intérêts de retard dus par un redevable les remboursements, dégrèvements ou restitutions d'impôts, droits, taxes, pénalités ou intérêts de retard constatés au bénéfice de celui-ci. / Pour l'application du premier alinéa, les créances doivent être liquides et exigibles ". Aux termes de l'article R. 257-B-1 du même livre : "Lorsqu'il a exercé la compensation prévue à l'article L. 257 B, le comptable public compétent notifie au redevable un avis lui précisant la nature et le montant des sommes affectées au paiement de la créance qu'il a prise en charge à sa caisse. / Les effets de cette compensation peuvent être contestés dans les formes et délais mentionnés aux articles L. 281 et R. 281-1 à R. 281-5 ". Aux termes de l'article L. 281 du même livre : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts (...) doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / Les contestations ne peuvent porter que : 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le juge de l'exécution, dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article L. 199 ".
5. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées que le comptable public compétent pouvait affecter au paiement de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés en litige une partie du remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont la société requérante était titulaire.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases de dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. / L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation, soit par l'administration, soit par le tribunal compétent (...) ". Il résulte de ces dispositions que les impositions contestées par un contribuable qui a formé une réclamation régulière et présenté une demande de sursis de paiement cessent d'être exigibles à compter de la date à laquelle cette réclamation et cette demande sont reçues par le service.
7. Il résulte de l'instruction que, par la réclamation précitée du 30 novembre 2015, qui était assortie d'une demande de sursis de paiement, la société requérante n'a contesté ni la régularité ni le bien-fondé du supplément d'impôt mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 2012 mais s'est bornée à solliciter le report en arrière d'une partie de son déficit constaté au titre de l'exercice clos en 2013. Par suite, la société MWM ne pouvant, dès lors, pas bénéficier du sursis de paiement prévu par l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, elle n'est pas fondée à soutenir que la cotisation d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2012 n'était pas exigible lorsque l'administration a, le 24 juin 2016, affecté au paiement de cette imposition une partie du remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée qui lui était dû.
8. En troisième lieu, si la société requérante soutient que l'avis de compensation en date du 24 juin 2016 ne lui a pas été notifié en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 257-B-1 du livre des procédures fiscales, ce moyen se rattache à la régularité en la forme de cet acte de poursuite et non à l'exigibilité de l'impôt. Il ressortit dès lors à la seule compétence du juge de l'exécution. Pour ce même motif, la société requérante ne peut, en tout état de cause, se prévaloir de la doctrine administrative publiée sous la référence BOI-REC-PREA-10-30-20120912 prévoyant la notification de l'avis de compensation par lettre recommandée.
9. En dernier lieu, la société MWM ne peut pas utilement se prévaloir des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et invoquer, sur ce fondement, le droit au recours, dès lors que ces stipulations ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale. Au surplus, l'administration a produit devant les premiers juges l'acte de compensation du 24 juin 2016 dont la société MWM a ainsi pris connaissance et qu'elle pouvait contester en présentant une réclamation.
10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par le ministre, que la société MWM n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL MWM est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée MWM et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris (Pôle fiscal parisien 1).
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Poupineau, président,
- Mme Lescaut, premier conseiller,
- M. Doré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.
Le rapporteur,
F. DORÉLe président,
V. POUPINEAULe greffier,
C. RENÉ-MINE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02497