Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 février 2018 et le 17 juillet 2018, la société de navigation des Australes TUHAA PAE, représentée par Me B... puis par Jurispol, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la Polynésie française au versement de la somme de 59 508 559 francs CFP en règlement de vingt factures de fret impayées ;
2°) de condamner la Polynésie française au versement de cette somme ;
3°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la possibilité de facturer les produits réfrigérés au volume est restée applicable jusqu'à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 28 octobre 2016 ; le choix entre la facturation au poids ou au volume est fait par le transporteur maritime et à son avantage ;
- la possibilité d'une facturation au volume ne peut pas avoir fait l'objet d'une abrogation par désuétude dès lors qu'une telle abrogation n'existe pas en droit français et qu'en outre, une telle facturation est toujours possible pour les produits non réfrigérés ;
- la facturation au volume ne lui a pas procuré un enrichissement sans cause dès lors que le transport constitue la contrepartie du montant de ses factures.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 mars 2018 et le 28 juin 2019, la Polynésie française conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société de navigation des Australes TUHAA PAE la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- la délibération n° 95-118 AT du 24 août 1995 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société de navigation des Australes TUHAA PAE a demandé à la Polynésie française, en septembre 2016, le remboursement de factures correspondant au transport de fret de produits de première nécessité, sur le fondement de la délibération n° 95-118 AT du 24 août 1995 relative à la prise en charge par la Polynésie française du fret du coprah, des produits de première nécessité, de l'eau embouteillée et d'autres produits contribuant au développement économique et social des îles autres que Tahiti. Par un jugement du 12 décembre 2017, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la Polynésie française à lui verser la somme de 59 508 559 francs CFP en règlement de vingt factures de fret impayées.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article premier de la délibération n° 95-118 AT du 24 août 1995 relative à la prise en charge par la Polynésie française du fret du coprah, des produits de première nécessité, de l'eau embouteillée et d'autres produits contribuant au développement économique et social des îles autres que Tahiti : " Afin de favoriser le développement économique et social des îles du territoire autres que Tahiti, le territoire prend en charge les frais de transport dans les conditions fixées par la présente délibération de certains produits entre Tahiti et les autres îles du territoire ou entre les îles de la Polynésie française y compris lorsque ce transport est réparti, pour les mêmes marchandises, entre plusieurs armateurs. Les armateurs auprès desquels est réalisée cette prise en charge sont tenus d'appliquer les tarifs de fret maritime résultant de la réglementation en vigueur. ". L'arrêté n° 767 CM du 20 juin 2012 fixant les tarifs maximaux de fret et de passages maritimes en Polynésie française, dans sa version applicable à la présente affaire, prévoit que la facturation des " marchandises en frigo " y compris les produits de première nécessité s'effectue soit en kilogramme soit en litre soit en décimètre cube.
3. Il résulte de ces dispositions que si les transporteurs maritimes ont la possibilité de calculer le montant du fret en fonction soit du poids des marchandises soit de leur volume, il leur appartient de justifier tant de la réalité de la prestation exécutée que du montant de la somme dont ils demandent la prise en charge, en présentant notamment tous éléments et documents utiles de nature à établir que la somme en question correspond à l'étendue de la prestation de transport maritime qu'elle a pour objet de rémunérer.
4. La société de navigation des Australes TUHAA PAE a présenté à la Polynésie française des factures relatives à du fret de produits de première nécessité, calculées au volume pour un montant de 59 508 559 francs CFP, soit un montant représentant près du double des frais de transport calculés au poids. Cependant, il ressort des pièces du dossier que la société requérante a procédé, au bénéfice d'opérateurs privés, à la facturation au poids de marchandises similaires à celles faisant l'objet du fret dont elle demande le remboursement. Elle ne fait état d'aucune circonstance particulière liée au transport des marchandises en litige de nature à justifier le coût supplémentaire résultant de l'option de facturation au volume du fret objet du remboursement. Par suite, la Polynésie française a pu, à bon droit, refuser le remboursement des factures en litige pour cette raison.
5. Il résulte de ce qui précède que la société de navigation des Australes TUHAA PAE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société de navigation des Australes TUHAA PAE, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société de navigation des Australes TUHAA PAE la somme demandée par la Polynésie française, au même titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société de navigation des Australes TUHAA PAE est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la Polynésie française présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la Société de navigation des australes TUHAA PAE et à la Polynésie française.
Copie en sera adressée au Haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., président,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 9 octobre 2020.
Le rapporteur,
C. C...La présidente,
M. A...Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18PA00489