Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 février 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- le tribunal s'est mépris sur la qualification juridique de la menace à l'ordre public qui ne nécessite pas d'être grave et actuelle ;
- le comportement de M. C... constitue une menace à l'ordre public qui ne saurait être minorée par leur ancienneté relative ;
- l'intéressé ne justifie ni de l'intensité de ses liens familiaux ni d'aucun autre élément de nature à établir sa réinsertion depuis sa sortie de prison ;
- l'arrêté du 7 août 2019 est suffisamment motivé ;
- l'arrêté n'est entaché d'aucune erreur de fait dès lors que c'est bien l'autorité préfectorale qui a statué défavorablement sur la demande de M. C..., et non la commission du titre de séjour ;
- M. C... a fondé sa demande de titre de séjour sur le seul 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et non sur les 2° et 2° bis du même article ; il ne saurait donc être reproché de ne pas avoir pas statué au regard de ces dernières dispositions ;
- en tout état de cause, M. C... ne remplissait pas les conditions posées par les 2° et 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté ne méconnait ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2021, M. C..., représenté par Me Vitel, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :
1°) de confirmer le jugement ;
2°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- il ne constituait plus, à la date de la décision en litige, une menace pour l'ordre public ;
- il a démontré une réelle volonté de réinsertion ;
- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé en fait ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'il mentionne que la commission du titre de séjour a statué défavorablement sur sa demande alors qu'elle a rendu un avis favorable à sa demande de titre de séjour le 10 janvier 2019 ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mantz, rapporteur,
- et les observations de Me Vitel pour M. C....
Une note en délibéré enregistrée le 10 septembre 2021 a été présentée par Me Vitel pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant congolais (République du Congo), né le
1er octobre 1995, est entré en France en 2005. Il a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 août 2019, le préfet de police a rejeté sa demande. Le préfet de police relève appel du jugement du 23 décembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire dans le délai de trois mois.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, les conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été notamment condamné à quatre ans d'emprisonnement pour vol avec arme et violence aggravée par deux circonstances suivie d'incapacité supérieure à huit jours par jugement du tribunal pour enfants du 18 juin 2012, pour des faits commis en 2011, et à trois ans de prison dont un avec sursis avec mise à l'épreuve pendant trois ans par jugement du 16 décembre 2013 du tribunal correctionnel pour mineurs d'Evry pour des faits de violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'incapacité supérieure à huit jours en récidive, pour des faits commis en 2013. Il ressort également des pièces du dossier que M. C... a fait l'objet, à sa demande, lors de son séjour en prison, d'un suivi psychologique régulier et a entrepris diverses démarches en vue de sa réinsertion. Il a ainsi obtenu un certificat de formation générale et le diplôme national du brevet en 2012, un stage de formation professionnelle en qualité de mécanicien entre août et décembre 2012, un brevet en " informatique et internet " en mars 2013 et s'est engagé dans un cursus en vue de l'obtention du brevet d'études professionnelles. Il a en outre occupé un emploi en prison entre 2012 et 2015, tant à la maison d'arrêt de Nanterre qu'à celle de Fleury-Mérogis. En outre, le préfet de police ne fait état, depuis l'élargissement de l'intéressé en janvier 2016, de la survenance d'un quelconque incident de nature à faire regarder le comportement de l'intéressé comme constituant toujours une menace à l'ordre public. Dans ces conditions, compte tenu des efforts notables de réinsertion de M. C..., de ce qu'il est entré en France à l'âge de neuf ans, circonstance faisant au demeurant obstacle à son éloignement, et de l'avis favorable de la commission du titre de séjour, en date du 10 janvier 2019, à la délivrance à l'intéressé d'un titre de séjour, et nonobstant la gravité des faits pour lesquels M. C... a été condamné, la présence de ce dernier ne pouvait plus être regardée, à la date de la décision attaquée, comme une menace à l'ordre public. Il ressort de plus des pièces du dossier que M. C... vit chez sa mère de nationalité française et que son frère, handicapé, réside régulièrement sur le territoire national. Ainsi, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, et nonobstant la circonstance que l'intéressé, célibataire sans charges de famille, n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside notamment son père, et dans les circonstances très particulières de l'espèce, l'arrêté par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour doit être annulé.
4. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 7 août 2019 et, par voie de conséquence, lui a enjoint de délivrer à M. C... une carte de séjour temporaire.
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
5. Le présent arrêt, qui rejette la requête du préfet de police, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions présentées par M. C... tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte, auxquelles il a en tout état de cause déjà été fait droit en première instance, doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. C... d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : Les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte présentées par M. C... sont rejetées.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente,
- Mme Briançon, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2021.
Le rapporteur,
P. MANTZ
La présidente,
M. HEERS
La greffière,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA00853 4