Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 5 septembre 2018 et un mémoire enregistré le
30 novembre 2018, M. A..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1718309 du 10 juillet 2018 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision de la ministre du travail du 2 octobre 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif n'a répondu qu'à deux des cinq moyens qu'il avait soulevés en première instance, dont celui tiré de l'erreur d'appréciation de sa situation commise par l'autorité administrative ;
- les moyens de légalité interne qu'il invoque en appel sont recevables dès lors qu'il avait soulevé en première instance, alors qu'il n'avait pas eu recours à l'assistance d'un avocat, celui tiré de l'erreur d'appréciation commise par la ministre ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée, en droit et en fait ;
- la ministre ne pouvait retirer sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par son employeur dès lors que la décision de l'inspecteur du travail n'était pas illégale ;
- cette décision est entachée d'erreur d'appréciation en l'absence de faute de sa part, son employeur ayant commis un abus de droit et fait preuve de mauvaise foi contractuelle dans la détermination de son lieu d'affectation, la motivation de sa décision et la date choisie pour procéder à son affection ;
- la décision de le licencier est liée à l'exercice de ses mandats.
Par un mémoire, enregistré le 15 novembre 2018, la société Yves Saint Laurent Boutique France, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que la décision attaquée est suffisamment motivée et que les moyens de légalité interne, nouveaux en appel, sont irrecevables, subsidiairement, non fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens de légalité interne soulevés pour la première fois en appel par le requérant sont irrecevables et, pour le surplus, qu'ils ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 16 juillet 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au
16 septembre 2019.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité du moyen invoqué par le requérant portant sur la régularité du jugement, s'agissant d'un moyen présenté pour la première fois après l'expiration du délai d'appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Pena, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a occupé à compter du 1er août 2007 les fonctions de gestionnaire de stock au sein de la société Yves Saint Laurent Boutique France. Il détenait les mandats de délégué syndical et avait été membre du CHSCT jusqu'au 25 mai 2017. Le 3 février 2017, son employeur a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de le licencier. Par une décision du 5 avril 2017, l'inspecteur du travail a refusé de faire droit à cette demande. La société Yves Saint Laurent Boutique France a alors formé un recours hiérarchique contre cette décision auprès de la ministre du travail, par courrier en date du 13 avril 2017 reçu le 18 avril 2017. Par une décision en date du 2 octobre 2017, la ministre du travail a retiré sa décision implicite de rejet intervenue le 19 août 2017 et a autorisé le licenciement de M. A.... Par une requête enregistrée le
5 septembre 2018, M. A... relève appel du jugement du 10 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement :
2. M. A... a présenté le 30 novembre 2018, soit après l'expiration du délai d'appel, un moyen qui n'est pas d'ordre public, portant sur la régularité du jugement attaqué. Ce moyen, tiré de ce que les juges de première instance auraient omis de répondre à des moyens qui n'étaient pas inopérants, constitue une demande nouvelle, irrecevable car tardive. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement et la légalité de la décision de la ministre du travail du
2 octobre 2017 :
En ce qui concerne la légalité externe :
3. Il résulte des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration que les décisions administratives individuelles défavorables, telles que les décisions qui retirent ou abrogent une décision créatrice de droits, doivent être motivées et comporter à cette fin l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
4. En l'espèce, la décision attaquée vise les articles du code du travail sur lesquels elle se fonde. Elle expose par ailleurs en détail les griefs reprochés à M. A... et les raisons pour lesquelles la ministre du travail a estimé qu'il avait commis une faute d'une gravité suffisante pour autoriser son licenciement. Elle comporte, ainsi, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, la décision litigieuse est suffisamment motivée et le moyen doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
5. Devant le tribunal administratif de Paris, M. A... s'est borné à invoquer le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision et celui tiré de la méconnaissance par la ministre de la procédure contradictoire préalable au retrait de la décision de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser son licenciement. Ces deux moyens relèvent de la légalité externe de la décision. Contrairement à ce que soutient le requérant, sa demande, très succincte, devant les premiers juges ne comportait pas de moyen de légalité interne, les rares éléments de fait qu'elle comportait ne pouvant en aucune manière être interprétés comme une critique de l'appréciation à laquelle s'était livrée la ministre. Le requérant soutient pour la première fois devant la cour que la ministre du travail, en prenant la décision du 2 octobre 2017, aurait commis une erreur de droit et des erreurs d'appréciation. Ces moyens fondés sur une cause juridique distincte, constituent une demande nouvelle, irrecevable en appel.
6. Il résulte ainsi de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la ministre du travail et à la société Yves Saint Laurent Boutique France.
Délibéré après l'audience publique du 5 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme C..., premier conseiller,
- Mme Mornet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 novembre 2019.
Le rapporteur,
M-F... C... Le président de la formation de jugement,
Ch. BERNIER
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 18PA02977