Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 1er juin 2017, MmeC..., représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie n° 1600272 du 9 mars 2017 ;
2°) d'annuler la résiliation du marché public n° 98.1.13.F.01.0 de fourniture et de livraison des repas en liaison chaud/froid pour les écoles maternelles et primaires de la commune de
Kaala-Gomen ;
3°) de condamner la caisse des écoles de Kaala-Gomen à lui verser une somme de 19 872 000 francs CFP au titre de son préjudice financier, plus une somme de 1 000 000 francs CFP au titre de son préjudice moral, soit au total 20 872 000 francs CFP, augmentés des intérêts de droit courant à compter de la date de sa réclamation préalable ;
4°) de mettre à la charge de la caisse des écoles de Kaala-Gomen une somme au titre des frais irrépétibles en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) subsidiairement, de ramener la somme allouée à la caisse des écoles au titre des frais irrépétibles à de plus justes proportions ;
6°) en tout état de cause, de fixer le nombre d'unités de valeur attribué à MeB..., intervenant au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- la décision de résiliation a été prise par une autorité incompétente,
- la décision de résiliation est insuffisamment motivée,
- les premiers juges ont commis une erreur de qualification en considérant que le contrat en litige avait été résilié d'un commun accord,
- le détournement de pouvoir est caractérisé,
- l'illégalité de la décision de résiliation lui a causé un préjudice matériel et moral d'un montant total de 20 872 000 francs CFP.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2017, la caisse des écoles de
Kaala-Gomen représentée par Me E...conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 600 francs CFP soit mise à la charge de Mme C...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une lettre du 5 mars 2019, le président de la formation de jugement a informé les parties que la Cour était susceptible, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de soulever un moyen tiré de ce que le jugement serait irrégulier pour n'avoir pas prononcé de non-lieu sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de résiliation et à la reprise des relations contractuelles.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 et la loi n°99-210 du 19 mars 1999 relatives à la
Nouvelle-Calédonie ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 modifiée portant réglementation des marchés publics ;
- le code de justice administrative dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu,
- et les conclusions de MmeA.en Guadeloupe
Considérant ce qui suit :
1. Mme D...C...s'est vu attribuer, le 17 décembre 2013, par la caisse des écoles de Kaala-Gomen, le marché public n° 98.1.13.F.01.0 de fourniture et de livraison des repas en liaison chaud/froid pour les écoles maternelles et primaires de cette commune, ledit marché étant conclu pour une période de trois années à compter du 1er janvier 2014. Par une lettre du 13 février 2013, cosignée par le maire de la commune, président de la Caisse des écoles et MmeC..., cette dernière a pris acte de la décision de la collectivité de résilier le contrat qui les liait.
Mme C...a adressé au maire de la commune de Kaala-Gomen, président de la caisse des écoles, le 13 juillet 2016, une demande tendant à ce qu'elle soit indemnisée, à hauteur de 20 872 000 francs CFP, des préjudices matériel et moral subis du fait de l'illégalité de cette résiliation. Il n'a pas été apporté de réponse à cette demande. Par un jugement du 9 mars 2017, dont Mme C...fait appel, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté les conclusions présentées par l'intéressée tendant à l'annulation de la décision de résiliation et à ce que la responsabilité de la caisse des écoles soit engagée du fait de l'illégalité fautive de cette résiliation.
2. Le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles. Dans un tel cas, lorsqu'il résulte de l'instruction que le terme stipulé du contrat est dépassé durant la durée de l'instance, le juge constate un non-lieu à statuer sur ces conclusions. Dans le cas où la décision de résiliation du contrat a cessé de produire ses effets par le dépassement du terme contractuel avant l'introduction de la requête, les conclusions tendant à contester la validité de la résiliation du contrat et à la reprise des relations contractuelles sont irrecevables.
Sur la recevabilité de l'appel :
3. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 (...) ". Aux termes de l'article R. 811-5 de ce code : " Les délais supplémentaires de distance prévus à l'article R. 421-7 s'ajoutent aux délais normalement impartis (...) ". Aux termes de l'article R. 421-7 du même code : " Lorsque la demande est portée devant un tribunal administratif qui a son siège en France métropolitaine ou devant le Conseil d'Etat statuant en premier et dernier ressort, le délai de recours prévu à l'article R. 421-1 est augmenté d'un mois pour les personnes qui demeurent..., en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.(...) ".
4. Il résulte de ces dispositions combinées que le délai d'appel dont dispose un requérant demeurant.en Guadeloupe Ce délai est un délai franc. Il est constant que le jugement attaqué a été lu le 9 mars 2017 et que la requête de Mme C...a été enregistrée au greffe de la Cour le 1er juin 2017, soit dans le délai de trois mois fixé par ces dispositions. Par suite, et contrairement à ce que soutient la caisse des écoles de la commune de Kaala-Gomen, la requête d'appel formée par l'intéressée n'est pas tardive.
Sur la régularité du jugement attaqué :
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le terme du marché n° 98.1.13.F.01.0, conclu avec Mme C...pour une durée de trois années à compter du 1er janvier 2014, est intervenu le 31 décembre 2016. Par suite, les conclusions à fin d'annulation de la décision de résiliation dudit contrat et, par voie de conséquence, de reprise des relations contractuelles étaient privées d'objet au moment de la lecture du jugement attaqué. Dès lors, il n'y avait pas lieu d'y statuer. Ledit jugement est donc irrégulier en tant qu'il a omis de constater un non lieu à statuer sur ces conclusions.
6. En second lieu, par une lettre du 13 février 2015, cosignée par le président de la caisse des écoles de la commune et MmeC..., cette dernière a indiqué : " Le jeudi
12 février 2015, vous m'avez convoquée à la mairie m'informant de la fin de ce contrat " prestation cuisine " qui nous liait. Je prends acte de cette rupture unilatérale de contrat de prestation ". En se bornant à en " prendre acte ", Mme C...n'a pas manifesté son accord sur le principe de cette résiliation. La lettre du 13 février 2013 doit donc être interprétée comme révélant l'existence d'une décision unilatérale verbale de rupture du contrat par le président de la caisse des écoles prise le
12 février 2015, susceptible en cas d'illégalité d'engager la responsabilité de la Caisse des écoles. Par suite, le jugement est irrégulier en ce qu'il a rejeté pour absence de décision faisant grief les conclusions présentées par Mme C...tendant à ce qu'elle soit indemnisée des préjudices résultant de cette résiliation.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme C...est fondée à soutenir que le jugement dont il est fait appel doit être annulé pour irrégularité sur ces deux points. Il y a lieu par la voie de l'évocation de statuer immédiatement sur les conclusions de la requérante aux fins d'annulation de la décision de résiliation et de reprise des relations contractuelles, et d'indemnisation.
Sur les conclusions aux fins d'annulation et de reprise des relations contractuelles :
8. Les conclusions à fin d'annulation de la décision de résiliation et de reprise des relations contractuelles, ainsi qu'il a été dit au point 2, étant devenues sans objet, il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur la responsabilité de la caisse des écoles :
9. Lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité d'une décision, pour un vice de procédure, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer, en premier lieu, la nature de cette irrégularité procédurale puis, en second lieu, de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, la même décision aurait pu être légalement prise dans son principe, dans le cadre d'une procédure régulière.
10. Mme C...fait valoir à l'appui de ses conclusions tendant à ce que la responsabilité de la caisse des écoles soit engagée que la décision de résiliation serait entachée d'une illégalité fautive en ce qu'elle procéderait d'un détournement de pouvoir. Toutefois, en se bornant à soutenir que ce serait l'élection d'un nouveau maire qui aurait conduit à la résiliation de son contrat, alors qu'il résulte de l'instruction que les conditions d'hygiène dans lesquelles Mme C...travaillait n'étaient pas conformes aux règles en vigueur et qu'ainsi la décision de résiliation répondait à un motif d'intérêt général, l'intéressée n'établit pas l'existence d'un détournement de pouvoir. Dans ces conditions, et à supposer même, comme le soutient l'appelante, que la décision litigieuse aurait été prise par une autorité incompétente et serait entachée d'une insuffisante motivation, ces seules irrégularités de forme et de procédure ne sauraient en tout état de cause être de nature à engager la responsabilité de la caisse des écoles. Par suite, les conclusions indemnitaires de Mme C...doivent être rejetées.
Sur les frais de justice :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la caisse des écoles de la commune de Kaala-Gomen, qui n'est pas la partie perdante à l'instance. Il y n'a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C...la somme réclamée par cette caisse des écoles au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie n° 1600272 du 9 mars 2017 est annulé.
Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de résiliation du marché public n° 98.1.13.F.01.0 de fourniture et de livraison des repas en liaison chaud/froid pour les écoles maternelles et primaires de la commune de Kaala-Gomen et à la reprise des relations contractuelles.
Article 3 : Les autres demandes présentées par Mme C...devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 4 : Les conclusions présentées par la caisse des écoles sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...et à la caisse des écoles de la commune de Kaala-Gomen. Copie en sera adressée au haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er avril 2019.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEU
Le président,
B. EVENLe greffier,
I. BEDR La République mande et ordonne à la ministre des outre-mer, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17PA01582