Par un arrêt du 7 décembre 2020, la Cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 5 juillet 2019 et a renvoyé l'affaire au tribunal.
Par un jugement n° 1908392/3-1 du 5 avril 2021, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 15 novembre 2018, a enjoint au préfet de réexaminer la situation de Mme D... A... un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mai 2021, le préfet de police, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 5 avril 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- les premiers juges ont fondé leur décision sur une pièce qui ne lui a pas été communiquée; le jugement a donc été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- c'est à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté pour méconnaissance des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien et lui ont enjoint de procéder au réexamen de la situation de l'intéressée ;
- les autres moyens soulevés par Mme D... devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 juillet 2021, Mme D..., représentée par Me Ferrero, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à la mise à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est régulier ;
- les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968,
- le code des relations entre le public et l'administration,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,
- l'arrêté du 27 décembre2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et
R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... D..., ressortissante algérienne, entrée en France le 5 décembre 2016 selon ses déclarations, a sollicité le 8 décembre 2017 son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 15 novembre 2018, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français A... un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. Il relève appel du jugement du 5 avril 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 15 novembre 2018.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié A... son pays (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... a été traitée pour une tumeur au sein gauche à Paris en 2017, qui a nécessité un suivi pendant un an, qu'elle souffre d'anémie, ainsi que d'un état réactionnel dépressif sévère depuis la mort de son mari, qu'elle est suivie pour une ostéoporose préfracturaire, une gastrite inflammatoire et une hépatite médicamenteuse. Pour refuser à Mme D... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations précitées, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), en date du 20 août 2018, lequel indique que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, l'état de santé de l'intéressée peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Afin de contester cet avis, Mme D... a produit plusieurs documents médicaux attestant qu'un traitement par antidépresseur lui est prescrit et que ce traitement ne serait pas disponible en Algérie. Toutefois, ces certificats, rédigés en des termes généraux et peu circonstanciés, ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII et la décision litigieuse du préfet de police. Enfin, et dès lors que Mme D... ne justifie ainsi pas qu'à la date de la décision attaquée son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle ne peut utilement soutenir qu'elle n'aurait pas accès A... son pays d'origine au traitement dont elle bénéficiait en France ou à un autre traitement approprié. A... ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté du 15 novembre 2018 pour méconnaissance des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien.
4. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D... devant le Tribunal administratif de Paris et la Cour.
5. En premier lieu, Mme E... B..., signataire de l'arrêté attaqué, bénéficiait d'une délégation en vertu de l'arrêté du préfet de police n° 2018-00695 en date du 23 octobre 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratif spécial le 23 octobre 2018 pour les décisions relatives à la police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée manque en fait.
6. En deuxième lieu, l'arrêté litigieux vise les articles 6-7 de l'accord franco-algérien et L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique la date et les conditions d'entrée de Mme D... sur le territoire français, ainsi que les éléments de sa situation personnelle, précise la nature du titre de séjour qu'elle a sollicité et s'approprie les termes de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII. La décision attaquée comporte ainsi l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui la fondent et est, par suite, suffisamment motivée au regard des dispositions des articles L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration.
7. En troisième lieu, en vertu de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins de l'OFII, au vu, notamment, d'un rapport médical établi par un médecin du même office. L'article R. 313-23 du même code dispose que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier A... les conditions prévues à l'article 5 émet avis, (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé A... le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. A... le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé A... le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que le médecin qui a établi le rapport médical au vu duquel le collège de médecins de l'OFII a rendu son avis sur l'état de santé de Mme D... n'a pas siégé au sein de ce collège. En outre, il ressort de l'avis émis le 20 août 2018, ainsi qu'il a été dit, que le collège des médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de Mme D... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. A... ces conditions, le collège n'était pas tenu de se prononcer sur la possibilité pour Mme D... de bénéficier d'un accès effectif à un traitement approprié A... son pays d'origine. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que cet avis aurait été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière.
9. En quatrième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou sur le fondement de l'une des stipulations d'un accord bilatéral, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions ou stipulations expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, ou stipulations de cet accord, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme D... a demandé la délivrance d'un certificat de résidence en faisant uniquement valoir son état de santé. Par suite, elle ne peut utilement soutenir que le préfet de police aurait méconnu les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco algérien.
10. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme D... est entrée en France en décembre 2016 pour y rejoindre son époux, qui y séjournait pour soins, et son fils né le
22 décembre 1999, et que son époux est décédé en juin 2017. Si son fils né en 1999 vit à Paris, elle n'est toutefois pas dépourvue d'attaches en Algérie où résident notamment ses quatre autres enfants. A... ces conditions, et compte tenu du caractère récent de son séjour en France, le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris la décision attaquée et n'a, dès lors, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si le préfet de police a mentionné par erreur A... l'arrêté litigieux que l'époux de Mme D... résidait en Algérie, il ressort des pièces du dossier qu'il aurait pris la même décision s'il n'avait pas commis cette erreur de fait.
11. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme D....
12. Il résulte de tout ce qui précède, que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du
15 novembre 2018 et à demander en conséquence l'annulation de ce jugement, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa régularité. Il en résulte également que la demande de Mme D... devant le tribunal administratif ainsi que ses conclusions d'appel présentées sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1908392/3-1 du Tribunal administratif de Paris du 5 avril 2021 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif est rejetée.
Article 3 : Les conclusions d'appel de Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme C... D... et au préfet de police.
Délibéré après l'audience publique du 28 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2021.
La rapporteure,
M. F...Le président,
I. LUBEN
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA02496