Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 août 2017 sous le n°17PA02910, M.A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularités dès lors qu'il ne comporte pas une analyse satisfaisante des mémoires des parties ;
- les droits de la défense ont été méconnus du fait de l'absence de convocation régulière de M. A... devant la commission de discipline des conducteurs de taxi ;
- la matérialité des faits reprochés à M. A...n'est pas établie et les manquements qui ont donné lieu à la sanction ne sont ni avérés ni suffisamment probants ;
- la sanction prononcée à son encontre est hors de proportion avec les manquements qui lui sont reprochés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens développés par M. A...ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 9 juin 2017.
Vu :
- les autres pièces du dossier,
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,
- le code des transports,
- le code des relations entre le public et l'administration,
- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978,
- l'arrêté interpréfectoral n° 2001-16385 du 31 juillet 2001 modifié relatif aux exploitants et aux conducteurs de taxis dans la zone parisienne,
- l'arrêté préfectoral n° 2014-00408 du 21 mai 2014 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement de la commission de discipline des conducteurs de taxi,
- l'arrêté préfectoral n° 2014-00409 du 21 mai 2014 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement de la commission de discipline des conducteurs de taxi,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena,
- et les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public.
1. Considérant que M. A...s'est vu délivrer une carte professionnelle de conducteur de taxi le 26 juin 2000 ; que, par un arrêté du 25 septembre 2015, le préfet de police a, après avis de la commission de discipline des conducteurs de taxi, procédé au retrait définitif de cette carte au motif qu'il avait fait l'objet de quatre retraits temporaires de sa carte professionnelle pour diverses infractions entre 2006 et 2014, avait commis deux nouvelles infractions le 7 juin 2015, dont l'une consistait à avoir exercé son activité alors que sa carte lui avait été retirée ; que
M. A...relève appel du jugement du 7 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative :
" La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) " ; qu'il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué, que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de mentionner les arguments développés au soutien de chaque moyen, ont mentionné et analysé les conclusions et moyens des parties de manière suffisante, et ainsi satisfait aux dispositions précitées ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les jugements attaqués ne contiendraient pas l'analyse des conclusions et mémoires déposés par les parties manque en fait et doit être écarté ;
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3121-10 du code des transports :
" L'exercice de l'activité de conducteur de taxi est subordonné à la délivrance d'une carte professionnelle par l'autorité administrative " ; qu'aux termes de l'article L. 3124-2 du même code : " En cas de violation par un conducteur de taxi de la réglementation applicable à la profession, l'autorité administrative peut lui donner un avertissement ou procéder au retrait temporaire ou définitif de sa carte professionnelle " ; et qu'aux termes de l'article 20 de l'arrêté inter-préfectoral susvisé du 31 juillet 2001 : " La carte professionnelle de conducteur de taxi peut être retirée à titre temporaire ou définitif, par le préfet de police, après avis de la commission de discipline des conducteurs de taxi, en cas de violation par le conducteur de la réglementation applicable à la profession ou en cas d'accomplissement d'un crime ou d'un délit mentionné à l'article 6 du décret n° 95-935 du 17 août 1995 modifié susvisé relatif à l'accès à l'activité de conducteur et à la profession d'exploitant de taxi, dès lors qu'il est établi, qu'il ait ou non été suivi d'une condamnation pénale " ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté préfectoral
n° 2014-00408 du 21 mai 2014 : " La convocation doit indiquer au titulaire de l'autorisation de stationnement qu'il a le droit d'obtenir communication des pièces à l'origine de la procédure engagée (procédure judiciaire, rapport de police, mise en demeure restée sans réponse, plainte...) et des faits qui lui sont reprochés, ainsi que la possibilité de se faire assister d'un défenseur de son choix " ; que cet article prévoit des exigences identiques quant au contenu de la convocation devant la commission de discipline des conducteurs de taxi ; qu'aux termes de l'article 3 de l'arrêté interpréfectoral n°01-16385 du 31 juillet 2001 relatif aux exploitants et aux conducteurs de taxis dans la zone parisienne : " Quiconque veut mettre en circulation un ou plusieurs véhicules utilisés en tant que taxi parisien doit préalablement adresser au service des taxis de la Préfecture de Police une déclaration contenant : son état civil et son domicile, s'il s'agit d'une personne physique (...) les entrepreneurs doivent informer, sous 24 heures, le service des taxis de la Préfecture de Police de tout changement de nature à modifier un ou plusieurs des points mentionnés ci-dessus contenus dans leur déclaration initiale " ;
5. Considérant que M. A...soutient que la sanction prise à son encontre est irrégulière dès lors qu'il n'a pas été destinataire de la convocation prévue par les dispositions précitées ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier qu'une telle convocation, datée du 6 août 2015, lui a été adressée par courrier simple puis par un courrier recommandé qui a été retourné aux services de la préfecture avec la mention " défaut d'accès ou d'adressage " ; que l'intéressé, à qui il appartenait de déclarer une adresse complète aux services de la préfecture, n'établit pas avoir mentionné le complément " bâtiment B2 ", alors même qu'il ne pouvait ignorer ce défaut de précision qui avait déjà fait obstacle à la notification de courriers de convocation devant la commission de discipline ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de sanction doit être écarté ; que, pour le même motif, M. A...n'est pas fondé à soutenir que les droits de la défense auraient été méconnus ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 24 de l'arrêté interpréfectoral n°01-16385 du 31 juillet 2001 : " Le conducteur de taxi, lorsqu'il est en service, doit : (...) 10° Conduire les clients à l'adresse indiquée et les rejoindre en cas de commande préalable, par le chemin le plus direct, sauf si ceux-ci en indiquent un autre " ; qu'aux termes de l'article 14 de cet arrêté : " Nul ne peut conduire un taxi parisien, s'il n'est titulaire d'une carte professionnelle délivrée par le Préfet de Police " ;
7. Considérant que pour retirer la carte professionnelle de M. A...à titre définitif, le préfet de police a retenu que ce dernier avait commis deux infractions le 7 juin 2015 en empruntant, sans motif, un itinéraire allongeant le parcours de son client pour se rendre à la destination demandée et en exerçant son activité en méconnaissance de l'arrêté du 30 décembre 2014 portant retrait de sa carte professionnelle pour une durée de 365 jours ; que la circonstance que la plainte du 8 juin 2015 ayant donné lieu à la convocation de M. A...devant la commission de discipline a été anonymisée, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux, dès lors qu'il s'agissait d'une mesure de protection des plaignants permise en application des dispositions de la loi susvisée du 17 juillet 1978, et que cette plainte indique le numéro d'immatriculation du véhicule de l'intéressé, permettant ainsi de l'identifier avec certitude ; qu'en outre, cette anonymisation ne peut être regardée comme ayant privé M. A...d'une garantie, dès lors que la mention de l'heure et du lieu de prise en charge ainsi que de l'itinéraire lui permettent d'identifier la course ayant donné lieu au dépôt de plainte et de contester la matérialité des faits qui lui sont reprochés ; que, si M. A...fait valoir qu'il ne conduisait pas son véhicule ce soir-là, il ne l'établit pas par la production de trois attestations dépourvues de caractère probant dès lors qu'elles sont attribuées à trois personnes différentes mais comportent la même écriture, ne sont pas accompagnées de document d'identité permettant de les authentifier, et sont rédigées en des termes évasifs ; que, dans ces conditions, l'exactitude matérielle des faits reprochés à M. A...est établie ; que, par ailleurs, le préfet s'est également fondé sur l'existence d'infractions antérieures, à la fois nombreuses et variées et ayant donné lieu à un avertissement le 27 septembre 2006, au retrait de sa carte professionnelle pour une durée de soixante jours ferme et quatre-vingt dix jours avec sursis le 11 janvier 2007, au retrait de sa carte professionnelle de neuf mois fermes le 19 octobre 2012, au retrait de sa carte professionnelle pour une durée de trois mois fermes le 20 novembre 2013, enfin au retrait de sa carte professionnelle pour une durée de 365 jours le 30 décembre 2014 ; que dans ces conditions, compte tenu de la progressivité qui ressort des sanctions prononcées à l'encontre de l'intéressé et eu égard à la circonstance que les infractions du 7 juin 2015 ont été commises alors que la dernière sanction de retrait de carte professionnelle était encore en cours, le retrait définitif de sa carte professionnelle ne présente pas en l'espèce un caractère disproportionné ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté contesté ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une quelconque somme au bénéfice du conseil de M. A...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 20 novembre 2018.
Le rapporteur,
E. PENALe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
A. DUCHER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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