Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 décembre 2020, le préfet de police demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. B....
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que son arrêté méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les autres moyens soulevés par M. B... en première instance ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M. B..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant vietnamien, est entré en France en 2010 muni d'un visa long séjour étudiant. Il a ensuite bénéficié de plusieurs titres de séjour en cette qualité, mais n'a pas sollicité le renouvellement de son dernier titre, qui expirait le 28 février 2019. Par un arrêté du 4 mars 2020, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Le préfet de police demande à la cour d'annuler le jugement du 18 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ainsi que la décision du 25 mai 2020 par laquelle il avait rejeté le recours gracieux formé par M. B....
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Pour annuler l'arrêté du 4 mars 2020, le tribunal a notamment estimé que le préfet de police avait méconnu les stipulations précitées dès lors que M. B... était entré en France en 2009, avait disposé de titres de séjour en qualité d'étudiant jusqu'en février 2019 et était père de deux enfants nés en 2013 et 2016 sur le territoire français. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé, entré en France le 7 octobre 2010 mais ne parlant pas le français, n'a pas sollicité le renouvellement de son dernier titre de séjour et s'est marié en 2013 au Vietnam avec une compatriote également dépourvue de titre de séjour. Si le couple ne déclare aucun revenu, les époux sont associés d'une société ayant pour activité la vente de vêtements depuis 2018, alors qu'il apparaît, aux termes d'une ordonnance de saisie pénale du 3 mars 2020 versée au dossier de première instance, que le couple B... organisait depuis plusieurs années un commerce frauduleux de produits de luxe vers le Vietnam ; lors de l'enquête préliminaire menée en 2020, les achats de marchandises entre 2013 et 2019 ont été chiffrés à plus de six millions d'euros, et les éléments retrouvés dans les ordinateurs et téléphones du couple permettent d'établir qu'ils ont travaillé avec au moins 181 identités différentes pour organiser le trafic mis à jour, lequel leur a permis d'obtenir des remboursements indus de TVA pour un montant estimé à 617 058,74 euros. Dans ces conditions, qui démontrent l'absence d'intégration de M. B... en France, et eu égard au jeune âge de ses enfants, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a accueilli le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté du 4 mars 2020.
4. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal :
5. En premier lieu, Mme E... C..., adjointe au chef de section des reconduites à la frontière à la préfecture de police, a reçu, par arrêté n° 2020-00117 du 31 janvier 2020, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 7 février 2020, délégation pour signer les décisions portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.
6. En deuxième lieu, il ressort des termes de l'arrêté contesté que, pour obliger M. B... à quitter le territoire français, le préfet de police s'est fondé sur les dispositions du 4° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a notamment constaté que l'intéressé n'avait pas demandé le renouvellement de son titre de séjour et s'était maintenu sur le territoire français. L'arrêté litigieux mentionne dès lors les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.
7. En troisième lieu, si M. B... a bien justifié d'une résidence effective en produisant un contrat de location, contrairement aux mentions de l'arrêté du 4 mars 2020, cet élément est sans incidence sur la légalité dudit arrêté eu égard à ses autres motifs.
8. En quatrième lieu, M. B... soutient que l'arrêté attaqué méconnaît l'ordre public procédural, ainsi que son droit de faire appel et de se défendre devant les juridictions pénales, en méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans la mesure où son compte bancaire a fait l'objet, la veille de l'édiction de l'arrêté attaqué, d'une mesure de saisie conservatoire sur le fondement de l'article 706-153 du code de procédure pénale, et que la mesure d'éloignement sans délai fait obstacle à sa comparution personnelle devant le tribunal qui sera ultérieurement saisi.
9. M. B... n'a toutefois produit aucune convocation en justice. En tout état de cause, l'arrêté contesté portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour n'a ni pour objet ni pour effet de le priver du droit de se défendre devant un tribunal, dès lors qu'il pourra, le cas échéant, s'adresser au tribunal, en vertu de l'article 410 du code de procédure pénale, pour faire valoir qu'il est dans l'impossibilité de comparaître pour une cause indépendante de sa volonté. Par suite, cet arrêté ne méconnaît pas le droit à un procès équitable garanti par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. En dernier lieu, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les motifs exposés au point 3 du présent arrêt.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 4 mars 2020 et que la demande de première instance de M. B... doit être rejetée.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2010777 du 18 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de M. B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2021.
La rapporteure,
G. A...Le président,
I. LUBENLa greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°20PA03998