Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 mai 2020, M. A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée, rejetant sa demande pour tardiveté, est irrégulière dès lors qu'aucune date de vaine présentation ni motif de non-distribution n'ayant été apposé sur l'accusé de réception du pli recommandé, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme ayant été régulièrement notifié le 22 novembre 2019 ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de situation personnelle, notamment au regard de ses demandes fondées sur les articles L. 313-7 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet de police a estimé qu'il aurait refusé la délivrance d'un titre de séjour mention " étudiant " ;
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au regard notamment de sa forte volonté d'intégration et de son brillant parcours d'études ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, notamment en ce qu'elle l'empêche de poursuivre ses études ;
- les moyens précités doivent être regardés comme dirigés également contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi sont illégales dès lors qu'elles se fondent sur une décision de refus de titre de séjour elle-même illégale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 août 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête, à titre principal pour irrecevabilité de la demande et à titre subsidiaire au fond.
Il soutient que :
- le premier juge a, à bon droit, estimé que la demande de l'intéressé était tardive ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les observations de Me D..., avocat, en présence de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien né le 10 octobre 2000, entré en France en septembre 2016 selon ses déclarations, a sollicité, le 14 octobre 2019, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 20 novembre 2019, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel de l'ordonnance du 15 avril 2020 par laquelle le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 (...) et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 (...) peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / (...) ". Aux termes de l'article R. 775-2 du code de justice administrative relatif au contentieux des décisions de refus de titre de séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français : " Le délai de recours est d'un mois à compter de la notification de la décision attaquée. Il n'est pas prorogé par l'exercice d'un recours administratif préalable ". Enfin, l'article R. 421-5 du code de justice administrative dispose que : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
4. Il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'action introduite devant un tribunal administratif, d'établir que l'intéressé a régulièrement reçu notification de la décision. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet "avis de réception" sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.
5. Il ressort des pièces du dossier que le pli adressé par le préfet de police à M. A... contenant l'arrêté du 20 novembre 2019 lui a été envoyé le 22 novembre 2019 à la dernière adresse indiquée par le requérant, ainsi qu'il résulte du cachet de la poste apposé sur l'enveloppe, puis retourné à la préfecture, accompagné d'un avis de réception revêtu de la mention " pli avisé et non réclamé ". Toutefois, il résulte de l'examen de cet avis, notamment du bordereau intitulé " preuve de distribution ", que la date du 22 novembre 2019 qui y figure n'est pas indiquée dans la case " présenté - avisé le ", qui est vierge, mais dans une autre case devant être remplie par le préposé du service postal lors du dépôt du pli recommandé en vue de son envoi. Dès lors, les mentions figurant sur ce bordereau doivent être regardées comme contradictoires. Ainsi, le pli recommandé contenant la décision litigieuse ne peut être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes permettant d'établir la preuve d'une notification régulière. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le premier juge l'a rejetée comme entachée d'une irrecevabilité manifeste. L'ordonnance attaquée, doit, par suite, être annulée.
6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
7. En premier lieu, l'arrêté vise les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment les dispositions de l'article
L. 511-1. Il mentionne les éléments de la situation personnelle de M. A..., indiquant notamment qu'il est célibataire, sans charge de famille, qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où réside sa mère ainsi que la totalité de sa fratrie et que la circonstance que son père réside régulièrement en France sous couvert d'une carte de résident ne lui confère aucun droit au regard de la législation en vigueur. Il précise également que l'intéressé a refusé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " étudiant ". Si M. A... soutient que le préfet de police aurait dû motiver l'arrêté sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que, par courrier du 25 novembre 2019 reçu le lendemain par le préfet de police, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour mention " étudiant ", il est constant que ce courrier est postérieur à la date de l'arrêté attaqué et, en conséquence, sans incidence sur sa légalité. Par suite, le préfet de police n'a pas entaché la décision attaquée d'une insuffisance de motivation.
8. En second lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code. Il est toutefois loisible au préfet d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à un titre de séjour sur le fondement d'une autre disposition du code. Il lui est aussi possible, exerçant le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant un titre de séjour, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle.
9. Il ressort de la motivation de l'arrêté contesté, corroborée sur ce point par les mentions inscrites sur la feuille de salle de M. A... le 14 octobre 2019, soit le jour de sa réception en préfecture, par l'agent instructeur, que l'intéressé n'a pas souhaité demander un titre de séjour en qualité d'étudiant, sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de police n'était pas tenu d'examiner si l'intéressé pouvait prétendre à un titre de séjour sur ce fondement. Dès lors, M. A... n'est fondé à soutenir ni que le préfet aurait commis une erreur de droit en ne procédant pas, à titre subsidiaire, à l'examen de sa demande de titre de séjour en qualité d'étudiant ni que la décision attaquée serait entachée à cet égard d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. ".
11. Si M. A... invoque les dispositions qui précèdent de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a pas davantage présenté sa demande de titre de séjour sur le fondement de ces dispositions. Le préfet de police n'était, dès lors, pas tenu d'examiner sa demande sur ce fondement. En tout état de cause, le requérant ne fait état d'aucune circonstance de nature à faire regarder son admission au séjour comme répondant à une situation humanitaire ou se justifiant par des motifs exceptionnels au sens de ces dispositions. Le moyen doit, par suite, être écarté.
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention ''vie privée et familiale'' est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
13. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... soutient, sans l'établir, être présent en France depuis septembre 2016, il est célibataire sans charge de famille et n'établit pas être dans l'impossibilité de poursuivre une vie privée et familiale normale dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de seize ans au moins et où il ne conteste pas que réside sa mère et l'ensemble de sa fratrie. S'il était inscrit en 2ème année de CAP " pâtisserie " à la date de la décision attaquée, il n'établit pas être dans l'impossibilité de poursuivre ses études dans son pays d'origine. Enfin, si M. A... se prévaut de ce que son père réside régulièrement en France sous couvert d'une carte de résident, cette seule circonstance n'est pas, à elle seule, suffisante pour établir que la décision attaquée porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
14. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 13, notamment la circonstance que M. A... n'établit pas qu'il ne pourrait poursuivre ses études dans son pays d'origine, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait entaché la décision de refus de titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
15. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, l'arrêté attaqué contient l'exposé suffisant des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de l'obligation de quitter le territoire français.
16. En outre, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 13 et 14, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés en tant qu'ils sont dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français.
17. Enfin, les moyens dirigés contre le refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée à l'appui des conclusions de M. A... dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être, par voie de conséquence, également écartée.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
18. En visant l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et en énonçant que l'intéressé n'établissait pas être exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, l'arrêté attaqué contient l'exposé suffisant des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision fixant le pays de renvoi.
19. En outre, les moyens dirigés contre le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, l'exception d'illégalité de ces décisions invoquées à l'appui des conclusions de M. A... dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi doit être, par voie de conséquence, également écartée.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance du Tribunal administratif de Paris n° 2004279/1-2 du 15 avril 2020 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3: Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 30 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
- Mme B..., présidente,
- M. C..., premier conseiller,
- Mme Mach, premier conseiller.
Lu en audience publique le 13 novembre 2020.
Le rapporteur,
P. C...Le président,
M. B...
Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01338