Procédure devant la Cour :
Par un recours enregistré le 20 février 2019, le ministre de l'intérieur demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 20 décembre 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que les pièces du dossier ne laissaient pas apparaître que M. D... aurait critiqué sa hiérarchie ; cette attitude s'est matérialisée par un refus d'exécuter les ordres et par la menace d'une peine de prison proférée dans les couloirs, dans la suite des mails échangés avec ses supérieurs ;
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que la décision litigieuse était entachée d'erreurs d'appréciation ; le comportement de M. D... est caractérisé par une attitude d'obstruction se traduisant par un refus de participer à une réunion le 19 avril 2016 et un refus de traiter une facture du 23 août 2016 constaté le 19 janvier 2017 ;
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu le caractère disproportionné de la sanction alors que la matérialité des faits est établie, que les états de services de M. D... sont sans incidence sur la légalité de cette sanction et que les agissements de l'intéressé ont manifestement porté atteinte au devoir de dignité, de moralité d'exemplarité et de discernement des agents publics ; une majorité du conseil de discipline s'est prononcé sur la sanction retenue qui n'a aucun rapport avec la dénonciation d'irrégularités supposées auprès du Procureur de la République ;
- sur les moyens développés par le requérant en première instance, il s'en rapporte à ses précédentes écritures ;
Par un mémoire en défense enregistré le 2 mai 2019, M. D..., représenté par le cabinet Athon-Perez, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à la mise à la charge de l'Etat du versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,
- les observations de Me Achard, avocat de M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... D..., attaché principal d'administration au sein du ministère de l'intérieur, exerçait les fonctions d'adjoint au chef du bureau prospective et soutien à la sous-direction de la lutte contre l'immigration irrégulière depuis septembre 2013. Par arrêté du 26 juillet 2017, le ministre de l'intérieur lui a infligé la sanction de l'abaissement d'un échelon aux motifs qu'il avait eu une " attitude irrespectueuse en sa qualité de fonctionnaire, en dénigrant ses collègues et sa hiérarchie ", qu'il avait " également fait obstruction à l'exécution de certaines tâches relevant de ses attributions " et qu'il avait " par son comportement inapproprié, nuit au travail en équipe et à la bonne marche des missions transversales de la structure ". M. D... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 26 juillet 2017, d'autre part, d'enjoindre au ministre de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 20 décembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 26 juillet 2017 et rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. D....
Sur la légalité de l'arrêté du 26 juillet 2017 :
2. Le ministre de l'intérieur soutient en premier lieu, que c'est à tort que les premiers juges ont retenu que les pièces du dossier ne laissaient pas apparaître que M. D... aurait critiqué sa hiérarchie. Il fait valoir que cette attitude s'est matérialisée par un refus d'exécuter les ordres et par la menace à l'égard de sa hiérarchie d'une peine de prison proférée dans les couloirs par l'intéressé. Toutefois, d'une part, le refus d'exécuter des ordres de la part d'un agent, même fautif, ne constitue pas en lui-même une critique de sa hiérarchie. D'autre part, ni les mails échangés par M. D... avec ses supérieurs hiérarchiques, même s'ils peuvent paraître marqués par une attitude de défi de sa part, ni le témoignage non daté de M. B..., rédacteur au bureau de la rétention et de l'éloignement (BRE), selon lequel M. D... dénigrerait l'ensemble des personnels de la sous-direction de la lutte contre l'immigration irrégulière (SDLII) y compris sa hiérarchie et profèrerait publiquement des insultes, en particulier à l'encontre de M. A..., directeur de l'immigration du ministère, ne permettent d'établir avec certitude la matérialité du grief, lequel est contesté par l'intéressé.
3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'attitude d'obstruction reprochée à M. D... n'est établie ni par son refus de participer à une réunion le 19 avril 2016, qu'il a justifié par son refus de se compromettre dans une rencontre qu'il jugeait proscrite par les règles de la commande publique, ni par son refus de traiter une facture du 23 août 2016 correspondant à la parution au JOUE d'un appel d'offre dont M. D... soutient, sans être contredit, qu'il est justifié par le fait que la dépense n'avait pas fait l'objet d'un engagement préalable.
4. En troisième lieu, si M. D... reconnaît avoir critiqué ses collègues du BRE et avoir été dans une vive opposition à leur égard, culminant dans une agression physique dont il a été la victime de la part de l'adjoint au chef du BRE, ces faits et leurs répercussions indéniables sur les relations de travail et le fonctionnement des services concernés sont indissociables du signalement par courrier du 13 février 2017 que M. D... a adressé au Procureur de la République d'irrégularités dans la passation de marchés publics et de la perquisition qui s'en est suivie dans les locaux, le 12 décembre 2017. Ainsi, si le ministre de l'intérieur soutient que " les agissements de l'intéressé ont manifestement porté atteinte au devoir de dignité, de moralité, d'exemplarité et de discernement des agents publics ", ces motifs, qui ne figurent pas dans la décision attaquée, ne sont pas établis et les seuls faits fautifs de dénigrement de ses collègues par M. D... nuisant au travail d'équipe, ne justifient pas la sanction d'abaissement d'un échelon qui lui a été infligée et qui est disproportionnée au regard des griefs dont la matérialité est établie.
5. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 26 juillet 2017 par lequel il a infligé à M. D... la sanction de l'abaissement d'un échelon.
Sur les frais de l'instance :
6. Il y a lieu de faire droit aux conclusions de M. D... et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme E..., présidente,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme Portes, premier conseiller.
Lu en audience publique le 13 novembre 2020.
La présidente-rapporteure
M. E...L'assesseur le plus ancien,
P. MANTZ
Le greffier,
A. BENZERGUA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA00808