Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 16 novembre 2017, M. A..., représenté par Me Boudjellal, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1608307 du 6 octobre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 25 août 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement du Tribunal administratif de Melun est irrégulier dès lors qu'il n'a pas été mis à même de faire valoir ses observations quant à la substitution de base légale qui a été opérée ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il méconnaît les stipulations des articles 6-1 et 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur de fait en ce qu'il considère qu'il ne rapporte pas la preuve de sa présence en France au titre des années 2009 et 2010 ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet a méconnu le champ d'application de la loi en examinant sa demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Une mise en demeure de produire a été adressée le 8 janvier 2018 au préfet du
Val-de-Marne en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, l'informant qu'une absence de réponse vaudrait acquiescement aux faits exposés dans la requête.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- et les observations de Me Boudjellal, avocat de M. A....
1. M.A..., ressortissant algérien, né le 17 avril 1972, est entré en France le 12 janvier 2003 sous couvert d'un visa de court séjour. Il a présenté une demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 25 août 2016, le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer le certificat de résidence sollicité et lui a fait obligation de quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination. M. A...relève appel du jugement du 6 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant. ".
3. Si le préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas produit d'observations en défense malgré la mise en demeure qui lui a été adressée le 8 janvier 2018, doit être réputé avoir acquiescé aux faits exposés dans la requête en application de l'article R. 612-6 précité, cette circonstance ne dispense pas la juridiction, d'une part, de se prononcer sur les moyens de droit que soulève l'examen de l'affaire, et d'autre part, de vérifier que les faits allégués par le requérant ne sont pas contredits par les autres pièces du dossier.
4. Aux termes des stipulations de l'article 6 alinéa 1er de l'accord franco-algérien
du 27 décembre 1968 modifié : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ".
5. Pour refuser à M. A...la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations précitées de l'article 6 alinéa 1 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, le préfet du Val-de-Marne lui a opposé le caractère insuffisant et peu probant des justificatifs fournis pour établir sa présence au cours des années 2009 et 2010. Or, il ressort des pièces du dossier que M. A...produit, pour chacune des années en cause, de nombreux documents destinés à démontrer qu'il réside habituellement en France depuis le mois d'avril 2006. S'agissant des années 2009 et 2010, seules contestées par le préfet, ces pièces sont constituées d'ordonnances médicales, de courriers et factures émanant, notamment, de son fournisseur d'électricité et d'une feuille de soins. Eu égard à leur nature, les pièces ainsi produites, dont l'authenticité n'est pas contestée en défense, et qui sont toutes libellées au nom de l'intéressé et à une même adresse, établissent sa présence en France au titre de ces deux années. Par suite, M. A...établissant résider depuis plus de dix ans en France à la date de l'arrêté attaqué, il est fondé à soutenir que le préfet du Val-de-Marne a méconnu les stipulations de l'article 6 alinéa 1 de l'accord franco-algérien modifié précité en refusant de lui délivrer un titre de séjour.
6. Il résulte dès lors de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. A...un titre de séjour. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de délivrer à M. A...un certificat de résidence algérien, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1608307 du 6 octobre 2017 et l'arrêté du 25 août 2016 par lequel le préfet du Val-de-Marne a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A...et lui a fait obligation de quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de délivrer à M. A...un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M.B... A..., au préfet du Val-de-Marne et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu , premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 mai 2018.
Le rapporteur,
P. HAMON
Le président,
B. EVEN
Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
4
N° 17PA03512