Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaires, enregistrés les 14 mai et
4 juin 2018, MmeB..., représentée par Me Berdugo, demande à la Cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du 23 mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté 16 mars 2018 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois ;
3°) d'annuler cet arrêté ;
4°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de procéder au réexamen de sa demande, sous astreinte de 150 euros par jour de retard sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Berdugo sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et d'un défaut de motivation ;
- elle est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne présente pas un risque de fuite ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Le préfet a été mis en demeure de produire en défense sur le fondement de l'article
R. 612-3 du code de justice administrative par un courrier du 12 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Hamon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C...B..., ressortissante haïtienne, née le 14 juillet 1963, est entrée en France le 1er mars 2005 sous couvert d'un visa de court séjour. Le préfet du Val-de-Marne l'a, par un arrêté du 16 mars 2018, obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. Mme B...relève appel du jugement du 23 mars 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du
16 mars 2018.
Sur la demande d'aide juridictionnelle :
2. Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 6 septembre 2018. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requérante tendant à l'octroi de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, qui ont perdu leur objet.
Sur la légalité de l'arrêté contesté, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
3. Aux termes de l'article R. 612-3 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ".
4. La requête de Mme B...a été communiquée au préfet le 6 juin 2018 et celui-ci a été mis en demeure de produire ses observations le 12 juillet 2018. Cette mise en demeure est demeurée sans effet. Dans ces conditions, le préfet du Val-de-Marne doit, conformément aux dispositions de l'article R. 612-6 précitées, être réputé avoir admis l'exactitude matérielle des faits allégués par MmeB..., dont l'inexactitude ne ressort pas des pièces du dossier.
5. La requérante fait valoir, sans être contestée, résider en France depuis 2005, et vivre en couple avec M.A..., ressortissant haïtien en situation régulière. Il ressort des pièces du dossier qu'elle justifie de sa présence en France par la production de nombreux documents administratifs, médicaux et de relevés bancaires pour les années 2005 à 2018. Si pour l'année 2008, elle ne produit qu'une attestation de l'aide médicale d'Etat, eu égard à la cohérence d'ensemble de son dossier, elle doit être regardée comme justifiant d'une présence continue depuis 2005, soit depuis treize ans à la date de la décision attaquée. En outre, elle justifie d'une communauté de vie avec M. A...par la production de divers documents, dont un bail d'habitation, établis à leurs deux noms. Dans ces conditions, Mme B...est fondée à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, en fixant le pays de renvoi et en lui faisant interdiction de revenir sur le territoire français pour une durée de douze mois, le préfet du Val-de-Marne a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué retenu par le présent arrêt, il y a lieu de faire droit à la demande présentée par Mme B...et d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision attaquée et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de justice :
8. Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Berdugo, avocat de MmeB..., renonce à percevoir la somme correspondant à la par contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à
Me Berdugo de la somme de 1 500 euros.
DECIDE :
Article 1er: Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle formée par MmeB....
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1802123 du 23 mars 2018 et l'arrêté du 16 mars 2018 sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de procéder au réexamen de la situation de MmeB..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera à Me Berdugo, avocat de MmeB..., une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B..., au préfet du Val-de-Marne, au ministre de l'intérieur et à Me Berdugo.
Délibéré après l'audience du 19 février 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 mars 2019.
Le rapporteur,
P. HAMONLe président,
B. EVENLe greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01629