Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 juin 2020 et 1er juillet 2020, M. D..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement n° 2000132/1-2 du 14 avril 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
3°) d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié ", dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à Me A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est illégale dès lors qu'elle se fonde sur une décision de refus de titre de séjour elle-même illégale ;
- elle méconnaît l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est illégale dès lors qu'elle se fonde sur une décision portant obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 25% par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris du 15 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Mach, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant ivoirien, né le 20 avril 1986, déclare être entré en France le 14 juin 2011. Il a sollicité le 14 mai 2019 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 4 décembre 2019, le préfet de police a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. D... relève appel du jugement du 14 avril 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par une décision du 15 octobre 2020, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris a admis M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle. Par suite, il n'y a pas lieu d'admettre l'intéressé, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le moyen commun à l'ensemble des décisions contestées :
3. M. D... reprend en appel le moyen qu'il avait soulevé en première instance tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
4. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
5. En présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-14, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si cette promesse d'embauche ou ce contrat de travail, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
6. M. D... se prévaut de sa présence en France depuis 2011 et de son intégration professionnelle depuis 2014. Si l'intéressé a occupé des emplois temporaires dans le cadre de missions d'intérim et de contrats de courte durée en qualité d'agent de service de 2014 à 2018 et en qualité d'employé dans des établissements de restauration en 2018 et 2019 et produit une attestation de la société Adecco Paris restauration du 25 novembre 2019 sur les missions pouvant lui être confiées en qualité de personnel polyvalent de la restauration, ces éléments ne constituent pas, eu égard notamment à la nature de son expérience, de ses qualifications professionnelles et des caractéristiques des emplois concernés, un motif exceptionnel de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour. Les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne constituent pas des lignes directrices dont les intéressés peuvent utilement se prévaloir devant le juge. Dans ces conditions, le préfet de police n'a pas commis d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que la situation de M. D... ne répondait pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour au titre des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. M. D... fait valoir qu'il a fui la Côte d'Ivoire en 2011, s'être établi en France depuis neuf ans et y exercer une activité professionnelle depuis cinq ans. Il ressort des pièces du dossier que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 13 août 2012, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile le 21 mars 2013. Ainsi qu'il a été dit au point 6, l'intéressé a occupé des emplois temporaires dans le cadre de missions d'intérim et de contrats de courte durée. M. D... est célibataire et sans charge de famille et n'établit, ni même n'allègue, être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans et où résident encore son frère et sa soeur. Par suite, le préfet de police n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de M. D....
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Il résulte des motifs qui précèdent que M. D... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
9. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision : " I.- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) ".
10. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que M. D... ne peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet a pu, sans entacher sa décision d'erreur de droit, se fonder sur les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français.
11. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7, M. D... n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
12. Il résulte des motifs qui précèdent que M. D... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
13. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du
4 novembre 1950. ".
14. En se bornant à soutenir qu'il craint d'être privé de liberté, d'être exposé à des actes de tortures et d'être assassiné en cas de retour dans son pays d'origine, M. D... n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il encourrait personnellement et directement des risques d'y subir des traitements inhumains et dégradants. Au surplus, sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 13 août 2012, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile le 21 mars 2013. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
15. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 14, M. D... n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. D... tendant à être admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : La requête de M. D... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera délivrée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 7 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme B..., président de chambre,
- Mme Portes, premier conseiller,
- Mme Mach, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2021.
Le rapporteur,
A-S MACHLe président,
M. B...Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA01510 2