Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 avril 2018, M. A..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1717670/6-1 du
9 mars 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 18 octobre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, dans les mêmes conditions d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une omission à statuer en l'absence de réponse au moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée ;
- le préfet a insuffisamment motivé sa décision de refus de séjour et n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- cette décision est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet n'a pas saisi la commission du titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 313-11 6ème, L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 juin 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Hamon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant ivoirien, né le 12 novembre 1968, est entré en France le
7 novembre 2001 selon ses déclarations. Il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10, de l'article L. 313-11 6ème et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 15 septembre 2017. Par un arrêté du 18 octobre 2017, le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A...relève appel du jugement du
9 mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des points 2 et 3 du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu au moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'un défaut de motivation. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement est entaché d'une omission à statuer sur ce point.
Sur la légalité de l'arrêté du 18 octobre 2017 :
3. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a produit de nombreux documents démontrant qu'il réside en France depuis au moins le mois de juin 2007. S'agissant plus particulièrement des années 2008 et 2009, le requérant a produit des attestations de dépôt de demande d'aide médicale d'Etat (AME), une lettre d'envoi de la carte d'AME, des ordonnances médicales, des courriers d'envoi de la carte solidarité transport et un courrier de Pôle emploi. Compte tenu de la nature et l'origine de ces documents, et eu égard à la cohérence de l'ensemble des pièces produites par le requérant, sa présence en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée est établie. Par suite, le préfet de police a méconnu les dispositions de l'article
L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en omettant de saisir la commission du titre de séjour avant de prendre l'arrêté attaqué.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. A...n'implique pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions du requérant tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour doivent être rejetées. Il y a en revanche lieu d'enjoindre au préfet de police de soumettre la demande présentée par l'intéressé à la commission du titre de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer dans l'attente du réexamen de sa situation administrative, une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de justice :
7. Dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de faire droit à la demande présentée à ce titre par M. A...et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1717670/6-1 du 9 mars 2018 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 18 octobre 2017 par lequel le préfet de police a refusé à M. A...la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de saisir la commission du titre de séjour de la demande de M.A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 200 euros à M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 octobre 2018.
Le rapporteur,
P. HAMON
Le président,
B. EVEN
Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01203