Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 août 2020 et 23 octobre 2020, l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA), représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1911226/4-1 du 4 juin 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 5 mars 2019 par laquelle l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) a infligé à la société West Atlantic une amende administrative d'un montant de 40 000 euros ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société West Atlantic devant le Tribunal administratif de Paris ;
3°) à titre subsidiaire, de prononcer une amende administrative d'un montant de 40 000 euros à l'encontre de la société West Atlantic ;
4°) de mettre à la charge de la société West Atlantic le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'irrégularité de la convocation à la séance plénière n'a pas privé irrémédiablement la société d'une garantie et est sans incidence sur la régularité de l'amende administrative dès lors que la société a pu présenter des observations écrites et a bénéficié de la possibilité d'exercer un recours de pleine juridiction ;
- le tribunal a méconnu son office en ne prononçant pas une décision se substituant à celle du 5 mars 2019 ;
- la société n'a pas obtenu l'accord des autorités aéroportuaires pour décoller ;
- le montant de la sanction prononcée n'est pas disproportionné.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2021, la société West Atlantic, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires ;
2°) à titre subsidiaire, de minorer l'amende administrative prononcée par l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires ;
3°) de mettre à la charge de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires ne sont pas fondés ;
- le montant de l'amende est disproportionné au regard de l'infraction commise.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CEE) n° 95/93 du Conseil du 18 janvier 1993 fixant des règles communes en ce qui concerne l'attribution des créneaux horaires dans les aéroports de la Communauté ;
- le code de l'aviation civile ;
- le code des transports ;
- l'arrêté du 6 novembre 2003 portant interdiction entre 0 heure et 5 heures des décollages d'aéronefs non programmés pendant ladite période horaire sur l'aérodrome de Paris-Charles de Gaulle ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mach, premier conseiller,
- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,
- les observations de Me Baïta, avocat de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires ;
- et les observations de Me B..., avocat de la société West Atlantic.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite du procès-verbal dressé le 31 mai 2017 par des agents de la direction générale de l'aviation civile pour manquement aux règles de restriction d'exploitation de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle, l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) a prononcé, par décision du 5 mars 2019, à l'encontre de la société West Atlantic une amende administrative d'un montant de 40 000 euros. L'ACNUSA relève appel du jugement du 4 juin 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 6361-14 du code des transports : " (...) / Après s'être assuré que le dossier d'instruction est complet, le rapporteur permanent le notifie à la personne concernée et l'invite à présenter ses observations écrites dans un délai d'un mois, par tout moyen, y compris par voie électronique. A l'issue de cette procédure contradictoire, le rapporteur permanent clôt l'instruction et peut soit classer sans suite le dossier si est vérifié au moins un des cas limitativement énumérés par décret en Conseil d'Etat, soit transmettre le dossier complet d'instruction à l'autorité. Cette décision est notifiée à la personne concernée. / L'autorité convoque la personne concernée et la met en mesure de se présenter devant elle, ou de se faire représenter, un mois au moins avant la délibération. Elle délibère valablement dans le cas où la personne concernée néglige de comparaître ou de se faire représenter. (...) / Après avoir entendu le rapporteur et, le cas échéant, la personne concernée ou son représentant, l'autorité délibère hors de leur présence. (...) ". Aux termes de l'article R. 227-2-2 du code de l'aviation civile : " Le procès-verbal, le dossier d'instruction, ses compléments éventuels et la convocation à la séance au cours de laquelle l'affaire doit être examinée sont envoyés à la dernière adresse connue de la personne concernée ou de son mandataire, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou par voie électronique dans les conditions prévues par l'article L. 112-15 du code des relations entre le public et l'administration. "
3. Il ressort des pièces du dossier, et n'est plus sérieusement contesté en appel par l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, que le courrier du 10 janvier 2019 du rapporteur permanent informant la société West Atlantic que le dossier d'instruction complet, qui ne pouvait donner lieu à un classement sans suite, avait été transmis à l'ACNUSA et la convoquant à la séance du 5 mars 2019 au cours de laquelle le dossier serait examiné, n'a pas été envoyé à la dernière adresse communiquée par la société le 2 novembre 2017 mais à son ancienne adresse. L'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires soutient que la procédure contradictoire a néanmoins été respectée dans la mesure, d'une part, où la société West Atlantic a été informée du manquement en cause par procès-verbal établi le 31 mai 2017 ainsi que par la transmission du dossier complet d'instruction, d'autre part, où elle a présenté des observations écrites les 30 juin 2017, 10 avril 2018 et 28 janvier 2019 et que la société dispose de la possibilité de présenter un recours de pleine juridiction. Toutefois, la société West Atlantic, qui n'a eu connaissance ni de la transmission de son dossier à l'autorité ni de la tenue d'une séance, à laquelle elle n'était donc pas représentée, n'a pas été mise en mesure de présenter des observations orales devant le collège chargé de prononcer la sanction. Alors même qu'elle avait présenté des observations écrites aux fonctionnaires et au rapporteur permanent chargés de l'instruction et qu'elle a ultérieurement exercé un recours contentieux, la société West Atlantic a ainsi été privée d'une garantie.
4. Il résulte de ce qui précède que l'ACNUSA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a jugé que la décision du 5 mars 2019 avait été adoptée en méconnaissance du principe du contradictoire et devait, en conséquence, être annulée.
5. Toutefois, cette méconnaissance du principe du contradictoire devant le collège de l'autorité chargé de prononcer la sanction n'entache pas d'irrégularité l'ensemble de la procédure suivie devant l'ACNUSA et n'affecte ni l'engagement de cette procédure, ni l'instruction et les poursuites. Au surplus, la société West Atlantic a eu la possibilité de faire valoir devant le juge administratif ses observations concernant tant le principe que le quantum de l'amende en litige. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour le juge administratif, eu égard à son office de plein contentieux, de statuer sur les poursuites en prenant une décision qui se substitue à celle qui avait été prise par cette autorité.
6. Aux termes de l'article L. 6361-12 du code de l'aviation civile : " L'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires prononce une amende administrative à l'encontre : / 1° De la personne exerçant une activité de transport aérien public au sens de l'article L. 6412-1 ; / 2° De la personne au profit de laquelle est exercée une activité de transport aérien au sens de l'article L. 6400-1 ; / 3° De la personne exerçant une activité aérienne, rémunérée ou non, autre que celles mentionnées aux 1° et 2° du présent article ; / 4° Du fréteur dans le cas défini par l'article L. 6400-2, ne respectant pas les mesures prises par l'autorité administrative sur un aérodrome fixant : / a) Des restrictions permanentes ou temporaires d'usage de certains types d'aéronefs en fonction de leurs émissions atmosphériques polluantes, de la classification acoustique, de leur capacité en sièges ou de leur masse maximale certifiée au décollage ; / b) Des restrictions permanentes ou temporaires apportées à l'exercice de certaines activités en raison des nuisances environnementales qu'elles occasionnent ; / c) Des procédures particulières de décollage ou d'atterrissage en vue de limiter les nuisances environnementales engendrées par ces phases de vol ; / d) Des règles relatives aux essais moteurs ; / e) Des valeurs maximales de bruit ou d'émissions atmosphériques polluantes à ne pas dépasser. ". Aux termes de l'article L. 6361-13 du même code : " Les amendes administratives mentionnées à l'article L. 6361-12 ne peuvent excéder, par manquement constaté, un montant de 1 500 pour une personne physique et de 20 000 pour une personne morale. S'agissant des personnes morales, ce montant maximal est porté à 40 000 lorsque le manquement concerne : / 1° Les restrictions permanentes ou temporaires d'usage de certains types d'aéronefs en fonction de leurs émissions atmosphériques polluantes ou de la classification acoustique ; / 2° Les mesures de restriction des vols de nuit. ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 6 novembre 2003 portant interdiction entre 0 heure et 5 heures des décollages d'aéronefs non programmés pendant ladite période horaire sur l'aérodrome de Paris-Charles de Gaulle : " En vue de réduire les nuisances sonores autour de l'aérodrome de Paris-Charles-de-Gaulle, le départ d'un aéronef du point de stationnement en vue d'un décollage de cette plate-forme est interdit entre 0 heure et 4 h 59, heures locales si ce décollage n'a pas fait l'objet de l'attribution d'un créneau horaire de départ dans ladite plage horaire le jour en question. ".
7. Il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal dressé le 31 mai 2017 par des agents de la direction générale de l'aviation civile, qu'un aéronef opéré par la société West Atlantic a quitté le point de stationnement en vue de son décollage le 21 avril 2017 à 4h46 dans des conditions méconnaissant les dispositions citées au point 6 de l'arrêté du 6 novembre 2013. Si la société West Atlantic fait valoir qu'à la suite de sa demande d'attribution d'un créneau auprès du coordinateur des aéroports, elle a légitimement pu croire qu'un créneau lui avait été attribué oralement par un personnel de l'aéroport et qu'en tout état de cause, elle aurait pu procéder à une régularisation le lendemain du décollage par un échange avec les créneaux horaires dont elle disposait, la société West Atlantic ne pouvait ignorer que la conversation avec les services du parking de l'aéroport, en dehors des horaires d'ouverture du coordinateur, ne pouvait valoir attribution régulière d'un créneau. Les faits dont la société West Atlantic ne conteste pas la matérialité sont de nature à justifier une amende administrative en application de l'article L. 6361-13 du code des transports.
8. Eu égard au niveau de bruit de l'appareil et à l'atteinte portée à la tranquillité des riverains imputable à un décollage à 4h46 et en tenant compte de l'anticipation, limitée à treize minutes, de l'horaire requis et de l'absence de précédents manquements commis par elle, il y a lieu de prononcer à l'encontre de la société West Atlantic une amende d'un montant de 15 000 euros.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société West Atlantic demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société West Atlantic le versement de la somme que l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires demande sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Une amende administrative d'un montant de 15 000 euros est prononcée à l'encontre de la société West Atlantic.
Article 2 : Le jugement n° 1911226/4-1 du 4 juin 2020 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la société West Atlantic présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires et à la société West Altantic.
Délibéré après l'audience du 7 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., président de chambre,
- Mme Portes, premier conseiller,
- Mme Mach, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2021.
Le rapporteur,
A-S MACHLe président,
M. A...Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA02081