Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2018, M. B..., représenté par Me Lamine, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1803838/1-3 du 23 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police
du 23 novembre 2017 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et fixant le pays de renvoi ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 20 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle dès lors que le préfet s'est cru lié par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 18 novembre 2015 ;
- il est entaché d'un vice de procédure dès lors que le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour dès lors qu'il justifie d'une présence en France de plus de dix ans ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration en ce qu'il est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 7ème du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 13 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu,
- et les observations de Me Lamine, avocat de M. B....
Considérant ce qui suit,
1. M. A...B..., ressortissant malien, né le 25 novembre 1972, est entré en France le 9 mai 2001 et s'y est maintenu depuis selon ses déclarations. Il a présenté en mars 2017 une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 novembre 2017, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B...fait appel du jugement n° 1803838/1-3 du 23 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne le moyen d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".
3. Il ressort de l'arrêté attaqué que le préfet de police conteste uniquement la présence de l'intéressé en France au cours des années 2008 et 2009. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant, pour justifier sa présence sur le territoire durant ces périodes, produit, pour l'année 2008, des documents médicaux faisant état de plusieurs consultations médicales en France, des ordonnances sur lesquelles apparaissent les tampons des pharmacies françaises où l'intéressé a acheté les traitements prescrits, une radiographie abdominale, des courriers de l'aide médicale d'Etat, des lettres de solidarité transport et des lettres de l'opérateur SFR. Pour l'année 2009, le requérant produit également des documents médicaux attestant d'un suivi régulier chez son médecin en France, des courriers de solidarité transport, ainsi qu'une attestation de prise en charge par le SAMU social de Paris et par Emmaüs. Dans ces conditions, compte tenu du nombre de documents produits, mais également de leur valeur probante et de leur cohérence d'ensemble permettant d'établir la présence de M. B...sur le territoire national depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée, l'appelant est fondé à soutenir que le préfet de police a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ne faisant pas précéder son arrêté de la saisine la commission du titre de séjour.
En ce qui concerne les autres moyens :
4. En premier lieu, en revanche, la décision attaquée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ainsi le moyen tiré de ce qu'elle serait insuffisamment motivée être écarté.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police s'est livré à un examen particulier de la situation personnelle de M.B....
6. En troisième lieu, la circonstance que M. B...justifie d'une résidence en France depuis l'année 2008 ne constitue pas à elle seule une considération humanitaire ou exceptionnelle au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En dernier lieu, enfin, il ressort des pièces du dossier que M. B...est célibataire et sans charge de famille en France. Par ailleurs, il ne soutient pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait, par son refus, porté atteinte au droit de l'intéressé à mener une vie privée et familiale normale doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit également être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M.B..., n'implique pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions du requérant tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, d'enjoindre au préfet de police de soumettre la demande présentée par l'intéressé à la commission du titre de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de justice :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit à la demande présentée à ce titre par M. B...et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Lamine, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1803838/1-3 du 23 mai 2018 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 23 novembre 2017 par lequel le préfet de police a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. B...et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de renvoi sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de saisir la commission du titre de séjour de la demande de M.B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à Me Lamine au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi relative à l'aide juridique, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Lamine, au préfet de police et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er avril 2019.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEULe président,
B. EVENLe greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03416