Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er mars 2020, Mme D..., représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner, en vertu de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la communication de l'ensemble des documents sur lesquels le préfet a fondé sa décision ;
2°) d'annuler le jugement n° 1907905 du 8 octobre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 août 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'annuler cet arrêté ;
4°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale dès lors qu'elle se fonde sur une décision portant obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 33 de la convention de Genève et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris du 8 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Mach, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F... D..., ressortissante arménienne née le 4 avril 1972, déclare être entrée en France, accompagnée de son fils atteint d'un handicap, le 18 décembre 2017 et a présenté une demande d'asile. Par une décision du 31 août 2018 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 12 avril 2019, sa demande d'asile a été rejetée. Par une décision du 6 août 2019, le préfet du
Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme D... relève appel du jugement du 8 octobre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions tendant à la production, par l'administration, de l'entier dossier de Mme D... :
2. Aux termes de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dès notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger auquel aucun délai de départ volontaire n'a été accordé est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. L'étranger est informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l'article L. 511-1. Ces éléments lui sont alors communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend ".
3. Il ressort de l'arrêté contesté que Mme D... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par suite, elle ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne lui sont pas applicables.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
4. Par un arrêté n° 2017/2634 du 18 juillet 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Val-de-Marne n°13 du même jour, le préfet du Val-de-Marne a donné délégation à M. B... C..., sous-préfet chargé de mission, secrétaire général adjoint de la préfecture du Val-de-Marne, à l'effet de signer notamment les décisions d'obligation de quitter le territoire français prises en application des articles L. 511-1 à L. 511-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté.
5. La décision contestée vise les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique que l'intéressée a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 31 août 2018, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 12 avril 2019. Ainsi, la décision litigieuse comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est suffisamment motivée.
6. Il ne ressort ni des motifs de cette décision, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet du Val-de-Marne n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme D... avant de prononcer une obligation de quitter le territoire français à son encontre. Si l'appelante fait valoir que le préfet du Val-de-Marne n'a pas mentionné l'état de santé de son fils, lequel avait déposé une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade qui lui a été délivré postérieurement à la décision attaquée, cette circonstance n'est pas de nature à établir un défaut d'examen de la situation de l'intéressée, qui avait au demeurant présenté une demande d'asile et non une demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Mme D..., qui déclare être entrée sur le territoire national le 18 décembre 2017 où elle réside avec son fils, ne peut se prévaloir que d'une présence en France de moins de deux ans. Si son fils s'est vu délivrer le 21 octobre 2019, postérieurement à la décision contestée, un titre de séjour d'une durée d'un an à raison de son état de santé, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des pièces médicales afférentes aux examens médicaux de son fils, que son état de santé nécessite la présence de sa mère. A cet égard, le seul certificat médical établi en février 2020, à la demande de Mme D... postérieurement au jugement attaqué, est insuffisamment circonstancié et ne saurait suffire à établir le caractère indispensable de la présence de sa mère à la date de la décision attaquée. L'intéressée n'a en outre pas sollicité de titre de séjour en qualité d'accompagnant d'un étranger malade. Enfin, Mme D... n'allègue pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante-cinq ans. Dans ces conditions, la décision attaquée ne porte pas à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise. Par suite, le préfet du Val-de-Marne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, Mme D... n'est pas davantage fondée à soutenir que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.
10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 9 que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français dont elle a fait l'objet est entachée d'illégalité.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
11. L'arrêté en litige, en tant qu'il fixe le pays de destination, expose les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Il est, dès lors, suffisamment motivé.
12. Il ne ressort ni des motifs de cette décision, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet du Val-de-Marne n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme D....
13. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 que Mme D... n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la mesure d'éloignement dont elle fait l'objet.
14. Ainsi qu'il a été dit au point 9 et pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet du Val-de-Marne aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de celle-ci sur la situation personnelle de l'intéressée doit être écarté.
15. Aux termes de l'article 33 de la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 : " 1. Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
16. En se bornant à soutenir qu'elle a quitté l'Arménie par crainte d'y subir des traitements inhumains ou dégradants, Mme D... n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle encourrait personnellement et directement des risques en cas de retour dans son pays d'origine. Au surplus, sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 31 août 2018, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 12 avril 2019. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève relative au statut des réfugiés et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 30 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., président de chambre,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme Mach, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 novembre 2020.
Le rapporteur,
A-S. MACHLe président,
M. A...Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA00770