Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 mai et 24 octobre 2017, la société Galerie Peter Freeman, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1620469/3-3 du
21 mars 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 7 Juillet 2016 en tant qu'elle porte interdiction d'accès et d'occupation de l'ensemble immobilier situé entre le 38 boulevard de Sébastopol et le 59 rue Quincampoix ;
3°) d'enjoindre au préfet de police d'abroger l'arrêté n° 2013-1997 du 24 décembre 2013 dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la décision du 7 juillet 2016 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, le préfet ayant estimé à tort que la situation de l'immeuble constituait toujours une situation d'extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait et de détournement de procédure ;
- la mesure d'interdiction est disproportionnée dès lors qu'elle n'était pas nécessaire pour garantir la sécurité ;
- la mesure d'interdiction d'accès à l'ensemble immobilier ne pouvait être que provisoire et limitée dans le temps.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2017, le Préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier :
Vu :
- le code de général des collectivités territoriales ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Madame d'Argenlieu,
- les conclusions de Madame Oriol, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour la société Galerie Peter Freeman.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'un incendie survenu dans la nuit du 20 décembre 2013 qui a provoqué de très importants dégâts au sein d'un ensemble immobilier situé entre le 38 boulevard Sébastopol et le 59 rue Quincampoix à Paris, le préfet de police en a interdit l'accès et l'occupation, par un arrêté
n° 2013-1997 du 24 décembre 2013. Par plusieurs mises en demeure datées des 26 décembre 2013,
16 décembre 2014, 17 juin 2015 et 7 juillet 2016, le préfet de police a, d'une part, prescrit la réalisation de travaux de mise en sécurité par l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, propriétaire de l'ensemble immobilier et, d'autre part, maintenu cette interdiction d'accès et d'occupation. La société Galerie Peter Freeman, locataire d'un local commercial au rez-de-chaussée du bâtiment donnant sur la rue Quincampoix, relève appel du jugement du 21 mars 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du
7 juillet 2016 en tant qu'elle porte interdiction d'accès et d'occupation des locaux.
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement :
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 2512-13 du code général des collectivités territoriales, applicable à la date de la décision attaquée : " Dans la commune de Paris, le préfet de police exerce les pouvoirs et attributions qui lui sont conférés par l'arrêté des consuls du
12 messidor an VIII qui détermine les fonctions du préfet de police à Paris et par les textes qui l'ont modifié (...) ". L'article L. 2212-2 du même code dispose que : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment :/ 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure ". L'article L. 2212-4 de ce même code prévoit que : " En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les
circonstances. ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation,
enfin, : " Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique, dans les conditions prévues à l'article L. 511-2. Toutefois, si leur état fait courir un péril imminent, le maire ordonne préalablement les mesures provisoires indispensables pour écarter ce péril, dans les conditions prévues à l'article L. 511-3. ".
3. Il résulte de ces dispositions que le préfet de police exerce, dans la commune de Paris, les pouvoirs de police générale qui sont reconnus au maire par les articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales. Les pouvoirs de police générale ainsi reconnus au préfet de police par les dispositions précitées des articles L. 2512-13 du code général des collectivités territoriales qui s'exercent dans l'hypothèse où le danger menaçant un immeuble résulte d'une cause qui lui est extérieure, sont distincts des pouvoirs qui lui sont conférés dans le cadre des procédures de péril ou de péril imminent régies par l'article précité L. 511-4 et suivants du code de la construction et de l'habitation. Toutefois, en présence d'une situation d'extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent, le préfet de police peut, quelle que soit la cause du danger, faire légalement usage de ses pouvoirs de police générale, et notamment prescrire l'exécution des mesures de sécurité qui sont nécessaires et appropriées.
4. Il ressort en l'espèce du mémoire en défense du préfet de police qu'en maintenant, dans sa décision du 7 juillet 2016, l'interdiction telle que prescrite par l'arrêté initial n° 2003-1997 d'accéder à l'ensemble immobilier et de l'occuper, il a fait usage de ses pouvoirs de police générale. Il n'apparait pas, au vu des termes de la décision attaquée et des pièces du dossier, que le préfet de police aurait entendu limiter dans le temps l'interdiction d'accéder à l'immeuble en litige et de l'occuper. Or, il résulte de ces mêmes pièces qu'il pouvait être mis fin au risque d'effondrement de l'immeuble par la réalisation des travaux prescrits par le préfet de police. En l'absence d'un risque à caractère permanent, l'interdiction d'accès et d'occupation des locaux ne pouvait donc être légalement prononcée que si elle revêtait un caractère temporaire. Dès lors, la décision attaquée, en interdisant sans limitation dans le temps l'accès à l'immeuble et son occupation, a excédé ce qui était nécessaire à la prévention des risques en cause. La société Galerie Peter Freeman est donc fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, à demander l'annulation du jugement et de la décision attaqués.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
6. La décision attaquée du 7 juillet 2016 ne pouvant, en l'absence de demande en ce sens, être regardée comme constituant un refus implicite d'abroger l'arrêté n° 2013-1997 du
24 décembre 2013, son annulation n'implique pas nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de police d'abroger ledit arrêté. Les conclusions à fin d'injonction de la société Galerie Peter Freeman doivent dès lors être rejetées.
Sur les frais de justice :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société galerie Peter Freeman et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1620469/3-3 du 21 mars 2017 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La décision du 7 juillet 2016 est annulée en tant qu'elle interdit l'accès et l'occupation de l'ensemble immobilier situé entre le 38 boulevard Sébastopol et le 59 rue Quincampoix à Paris.
Article 3 : L'Etat versera à la société Galerie Peter Freeman la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Galerie Peter Freeman et au préfet de police.
Copie en sera adressée à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- Madame Hamon, président assesseur,
- Madame Bernard, premier conseiller,
- Madame d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 octobre 2018.
Le rapporteur
L. d'ARGENLIEULe président assesseur,
En application de l'article R. 222-26
du code de justice administrative,
P. HAMONLe greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
5
N° 17PA01683