Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 février 2020 et 20 août 2020, Mme B... épouse A..., représentée par Me Carrère, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 5 juin 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- seul l'État est compétent pour définir les obligations de service des enseignants, en application des articles 13 et 14 de la loi du 27 février 2004 ; par conséquent, son service d'enseignement est de vingt-quatre heures hebdomadaires, ainsi que le prévoit l'article 1er du décret du 30 juillet 2008, et non de vingt-sept heures, ce dernier volume horaire correspondant à la durée hebdomadaire des cours dont doivent bénéficier les enfants scolarisés, telle qu'elle a été fixée par le gouvernement de la Polynésie française ;
- les dispositions de l'article 3-2 du décret du 30 juillet 2008 relatives au bénéfice d'un temps de récupération lui sont applicables, dès lors qu'un service d'enseignement hebdomadaire supérieur à ses obligations réglementaires lui a été imposé.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 23 mai 2020 et 10 septembre 2020, le vice-recteur de la Polynésie française conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... épouse A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
La clôture de l'instruction est intervenue le 9 juin 2021.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- le décret n° 90-680 du 1er août 1990 ;
- le décret n° 2003-1260 du 23 décembre 2003 ;
- le décret n° 2008-775 du 30 juillet 2008 ;
- l'arrêté n° 797 CM du 24 juillet 1996 fixant la durée hebdomadaire de la scolarité dans les écoles maternelles et élémentaires et la répartition des horaires par discipline dans les écoles élémentaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... épouse A... est professeur des écoles en Polynésie française. Elle a demandé au vice-recteur de la Polynésie française, par un courrier reçu le 5 avril 2019, le bénéfice d'un temps de récupération égal aux heures de service qu'elle estime avoir accomplies au-delà de ses obligations statutaires. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par le vice-recteur sur cette demande le 5 juin 2019. Mme B... épouse A... relève appel du jugement du 12 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article 7 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française : " Dans les matières qui relèvent de la compétence de l'Etat, sont applicables en Polynésie française les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin. / Par dérogation au premier alinéa, sont applicables de plein droit en Polynésie française, sans préjudice de dispositions les adaptant à son organisation particulière, les dispositions législatives et réglementaires qui sont relatives : (...) / 5° Aux agents publics de l'Etat ; ". Aux termes de l'article 13 de la même loi : " Les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'Etat par l'article 14 et celles qui ne sont pas dévolues aux communes en vertu des lois et règlements applicables en Polynésie française. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 14 de cette loi : " Les autorités de l'Etat sont compétentes dans les seules matières suivantes : (...) / 11° Fonction publique civile et militaire de l'Etat ; (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 30 juillet 2008 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants du premier degré : " Les personnels enseignants du premier degré sont tenus d'assurer, sur l'ensemble de l'année scolaire : / 1° Un service d'enseignement de vingt-quatre heures hebdomadaires ; (...) ". Aux termes de l'article 3-2 du même décret : " I. - Les personnels enseignants du premier degré chargés soit de fonctions de remplacement soit de l'accomplissement d'un service hebdomadaire partagé entre plusieurs classes d'une même ou de différentes écoles assurent les heures d'enseignement auxquelles les élèves des classes où ils interviennent ont droit. / (...) II. - Les heures d'enseignement accomplies au cours de l'année scolaire en dépassement des obligations de service hebdomadaire auxquelles ils sont tenus en application de l'article 1er du présent décret donnent lieu, au cours de cette même année, à un temps de récupération égal au dépassement constaté. Les modalités qui régissent les temps de récupération sont arrêtées par l'autorité académique après avis du comité technique spécial départemental et leur mise en œuvre donne lieu à un bilan annuel. (...) ".
4. Enfin, en vertu du décret du 23 décembre 2003 fixant les dispositions statutaires applicables aux professeurs des écoles du corps de l'État créé pour la Polynésie française, ces derniers sont soumis, sous réserve des dispositions qu'il prévoit, au décret du 1er août 1990 relatif au statut particulier des professeurs des écoles. Les décrets du 23 décembre 2003 et du 1er août 1990 ne fixent pas les obligations de service d'enseignement des professeurs des écoles.
5. Si l'arrêté n° 797 CM du 24 juillet 1996 fixant en Polynésie française la durée hebdomadaire de la scolarité dans les écoles maternelles et élémentaires et la répartition des horaires par discipline dans les écoles élémentaires prévoit que " La durée hebdomadaire de cours dispensés à l'école maternelle et à l'école élémentaire est fixée à vingt-sept heures (27 h) / Ce volume horaire est ramené à vingt-trois heures trente minutes (23 h 30 mn) durant les neuf semaines incluant la demi-journée de concertation pédagogique ", ces dispositions, prises dans le cadre de la compétence exclusive du territoire en matière d'organisation du service de l'enseignement primaire, ne déterminent que les heures d'enseignement reçus par les élèves. Elles n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de déterminer l'obligation statutaire de service des professeurs des écoles du corps de l'État créé pour la Polynésie française, matière qui relève de la compétence exclusive de l'État.
6. Il résulte donc de ce qui précède que l'obligation faite à Mme B... épouse A... d'assurer un service hebdomadaire de vingt-sept heures d'enseignement est dépourvue de base légale. Toutefois, si, à l'appui de sa demande de récupération, la requérante demande qu'il soit fait application des dispositions du II de l'article 3-2 du décret du 30 juillet 2008 citées au point 3 du présent arrêt, elle ne satisfait pas aux conditions posées par le I de cet article qui réservent le bénéfice de cette récupération aux seuls enseignants qui ont été chargés de fonctions de remplacement ou qui ont partagé leur service hebdomadaire entre plusieurs classes d'une même ou de différentes écoles. Elle n'est donc pas fondée à se prévaloir de ces dispositions pour solliciter le bénéfice d'un temps de récupération, alors qu'en tout état de cause, en application de l'article 2 du décret du 23 décembre 2003, une telle demande aurait dû être adressée au ministre du gouvernement de la Polynésie française chargé de l'éducation, compétent pour prendre les décisions relatives à la gestion et à la carrière des professeurs des écoles autres que celles limitativement énumérées au premier alinéa de cet article.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... épouse A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par Mme B... épouse A... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... épouse A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... épouse A... et au vice-recteur de la Polynésie française.
Copie en sera adressée pour information à la Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2021.
La rapporteure,
G. C...Le président,
I. LUBENLa greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA00533