Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 juin 2017, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le Tribunal administratif de Paris
n° 1701910/8 du 15 février 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- la procédure menée par l'administration pour déterminer l'Etat responsable de la demande d'asile est régie par le seul règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et non par
les dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les moyens soulevés par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2018, M.B..., représenté par
MeA..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête du préfet de police ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à verser à Me A...sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 20 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement n° 603/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- Le rapport de Mme Hamon,
- et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant afghan, né le 1er janvier 1991, s'est présenté à la préfecture de police le 21 novembre 2016 afin d'y déposer une demande d'asile. Le relevé de ses empreintes digitales et la consultation du fichier " Eurodac " ayant révélé qu'il avait été enregistré en Autriche le 6 décembre 2015, le préfet de police a saisi les autorités autrichiennes le 22 novembre 2016, lesquelles ont accepté d'examiner la demande d'asile de M. B...le
24 novembre 2016. Le préfet a en conséquence décidé du transfert de l'intéressé aux autorités autrichiennes par un arrêté du 20 janvier 2017, que M. B...a contesté devant le Tribunal administratif de Paris. Le préfet de police relève appel du jugement du 15 février 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté du
20 janvier 2017 décidant le transfert de M. B...en Autriche.
Sur la légalité de la décision attaquée :
2. Aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B...a bénéficié le 21 novembre 2016, lors de son entretien individuel, ainsi que le permettent les dispositions précitées, des services téléphoniques d'un interprète en langue pachtou émanant de l'organisme d'interprétariat ISM, agréé par l'administration. Si le nom de l'interprète n'a pas été indiqué par écrit au requérant, l'omission d'une telle indication ne saurait être regardée comme ayant privé M. B...d'une garantie et n'a pas été de nature à exercer une influence sur le sens de la décision de transfert attaquée. En conséquence, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la Présidente du Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur l'absence d'indication du nom de l'interprète pour annuler l'arrêté du 20 janvier 2017 décidant la remise aux autorités autrichiennes de M.B....
4. Dès lors il y a lieu, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M.B....
Sur les autres moyens invoqués par M. B...:
5. En premier lieu, la décision portant transfert aux autorités autrichiennes comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté comme manquant en fait.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du
26 juin 2013 : " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend : a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n° 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives ; c) des destinataires des données ; d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1. 2. Dans le cas de personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, les informations visées au paragraphe 1 du présent article sont fournies au moment où les empreintes digitales de la personne concernée sont relevées (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. B...s'est vu remettre, dès le dépôt de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile le 21 novembre 2016, la brochure d'information A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de la demande ' ", la brochure d'information B intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est ce que cela signifie ' ", le guide du demandeur d'asile et la brochure Eurodac, dans une traduction en langue pachtou qu'il comprend. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 29 du règlement 603/203 du 26 juin 2013 doit être écarté.
8. En troisième lieu, si les conditions dans lesquelles un acte administratif est notifié peuvent, dans l'hypothèse d'une notification irrégulière, avoir une incidence sur l'opposabilité des voies et délais de recours, elles restent sans influence sur la légalité de cet acte. Dès lors, si l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que la notification de la décision de transfert à l'intéressé doit notamment mentionner qu'il lui est possible d'avertir ou de faire avertir son consulat, l'omission de cette formalité de notification est sans incidence sur la légalité de la décision de transfert attaquée.
9. En quatrième lieu, aucune disposition ou stipulation n'impose que l'acceptation de la prise en charge de l'intéressé par les autorités autrichiennes fasse l'objet d'une procédure de notification spécifique, distincte de l'arrêté décidant le transfert à ces autorités. M. B...ayant été informé, par la décision attaquée, de la décision d'acceptation des autorités autrichiennes de le prendre en charge, le moyen tiré de l'absence de notification de cette décision d'acceptation de prise en charge doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 20 janvier 2017 décidant la remise aux autorités autrichiennes de M. B.... Par suite, les conclusions à fin d'annulation introduites par l'intéressé, ainsi que celles à fins d'injonction et tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 170910/8 du magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris du 15 février 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. C... B.... Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 mai 2018.
Le rapporteur,
P. HAMONLe président,
B. EVEN
Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 17PA02123