Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 16 janvier 2019, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Paris.
Le préfet de police soutient que :
- il ne saurait lui être reproché un défaut d'examen sérieux dès lors que son séjour en Italie a été pris en compte, que les autorités de cet Etat ont été saisies d'une demande de réadmission et que l'arrêté rend possible un renvoi en Italie ;
- les autres moyens invoqués par M. A...dans ses écritures de première instance ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M. A...qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Bernier, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., de nationalité égyptienne, a été interpellé dans le cadre d'un contrôle d'identité le 26 novembre 2018 alors qu'il se trouvait à la gare de Lyon. Par arrêté du
26 novembre 2018, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination et a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire. Le préfet de police relève appel du jugement du 30 novembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.
Sur le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Paris :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ". Aux termes de l'article L. 531-1 de ce code : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne, en vigueur au 13 janvier 2009 (...) ".
3. Il ressort des dispositions qui précèdent que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou du deuxième alinéa de l'article
L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagé l'autre. Toutefois, si l'étranger demande à être éloigné vers l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de reconduire en priorité l'étranger vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat.
4. Il ressort des pièces du dossier que, lors de son interpellation, M. A...était dépourvu de visa l'autorisant à entrer en France et n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité et relevait ainsi du cas où, en application des dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une obligation de quitter le territoire français pouvait être prise à son encontre. Si l'intéressé a explicitement indiqué lors de son audition qu'il souhaitait être reconduit en Italie où il avait l'intention de déposer une demande de renouvellement de son titre de séjour, il ressort des pièces versées par le préfet de police que ce dernier a tenu compte de cette demande et a adressé, le 28 novembre 2018, une demande de réadmission auprès des services du centre de coopération policière et douanière de Vintimille. C'est donc sans entacher sa décision d'illégalité que le préfet de police, qui a ainsi examiné la possibilité d'une réadmission de M. A...en Italie, a procédé à son éloignement en application des dispositions de l'article L. 511-1 précité. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a retenu le moyen tiré du défaut d'examen pour annuler l'arrêté contesté.
5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A...devant le tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens :
6. L'arrêté en litige vise les textes applicables, notamment le 1° du I de l'article
L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8 et la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 et notamment ses articles 19, 20 et 21. Pour prononcer à son encontre l'obligation de quitter le territoire, le préfet de police a indiqué que M. A...ne pouvait justifier être entré régulièrement sur le territoire, qu'il était actuellement dépourvu de titre de séjour en cours de validité et n'avait pas respecté les exigences de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. De plus, pour refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire à M.A..., le préfet de police a retenu qu'il existait un risque que l'intéressé se soustraie à l'obligation de quitter le territoire dès lors que, n'ayant pas déclaré le lieu de sa résidence effective, il ne présentait pas de garanties suffisantes de représentation. Si l'intéressé soutient que l'arrêté aurait dû indiquer qu'il était en France en qualité de touriste, qu'il possédait un passeport en cours de validité et se rendait en Italie, l'arrêté qui comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement est suffisamment motivé.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, aux termes de l'article 21 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 visée ci-dessus : " 1. Les étrangers titulaires d'un titre de séjour délivré par une des Parties contractantes peuvent, sous le couvert de ce titre ainsi que d'un document de voyage, ces documents étant en cours de validité, circuler librement pendant une période de trois mois au maximum sur le territoire des autres Parties contractantes, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a), c) et e) et qu'ils ne figurent pas sur la liste de signalement nationale de la Partie contractante concernée ". Aux termes de l'article 5 de la même convention : " 1. Pour un séjour n'excédant pas trois mois, l'entrée sur les territoires des Parties contractantes peut être accordée à l'étranger qui remplit les conditions ci-après : / a) Posséder un document ou des documents valables permettant le franchissement de la frontière, déterminés par le Comité exécutif ".
8. Il ressort des pièces du dossier que, lors de son interpellation M. A...n'était plus en possession d'un titre de séjour délivré par une Partie contractante au sens de l'article 21 précité, dès lors que son titre de séjour italien était périmé depuis le 23 janvier 2018 et qu'il ne justifie pas avoir entrepris des démarches en vue de son renouvellement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions doit être écarté.
9. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le préfet de police, en se fondant sur le 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur l'article L. 531-1 du même code n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
10. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à exciper, au soutien de sa demande tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire.
En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
11. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. ".
12. Il ressort des pièces du dossier que M.A..., qui selon ses dires réside habituellement en Italie mais dont le titre de séjour italien est expiré et qui n'a pas fourni à l'administration l'adresse de l'ami chez qui il a déclaré habiter pendant son séjour en région parisienne, ne présente pas de garantie de représentation en France. Dans ces conditions, et alors même que M. A...avait manifesté l'intention de repartir en Italie, c'est sans erreur que le préfet de police a estimé qu'il existait un risque que l'étranger se soustraie à l'obligation de quitter le territoire.
13. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 26 novembre 2018 faisant obligation à M. A...de quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire et fixant le pays à destination.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1821652 du 30 novembre 2018 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 14 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 28 mai 2019.
Le rapporteur,
Ch. BERNIERLe président,
M. BOULEAULe greffier,
A. DUCHER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 19PA00227