Par un jugement n° 1318516/3-3 du 15 juillet 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de l'Etablissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Elysées (RMN-GP), dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les appels en garantie formés par MM. D...etH..., les sociétés SETEC Travaux publics et industriels, Verre et Métal, Eiffage construction métallique etI..., et a mis à la charge définitive de RMN-GP les frais de l'expertise.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 19 septembre 2016, le 2 novembre 2017 et le 11 décembre 2017, l'Etablissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Elysées, représenté par MeQ..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1318516/3-3 du
15 juillet 2016 ;
2°) de condamner solidairement M.D..., la sociétéI..., la société SETEC Travaux Publics et M. H...à lui verser une somme de 4 194 539,30 euros TTC, majorée des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts ;
3°) de mettre à la charge solidaire des mêmes défendeurs le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier car il n'a pas tenu compte de la note en délibéré du 22 juin 2016 alors qu'elle faisait état de faits survenus postérieurement à la clôture de l'instruction ;
- la responsabilité décennale du groupement de maîtrise d'oeuvre est engagée compte tenu de la gravité des désordres compromettant l'étanchéité de la verrière, qui n'étaient pas apparents à la réception des travaux et rendent l'ouvrage impropre à sa destination ;
- les travaux de rénovation de la verrière auraient dû garantir l'étanchéité de celle-ci ;
- il n'a pas accepté le risque d'une verrière non étanche à l'issue des travaux ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité contractuelle du groupement de maîtrise d'oeuvre est engagée à raison de ses fautes commises lors de l'assistance aux opérations de réception.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2016, MM. R...D...et N...H..., représentés par MeC..., demandent à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, de limiter aux montants hors taxes les indemnités allouées à RMN-GP et de condamner les sociétés SETEC, I..., Gallozzi, Inex, Van Mullem, Socotec, Eiffage Construction Métallique et Verre et Métal à les garantir des condamnations prononcées à leur encontre ;
3°) de mettre les dépens à la charge de tout contestant.
Ils soutiennent que :
- il n'y a pas d'atteinte à la solidité de l'ouvrage, ni d'impropriété à sa destination ;
- la verrière n'a jamais été conçue comme pouvant être étanche, ni à l'origine, ni à l'issue des travaux en cause ;
- le risque d'infiltrations a été accepté par le maître d'ouvrage ;
- les autres membres du groupement de maîtrise d'oeuvre doivent les garantir du fait de leur participation à l'acte de construire ;
- les entreprises chargées de réaliser les lots " couverture " et " métallerie " doivent également les garantir pour manquement à leur obligation de conseil et à raison des défauts d'exécution des travaux ;
- le groupement de maîtrise d'oeuvre n'a pas commis de faute dans l'assistance aux opérations de réception ;
- le quantum des préjudices n'est pas justifié.
Par un mémoire enregistré le 30 janvier 2017, la société SETEC Travaux Publics et Industriels, représentée par MeL..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la RMN-GP ;
2°) de rejeter les appels en garantie formés par MM. D...et H...et par la société I...à son encontre ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement M.D..., M.H..., les sociétésI..., Eiffage Métal, Verre et Metal, Socotec et la RMN-GP à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
4°) de mettre à la charge solidaire des mêmes défendeurs le versement de la somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les désordres ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage et ne le rendent pas impropre à sa destination ;
- le risque d'infiltrations d'eaux était connu et accepté par le maître d'ouvrage ;
- les préjudices en termes d'exploitation de l'ouvrage sont minimes ;
- la responsabilité contractuelle de la maître d'oeuvre n'est pas engagée ;
- à titre subsidiaire, elle n'est intervenue en qualité de bureau d'études techniques qu'au titre des fondations, maçonneries, charpentes et ossatures métalliques et les désordres ne lui sont donc pas imputables ;
- elle doit être garantie par les architectes et le vérificateur des monuments historiques qui ont conçu les travaux et par les entreprises ayant exécuté les travaux qui ont manqué à leur obligation de conseil et ont mal exécuté certaines prestations.
Par des mémoires en défense enregistrés le 2 février et le 2 novembre 2017, la société Eiffage Métal, venant aux droits de la société Eiffel Construction Métallique, représentée par
MeB..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, de rejeter les conclusions aux fins de garantie formées à son encontre par MM. D...etH... ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, de limiter sa responsabilité à hauteur de 257 088 euros hors taxes ;
4°) en cas de condamnation, de condamner solidairement ou chacun pour sa part,
MM. D...etH..., la société SETEC travaux publics et les entreprises Van Mullem et Galozzi à la garantir ;
5°) en tout état de cause, de mettre à la charge solidaire, ou chacun pour sa part, de
MM. D...etH..., la société SETEC travaux publics, la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement n'est pas irrégulier, les éléments contenus dans la note en délibéré étant analogues à ceux déjà portés à la connaissance du tribunal administratif ;
- l'ouvrage n'est pas impropre à sa destination ;
- la faute commise par le maître d'ouvrage dans la définition de travaux inadaptés aux besoins de l'utilisateur du Grand-Palais est de nature exonératoire ;
- les désordres relatifs aux autres éléments que les closoirs et redans des zones sommitales, dont le coût de réparation est de 257 088 euros HT, ne lui sont pas imputables ;
- en cas de condamnation, MM. D...etH..., la société SETEC travaux publics et les entreprises Van Mullem et Galozzi doivent solidairement la garantir dès lors qu'ils ont concouru aux désordres autres que ceux affectant les closoirs et redans des zones sommitales.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 février 2017, la société Verre et Métal, représentée par MeG..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de rejeter les conclusions aux fins de garantie formées à son encontre ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement Mme D...etH..., la société SETEC Travaux publics et les entreprises Van Mullem et Galozzi à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
4°) en tout état de cause, de mettre à la charge solidaire de MM. D...etH..., de la société SETEC travaux publics et des entreprises Van Mullem et Galozzi la somme de
15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucune étanchéité totale n'étant requise des entreprises, sa responsabilité ne peut être engagée, les désordres ne lui étant pas imputables ;
- l'ouvrage n'est pas impropre à sa destination ;
- le maître d'ouvrage a accepté le risque d'un défaut d'étanchéité ;
- elle n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses prestations sur le seul lot n° 6.
Par un mémoire enregistré le 29 août 2017 la société Idex, venant aux droits de la société Miege et Piollet, représentée par Me J...demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, de rejeter les conclusions aux fins de garantie formées à son encontre ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner solidairement M.D..., M.H..., les sociétés SETEC, Van Mullem et Galozzi à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de toute partie succombante le versement de la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le défaut d'étanchéité a été accepté par la maîtrise d'ouvrage ;
- les désordres ne portent pas atteinte à la solidité de l'ouvrage ;
- l'ouvrage n'est pas impropre à sa destination ;
- la responsabilité contractuelle des maîtres d'oeuvre n'est pas engagée dès lors qu'ils n'ont pas manqué à leur obligation de conseil ;
- à titre subsidiaire, elle n'a commis aucune faute dans la réalisation de ses prestations.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2017, la société Socotec France, représentée par MeE..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de rejeter les conclusions en garantie formées à son encontre par MM. D...etH... ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner MM. D...etH..., et les sociétés I...et Setec à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
4°) de mettre à la charge de la RMN-GP ou, à défaut, solidairement, de MM.D..., et H...et des sociétés I...et Setec, le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
5°) de mettre les dépens à la charge de la RMN-GP ou de tout succombant.
Elle soutient que :
- la solidité de l'ouvrage n'est pas compromise ;
- en qualité de contrôleur technique elle n'a commis aucune faute délictuelle ;
- elle doit être garantie par la maîtrise d'oeuvre, seule responsable à raison de la conception des travaux ;
- les préjudices de RMN-GP ne sont pas établis au-delà des chiffres avancés par l'expert.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 octobre 2017, la sociétéI..., représentée par MeP..., demande à la Cour :
1°) de mettre en cause le ministre de la culture et de la communication ;
2°) de rejeter la requête ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement MM. H...et D...et la société SETEC à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
4°) de condamner l'Etat à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
5°) de mettre les frais de l'expertise à la charge solidaire de RMN-GP, de MM. H...et D...et de la société SETEC ;
6°) de mettre à la charge solidaire de RMN-GP, de MM. H...et D...et de la société SETEC une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les vérificateurs des monuments historiques étant des fonctionnaires, elle a droit à la protection fonctionnelle du ministère de la culture et de la communication ;
- le jugement est régulier ;
- les désordres ne portent pas atteinte à la solidité de l'ouvrage et ne rendent pas celui-ci impropre à sa destination ;
- elle n'avait pas connaissance des désordres avant la date de la réception ;
- la définition des travaux relevait des seuls architectes et de la société SETEC avec lesquels elle ne peut être condamnée solidairement ;
- le maître d'ouvrage avait connaissance du caractère limité des travaux, qui n'avaient pas pour objet d'obtenir l'étanchéité de la verrière ;
- à titre subsidiaire, elle doit être garantie par les architectes et le bureau d'études qui ont conçu les travaux de remise en état de la verrière.
Par un mémoire enregistré le 3 novembre 2017, la ministre de la culture et de la communication demande à la Cour de rejeter les conclusions formées à son encontre par la sociétéI....
Elle soutient que :
- la société I...est une personne morale de droit privé à l'égard de laquelle l'Etat, qui lui a confié contractuellement une prestation, n'a pas d'obligation de protection fonctionnelle ;
- en tout état de cause, ni la société I...ni M. I...n'ont présenté de demande préalable expresse de protection fonctionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du patrimoine ;
- code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon ;
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public ;
- les observations de Me F... pour l'Etablissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Elysées ;
- les observations de Me C... pour MM. D...etH... ;
- les observations de Me L...pour la société SETEC ;
- les observations de Me O...pour la sociétéI... ;
- les observations de Me A...pour la société Eiffage métal ;
- les observations de Me M...pour la société Verre et Métal ;
- les observations de Me E...pour la société Socotec.
Une note en délibéré, enregistrée le 30 mars 2018, a été présentée pour l'établissement public de la RMN-GP.
Une note en délibéré, enregistrée le 4 avril 2018, a été présentée pour MM. D...etH....
Une note en délibéré, enregistrée le 5 avril 2018, a été présentée pour la sociétéI....
1. Considérant que le ministre chargé de la culture a confié, par un marché public daté du 22 décembre 1995, l'étude des travaux de consolidation des fondations et des maçonneries, de confortation des charpentes et ossatures métalliques et de remise en état des verrières et toitures du Grand-Palais des Champs-Elysées, à un groupement solidaire composé de M.H..., architecte en chef des monuments historiques, mandataire, auquel a succédé M.D..., assisté de M.K..., vérificateur des monuments historiques, aux droits duquel vient la société PhilippeI..., et la société SETEC Travaux publics et industriels, bureau d'études techniques ; que le 28 juin 1999, l'Etat a confié la maîtrise d'ouvrage de ce chantier à l'Etablissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturel (EMOC) ; que, par un marché conclu le 11 juillet 2001, l'EMOC a confié la réalisation du lot n° 2 du marché de rénovation du Grand-Palais, relatif aux charpentes métalliques, aux peintures et aux verrières à la Compagnie française Eiffel Construction Métallique, devenue Eiffage Métal, laquelle a sous-traité les prestations de peinture et de vitrage à la société Dutemple, aux droits de laquelle vient la société Verre et Métal ; que le lot n° 3, " couvertures et métallerie " a été attribué à un groupement conjoint constitué des sociétés Toitures Petit et Fils, devenue société Adheneo, Galozzi Entreprise et Miege et Piollet, devenue Idex Energie, pour les travaux de couverture, et de la société Van Mullem pour les travaux de métallerie ; que, postérieurement à la réception de ces deux lots, prononcée à effet du 31 août 2004, des désordres affectant l'étanchéité des verrières ont été constatés, engendrant des entrées d'eaux pluviales dans la nef centrale ; qu'après avoir obtenu du Tribunal administratif de Paris la désignation d'un expert aux fins de se prononcer sur les causes et l'étendue de ces désordres, ainsi que sur le montant des travaux nécessaires pour y remédier, l'Etablissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Elysées (RMN-GP), venant aux droits de l'EMOC, a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner le groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre à l'indemniser des divers préjudices résultant de ces désordres ; qu'elle relève appel du jugement du 15 juillet 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que, devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de réouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci ; qu'il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser ; que, s'il décide d'en tenir compte, il réouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser ; que, dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit, dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que l'instruction ayant été réouverte par une mesure d'instruction adressée aux parties le 25 mai 2016, la clôture est intervenue trois jours francs avant l'audience du 14 juin 2016 ; que la note en délibéré produite le 22 juin 2016 par la RMN-GP, qui faisait état de désordres survenus entre les mois de janvier 2011 et mars 2016, ne contenait aucun élément de droit ou de fait dont elle n'aurait pas été en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction ; que, par suite, en ne réouvrant pas l'instruction pour communiquer cette note en délibéré les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité ;
Sur la garantie décennale :
4. Considérant qu'il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ;
5. Considérant qu'il est constant que, postérieurement à la réception des travaux en cause, la verrière de la nef du Grand Palais a présenté, depuis le mois de septembre 2005, des défauts d'étanchéité sous la forme d'entrées d'eaux pluviales lors des épisodes de pluies intenses et de vents forts, causées par un défaut de conception des châssis de désenfumage et de ventilation des lanterneaux, l'absence de dispositif de rejet des eaux de pluie sur le couvercle du campanile fermant l'échelle d'accès au terrasson supérieur de la flèche, un défaut de continuité entre les chiens assis et la verrière, un défaut de conception du châssis verrier du campanile, des vitrages trop courts et une dilatation des closoirs et redans dans les zones sommitales ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte d'aucun élément de l'instruction, et notamment pas du rapport de l'expert désigné par le Tribunal administratif de Paris, qui a exclu tout risque de corrosion de la structure de la charpente métallique de la verrière, dont les éléments en fer ont été remplacés par des profilés en aluminium, que ces entrées d'eaux pluviales seraient, compte tenu de leur intensité et de leur fréquence, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage dans un délai prévisible ;
7. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que si les défauts d'étanchéité de la verrière de la nef du Grand-Palais, dont la destination est d'accueillir des expositions et des évènements culturels temporaires, ont engendré des infiltrations d'eaux pluviales provoquant des chutes de gouttes d'eau au sol, ou sur des éléments exposés dans cette nef, à au moins sept reprises entre les mois de septembre 2005 et mars 2016, aucun de ces sinistres n'a donné lieu, au préjudice de la RMN-GP, à un quelconque litige contractuel ou indemnitaire, à l'annulation de la participation d'un exposant ou encore à l'annulation d'une manifestation organisée dans cet espace ; que, dans ces conditions, la RMN-GP n'est pas fondée à soutenir que ces fuites d'eaux pluviales seraient, compte tenu de leur fréquence et de leurs conséquences, de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la RMN-GP n'est pas fondée à demander la condamnation du groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ;
Sur la responsabilité contractuelle :
9. Considérant que la responsabilité des maîtres d'oeuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves ; qu'il importe peu, à cet égard, que les vices en cause aient ou non présenté un caractère apparent lors de la réception des travaux, dès lors que le maître d'oeuvre en avait eu connaissance en cours de chantier ; que l'obligation de conseil des maîtres d'oeuvre lors de la réception des travaux ne se limite pas aux seules défectuosités susceptibles de rendre l'ouvrage impropre à sa destination et d'entrer à ce titre dans le champ de la garantie décennale, mais porte sur l'ensemble des malfaçons apparentes faisant obstacle à une réception sans réserve ;
10. Considérant qu'il est constant que la verrière de la nef du Grand-Palais, classée au titre des monuments historiques, a fait l'objet d'une restauration à l'identique ; qu'il est tout aussi constant, ainsi que l'a relevé l'expert, que cette verrière n'a pas été conçue à l'origine, compte tenu de la nécessité d'en assurer la ventilation et des usages qui en étaient alors prévus, comme étant étanche à l'air et à l'eau ; que cette particularité de l'ouvrage était connue du maître d'ouvrage, qui a été notamment destinataire des rapports du contrôleur technique, la société Socotec, lesquels ont mentionné, dès le 13 juillet 2000, que " la verrière ne sera pas considérée comme étanche à l'eau et à l'air ", puis le 11 mars 2005, lors de l'achèvement des travaux, que
" malgré toutes les précautions prises, un risque d'infiltration d'eau de pluie par grand vent, ou de neige ne peut être exclu en partie haute " ; qu'aucune stipulation du contrat de maîtrise d'oeuvre, ni des contrats de travaux de restauration, qu'ils étaient chargés de suivre, ne mettait à la charge de leurs titulaires des performances minimales de cette verrière en termes d'étanchéité à l'eau de pluie ; que si la RMN-GP soutient que les désordres constatés excèdent le risque d'une absence d'étanchéité parfaite qu'elle avait accepté, aucun élément de l'instruction ne permet d'établir que les désordres mentionnés au point 7 excèderaient, par leur nature et leur fréquence, ce risque dont elle était informée ; qu'enfin, il résulte du rapport d'expertise et il n'est pas sérieusement contesté qu'hormis un défaut affectant la longueur des vitrages au niveau des rives de verrières sur noues au raccord avec le lanterneau central, imputables à un défaut d'exécution, l'ensemble des autres causes techniques de l'infiltration des eaux de pluie est imputable à la conception des travaux de restauration de la verrière ;
11. Considérant que dans ces circonstances particulières, le groupement de maîtrise d'oeuvre n'a pas manqué à son obligation contractuelle en n'appelant pas l'attention du maître d'ouvrage sur ce défaut d'étanchéité de la verrière, dont ce dernier avait connaissance, avant la réception des travaux ; que, par suite, la RMN-GP n'est pas fondée à rechercher la responsabilité contractuelle du groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions indemnitaires de la RMN-GP dirigées contre M.D..., M.H..., la société I...et la société SETEC Travaux Publics doivent être rejetées ;
Sur les conclusions aux fins d'appel en garantie :
13. Considérant qu'en l'absence de toute condamnation prononcée à leur encontre, les conclusions d'appel en garantie formées par M. D...et M.H..., et par les sociétésI..., Setec Travaux Publics, Eiffage métal, Verre et Métal, Idex et Socotec sont sans objet ;
Sur les dépens :
14. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties.(...) " ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la RMN-GP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a mis à sa charge les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 52 211,38 euros TTC par ordonnance du 3 mai 2013 ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.D..., M.H..., la société I...et la société SETEC Travaux Publics qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que RMN-GP demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions formées par M. D...et M.H..., les sociétésI..., SETEC Travaux Publics, Eiffage métal, Verre et Métal, Idex et Socotec sur le fondement des mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'Etablissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Elysées est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les appels en garantie présentés par MM. D...et H...et par les sociétés SETEC Travaux publics et industriels, Eiffage métal, I..., Idex, Socotec et Verre et Métal.
Article 3 : Les conclusions présentées par MM. D...etH..., les sociétés SETEC Travaux publics et industriels, Eiffage métal, I..., Idex, Socotec et Verre et Métal au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Etablissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Elysées, à MM. D...et H...et aux sociétés SETEC Travaux publics et industriels, Eiffage métal, I..., Idex, Socotec et Verre et Métal.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 avril 2018.
Le rapporteur,
P. HAMONLe président,
B. EVEN
Le greffier,
I. BEDRLa République mande et ordonne à la ministre de la culture et de la communication en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA02953