Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 mai 2017 et le 8 juin 2018, la région Ile-de-France, représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1603378/2-1 du 21 mars 2017 ;
2°) à titre principal, de rejeter la demande présentée par la société Centrale Recherche SA devant le Tribunal administratif de Paris ;
3°) à titre subsidiaire, de limiter la condamnation mise à sa charge à la somme de
49 510,11 euros ;
4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la société Centrale Recherche SA le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier, le comité de suivi n'ayant exprimé aucun accord sur la modification des plafonds des postes de dépenses stipulés dans la convention de subventionnement ;
- l'attestation établie le 2 avril 2015 est dépourvue de valeur probante et contredite par les pièces du dossier ;
- la somme attribuée par le tribunal administratif est surévaluée dès lors que seule une augmentation du plafond des dépenses de personnel de 45 843,36 euros, augmentée de 8 % de frais forfaitaires, soit 49 510,11 euros, est établie par l'état financier présenté par la société Centrale Recherche le 22 février 2013 ;
- elle n'a pas manqué de loyauté dans ses relations contractuelles avec la société Centrale Recherche, n'ayant jamais renoncé à l'application de l'article 2.2 de la convention de subventionnement.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 décembre 2017, la société Centralesupélec Exed SA, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la région Ile-de-France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle vient aux droits de la société Centrale Recherche SA ;
- les moyens soulevés par la région ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, la région a manqué à l'obligation de loyauté des relations contractuelles.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,
- les observations de Me B...pour la région Ile-de-France,
- et les observations de Me A...pour la société Centralesupélec Exed.
Une note en délibéré, enregistrée le 20 février 2019, a été présentée pour la région
Ile-de-France.
Considérant ce qui suit :
1. Par une convention datée du 9 septembre 2010, la région Ile-de-France a accordé à la société anonyme Centrale Recherche une aide financière d'un montant total de 280 540 euros en contrepartie de la participation de cette dernière à un projet, intitulé Callisto, de développement d'outils de réalité virtuelle. A l'issue de la période d'exécution de la convention, la région
Ile-de-France a versé à la société Centrale Recherche le solde de cette subvention en tenant compte, s'agissant des dépenses de personnel et frais y afférents, des montants mentionnés à l'annexe financière de la convention, sans tenir compte d'une augmentation des frais de personnels survenue en cours d'exécution. La société Centrale Recherche ayant en vain sollicité le versement, par la région, d'un reliquat de 99 578 euros correspondant aux sommes supplémentaires exposées au titre du poste de dépenses de personnel, elle a saisi le Tribunal administratif de Paris qui, par un jugement du 21 mars 2017, a fait droit à sa demande en condamnant la région à lui verser la somme précitée de 99 578 euros, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation. La région Ile-de-France fait appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article 2 fixant les conditions générales de la convention précitée du 9 septembre 2010 : " Modification du programme - 2.1 Le bénéficiaire doit notifier par écrit, à la Région, les modifications n'altérant pas l'objet, les délais et la correcte exécution de la présente convention. Celles-ci sont admises : - de plein droit, à la double condition que la Région, n'ait pas fait opposition dans le délai d'un mois à compter de leur réception et que leur incidence sur chacun des postes de la répartition soit inférieure à 5 % du montant total du programme. En cas d'opposition de la Région et la collectivité [en cas de cofinancement], les dépenses prises en compte pour le calcul des versements intermédiaires comme du solde final sont plafonnées, pour chaque catégorie de dépenses, au montant du poste correspondant dans la répartition prévue à l'annexe financière à la présente convention ; - après l'obtention d'un avis favorable de la Région, sur demande du bénéficiaire, lorsque l'incidence de la modification, tout en excédant les seuils visés ci-dessus, reste inférieure, pour chaque poste concerné, à 15 % du montant total du programme. Faute d'un avis favorable écrit de la Région, les dispositions prévues à l'alinéa précédent en cas d'opposition s'appliqueront. (...) 2.2 Toute autre modification doit être notifiée par écrit, par le bénéficiaire à la Région et ne sera éventuellement avalisée que par la conclusion d'un avenant à la présente convention ou d'un avis favorable du comité de suivi du projet. Faute de conclusion d'un tel avenant ou de l'avis favorable du comité de suivi, la convention est soldée en l'état. ".
3. En premier lieu, il est constant qu'à la suite de l'embauche par la société Centrale Recherche, courant 2012, de deux ingénieurs de recherche aux lieu et place d'un post-doctorant tel qu'il était initialement prévu dans l'annexe financière à la convention précitée, le solde de la catégorie de dépenses relatives aux salaires a subi une augmentation supérieure à 15 % et relevait, dès lors, de la procédure de notification et d'approbation définie par l'article 2.2 précité de cette convention. Il résulte de l'instruction, et notamment des termes du procès-verbal de la réunion du comité de suivi du 22 février 2013, ainsi que de ses quatre annexes, que lors de cette réunion, à laquelle le représentant de la région, convoqué, n'a pas assisté, le comité, s'il a été informé par la société Centrale Recherche d'une modification de ses dépenses salariales, n'a pas été informé du montant de cette modification, ni de la proportion du total de cette catégorie de dépenses qu'elle représentait. Lors de cette même réunion, ce comité n'a par ailleurs pris une décision qu'au sujet de l'ajustement du calendrier d'exécution des conventions de financement des différentes entités participant au projet Callisto. L'attestation établie par la représentante de l'une des sociétés financées dans le cadre du projet Callisto, qui mentionne que la société Centrale Recherche a " présenté une demande de modification de répartition du budget", que cette " demande " a été soutenue en comité de pilotage par le consortium, lequel ne regroupe que les entreprises financées à l'exclusion des financeurs tels que la région, et enfin que " cette modification de budget (...) n'a fait l'objet d'aucune objection de la part du comité de suivi, et a été approuvée par ce dernier ", contredite par les éléments précités, n'établit donc pas que ce comité aurait pris, explicitement ou implicitement, une décision d'approbation de cette modification au sens des stipulations précitées de l'article 2.2 de la convention du
9 septembre 2010, compte tenu de l'absence de tout élément chiffré sur cette modification, présenté aux membres du comité avant ou pendant cette réunion. Par suite, la région
Ile-de-France est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que cette modification des dépenses de la société Centrale Recherche devait être regardée comme ayant fait l'objet d'un accord du comité de suivi.
4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par la société Centrale Recherche tant en première instance qu'en appel.
5. La société Centrale Recherche ne peut utilement invoquer la méconnaissance par la région du principe de loyauté des relations contractuelles, au motif que cette dernière aurait tardivement invoqué le non respect de la procédure d'approbation des modifications de ses postes de dépenses, dès lors, d'une part, qu'elle a elle-même tardivement procédé à la notification, écrite et chiffrée, de cette modification à la région et, d'autre part, que le refus d'approbation de cette modification, et par suite le solde de la convention en l'état, résulte de la mise en oeuvre de stipulations convenues entre les parties.
6. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la société Centrale Recherche SA tendant à la condamnation de la région Ile-de-France à lui verser la somme de 99 578 euros correspondant au reliquat d'une subvention, assortie des intérêts capitalisés, doivent être rejetées.
Sur les frais de justice :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la région Ile-de-France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Centralesupélec Exed SA demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Centralesupélec Exed SA une somme de 1 500 euros à verser à la région Ile-de-France sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1603378/2-1 du 21 mars 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société Centrale Recherche SA devant le Tribunal administratif de Paris, ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros est mise à la charge de la société Centralesupélec Exed SA au profit de la région Ile-de-France sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la région Ile-de-France et à la société Centralesupélec Exed SA.
Délibéré après l'audience du 19 février 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
-Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 mars 2019.
Le rapporteur,
P. HAMONLe président,
B. EVENLe greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01701