Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 mai 2019, Mme E..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 octobre 2018 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler les arrêtés des 24 novembre 2015 et 4 février 2016 ;
3°) d'enjoindre à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris de la réintégrer et de la titulariser dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi ;
5°) de mettre à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé et il est entaché d'une contradiction de motifs ;
- les arrêtés mettant fin à son stage en qualité d'aide-soignante de la fonction publique hospitalière ne sont pas suffisamment motivés ;
- elle n'a pas été mise à même de présenter ses observations avant l'édiction de ces décisions ;
- les arrêtés attaqués procèdent au retrait illégal d'une décision créatrice de droits, dès lors qu'elle a bénéficié d'une décision tacite de titularisation à l'issue de sa période de stage ;
- les décisions mettant fin à son stage sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle a subi un préjudice moral qui doit être réparé à hauteur de 5 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 août 2019, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de Mme E... la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables, faute de demande préalable susceptible de lier le contentieux ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
La clôture de l'instruction est intervenue le 9 février 2021.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 22 février 2019.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 97-487 du 12 mai 1997 ;
- le décret n° 2007-1188 du 3 août 2007 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les observations de Mme Pena, rapporteur public,
- les observations de Mme E...,
- et les observations de Me B..., représentant l'AP-HP.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... a été recrutée par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris
le 19 décembre 2011, en qualité d'aide-soignante non titulaire, et son engagement contractuel, initialement conclu jusqu'au 29 février 2012, a été renouvelé à plusieurs reprises. À compter du 1er janvier 2013, elle est nommée stagiaire dans le corps des aides-soignants de la fonction publique hospitalière. Placée en congé de longue maladie du 11 octobre 2013 au 22 décembre 2014, elle a repris son service en qualité de stagiaire le 23 décembre 2014. Par un arrêté
du 30 mars 2015, Mme E... a été autorisée à effectuer un stage complémentaire de six mois à l'issue de la période initiale de stage d'une durée d'un an. Par un arrêté du 24 novembre 2015, le directeur général de l'AP-HP a mis fin à son stage à compter du 3 février 2016. L'exécution de cette décision ayant été suspendue par le juge des référés du tribunal administratif de Melun par ordonnance du 21 janvier 2016, le directeur général de l'AP-HP a pris le 4 février 2016 un nouvel arrêté mettant fin au stage de Mme E... à compter du 5 février 2016. La requérante a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les arrêtés du 30 mars 2015,
du 24 novembre 2015 et du 4 février 2016, d'enjoindre à l'AP-HP de la réintégrer et de la titulariser dans le corps des aides-soignants de la fonction publique hospitalière, et de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral. Par un jugement du 2 octobre 2018 dont Mme E... relève appel, le tribunal a rejeté ses demandes.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Les premiers juges, qui n'étaient pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments de la requérante mais seulement à ceux de ses moyens qui étaient opérants à l'encontre de la décision contestée, ont suffisamment motivé leur jugement. Ils ont mentionné les textes applicables à la situation de l'intéressée puis ont indiqué les motifs pour lesquels, notamment, ils ont estimé que l'appréciation de sa manière de servir n'était pas entachée d'illégalité. Ainsi, le jugement n'est pas entaché d'une insuffisance de motivation. Une éventuelle contradiction de motifs affecterait uniquement le bien-fondé du jugement qui n'est pas, dès lors, entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article 37 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " La titularisation des agents nommés dans les conditions prévues à l'article 29, aux a et c de l'article 32 et à l'article 35 est prononcée à l'issue d'un stage dont la durée est fixée par les statuts particuliers. / Les congés de maladie, de maternité et d'adoption ne sont pas pris en compte dans les périodes de stage. / (...) ". Par ailleurs, l'article 7 du décret du 12 mai 1997 fixant les dispositions communes applicables aux agents stagiaires de la fonction publique hospitalière dispose que : " La durée normale du stage et les conditions dans lesquelles elle peut éventuellement être prorogée sont fixées par le statut particulier du corps dans lequel l'agent stagiaire a vocation à être titularisé. / Sous réserve de dispositions contraires des statuts particuliers et du présent décret, la durée normale du stage est fixée à un an. / Sauf disposition contraire du statut particulier, le stage ne peut être prolongé d'une durée excédant celle du stage normal. / (...) ". Enfin, aux termes de l'article 8 du décret du 3 août 2007 portant statut particulier du corps des aides-soignants et des agents des services hospitaliers qualifiés de la fonction publique hospitalière : " (...) Les candidats dont les services n'ont pas donné satisfaction peuvent, après avis de la commission administrative paritaire, être autorisés à effectuer un stage complémentaire d'une durée maximale d'un an. Si le stage complémentaire a été jugé satisfaisant, les intéressés sont titularisés. / Les candidats qui n'ont pas été autorisés à effectuer un stage complémentaire ou dont le stage complémentaire n'a pas été jugé satisfaisant sont soit licenciés, s'ils n'avaient pas préalablement la qualité de fonctionnaire, soit réintégrés dans leur corps d'origine s'ils étaient fonctionnaires hospitaliers, soit remis à la disposition de leur administration d'origine s'ils étaient fonctionnaires de l'Etat ou fonctionnaires territoriaux. (...) ".
4. D'une part, il résulte des dispositions précitées que l'absence de décision prise par l'administration à l'issue de la période de stage d'un agent, ou à l'issue de la période de stage complémentaire qu'il a, le cas échéant, été autorisé à effectuer, ne saurait avoir pour effet de faire bénéficier à l'intéressé d'une décision tacite de titularisation. Mme E..., nommée stagiaire dans le corps des aides-soignants à compter du 1er janvier 2013, a donc conservé cette qualité jusqu'au 24 novembre 2015, date à laquelle le directeur général de l'AP-HP a mis fin à son stage à compter du 3 février 2016. Cette décision, intervenue après une prorogation de stage en raison d'une absence pour raison médicale puis après la réalisation d'une période de stage complémentaire de six mois, est ainsi intervenue à l'issue du stage et non dans le cours de celui-ci. L'arrêté du 24 novembre 2015, qui n'a pas davantage eu pour objet ou pour effet de prolonger la durée du stage de Mme E..., est par ailleurs fondé sur les insuffisances professionnelles de la requérante et ne revêt pas de caractère disciplinaire ; de ce fait, il n'entre dans aucune des catégories de décisions qui doivent être motivées, notamment en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, ou qui doivent donner lieu à un entretien préalable. Par suite, les moyens tirés d'un défaut de motivation de l'arrêté du 24 novembre 2015 mettant fin au stage de l'intéressée et du non-respect des droits de la défense ne peuvent qu'être écartés. Il en va de même, pour les mêmes motifs, s'agissant des moyens soulevés contre l'arrêté du 4 février 2016 mettant fin au stage de Mme E... à compter du 5 février 2016.
5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le directeur général de l'AP-HP a décidé de ne pas titulariser Mme E... en raison de ses insuffisances professionnelles, caractérisées par des connaissances théoriques insuffisantes, la mise en oeuvre d'actes de soin inappropriés, des problèmes de communication avec ses collègues, une ponctualité irrégulière, un manque d'investissement et une difficulté à accepter les remarques pouvant lui permettre de progresser. Contrairement à ce qu'elle soutient, sa hiérarchie lui a fait part de ces éléments à plusieurs reprises pour lui permettre d'améliorer son travail, au cours du stage puis au cours de la période complémentaire de stage dont elle a bénéficié. Ainsi, il ressort des appréciations formulées à l'occasion d'évaluations professionnelles les 8 juillet 2013 et 2 octobre 2013 qu'elle devait améliorer sa pratique professionnelle, qu'elle ne respectait pas l'intimité et l'autonomie des patients, qu'elle ne signalait pas ses absences, refusait de pratiquer certains soins et ne se conformait pas à l'organisation du travail établie par sa hiérarchie. Si Mme E... fait par ailleurs valoir qu'elle n'a pas été à l'origine d'une altercation survenue au sein de son service le 16 juillet 2013, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de ne pas la titulariser aurait été prise pour ce motif. Dans ces conditions, le directeur général de l'AP-HP, qui ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts, n'a pas, au vu de l'ensemble de ces circonstances, commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la manière de servir de l'intéressée.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés par lesquels le directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris a mis fin à son stage en qualité d'aide-soignante ainsi que ses conclusions à fin d'injonction tendant à sa réintégration et à sa titularisation au sein de la fonction publique hospitalière.
Sur les conclusions indemnitaires :
7. Ainsi qu'il a été dit précédemment, les arrêtés des 24 novembre 2015 et
4 février 2016 mettant fin au stage de Mme E... ne sont pas entachés d'illégalité. En l'absence de faute susceptible d'engager la responsabilité de l'établissement hospitalier, et sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité, les conclusions indemnitaires doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'AP-HP, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme E... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E... le versement d'une somme à l'AP-HP sur le fondement de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... G... épouse E... et à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Jayer, premier conseiller,
- Mme C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2021.
Le rapporteur,
G. C...Le président de la formation de jugement,
Ch. BERNIER
Le greffier,
A. DUCHER
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA01643